En résumé, voici la liste des erreurs habituellement faites sur les biographies de Guillaume de Sonnac :

 

NOM : d'après les manuscrits français de l'époque son prénom de baptême est Willelm en poitevin soit Guillaume en français et son nom est Sonay. Nous proposons donc Guillaume de Sonay comme étant le mieux adapté en français de notre époque. Son nom se prononçait "Sonaille" (voir le manuscrit L 1252). Au XIIIème l'orthographe des noms est très variable et d'autres formes ont été utilisées :

  • SONNAC est le nom traditionnel qui a été retenu. C'est le même mot que SONAY mais en langue d'Oc ce qui porte trop à confusion. C'est la forme utilisée par Joinville mais les copies qui nous sont parvenues du livre de Joinville orthographient plutôt Sonac que Sonnac comme Sonnac sur l'Hers dans l'Aude, région présumée par Mansuet pour l'origine de notre homme.
  • SENAY est la forme anglaise retenue par Matthiew Paris sur un document contemporain mais Paris ne connaissait pas personnellement notre grand maître comme c'était le cas pour Joinville.
  • D'autres formes de copistes anglais sont à écarter comme SONEVEY, SOUM ou SONARI etc...
  • SAUNHAC provient de la revendication d'une grande famille du Rouergue datant de 1820 demandée par monseigneur de Saunhac évêque de Cahors. La lecture de la lettre du baron de Gaujal à Mgr de Saunhac en note de la p. 112 de "l'Etude historique sur le Rouergue" est édifiante et cette orthographe doit être totalement écartée.

On peut se demander pourquoi Joinville, qui l'a bien connu, a appelé notre homme "Sonac ou Sonnac" selon les copies de son livre " les saintes paroles nostre roy saint Looys ". Joinville a écrit ce livre 50 ans après les faits d'après des notes originales qui ont été perdues. Il l'offre à Louis X le Hutin en 1303. Entre temps, depuis 1223, les possessions plantagenaises sont alors réduites à la seule Gascogne. On peut donc imaginer que pour mieux désigner aux lecteurs de son temps un ancien noble plantagenêt ayant fait une grande partie de sa carrière à Poitiers où la langue d'Oc était parlée à la cour, Joinville ait préféré utiliser son nom en langue d'Oc plutôt qu'en langue d'Oil de façon à mieux mieux être en cohérence avec ses positions politiques en faveur de l'Angleterre. Cela aura pour conséquence future d'induire en erreur les savants du XIXème qui commencèrent à s'intéresser aux origines des Grands Maîtres ( ce dont ne se souciaient guère les hommes du moyen-age ).

 

NAISSANCE : date et lieu inconnus je propose vers 1200 pour préciser l'époque. L'origine familiale est la Touraine limitrophe de l'Anjou et du Poitou. Probablement au château de Sonay dans la commune de Cravant les Coteaux près de Chinon. Les origines erronées sont :

On lit parfois "devenu très tôt Templier" ou encore "ils se donnèrent pour maître un vieillard". Rien ne permet d'affirmer de telles choses car on a aucune idée de sa date de naissance !

ARMES : Dans l'état actuel de nos connaissances elles sont indéterminées. Dans tous les ouvrages et dans internet on voit les armes de la famille de Saunhac ce qui est formellement à écarter comme on l'a vu ci-dessus. Ci-contre les armes litigieuses. La figurine représentant Guillaume de Sonnac combattant sur notre page d'accueil est donc également incorrecte mais il n'y a aucune autre représentation. 

 


RECEPTION : Selon Münter et Laurent Dailliez les règles du Temple n° 544 à 549 concerneraient la réception dans l'ordre de Guillaume de Sonay qui aurait été reçu par simonie (c'est à dire l'achat de son entrée dans l'ordre). Cette thèse est fausse car les coupables se sont accusés devant maître Armand de Périgord (1232 ? - 1244) à Césarée. Ce ne pouvait donc être Guillaume qui ne « fit le passage qu'en 1247 ». Il devait donc s'agir de Renaud de Vichiers commandeur d'Acre entre 1240 et 1242 et Maître de l'ordre entre 1250 et 1252 comme successeur de Guillaume de Sonnac.

 

FONCTIONS : Sur son grade de grand maître, tout le monde s'accorde. Mais avant, les textes manuscrits nous disent qu'il a été recteur d'Auzon en janvier 1224, précepteur/commandeur d'Auzon (ce qui est peut être la même responsabilité que celle de recteur) en 1228, maître de la province de Poitou-Aquitaine d'avant mars 1236 à après juin 1246 et grand maître avant avril 1248. Il n'a jamais été :

  • Précepteur de Sainte Eulalie de Cernon, de la Couvertoirade ou de Château-Bernard près de Cognac.
  • Maître des Pouilles avant ou en même temps que maître de Poitou-Aquitaine.

 

ELECTION : Guillaume de Sonnac succède à Herman de Périgord (Hermannus Petragoricensis) emprisonné après la défaite de la Forbie. Personne ne sait si Herman de Périgord est mort ou emprisonné. Une élection ne peut donc avoir lieu et il y a une période de vacance de la maîtrise. Un vice maître est signataire de la lettre lue par Innocent IV au concile de Lyon, il s'agit de Guillaume de Rochefort. Par la suite un dénommé Richard de Bures est signalé comme grand maître sur une liste hospitalière anglaise de 1442. N'ayant aucun document prouvant que Richard de Bures ait été grand maître, on pense qu'il fut grand commandeur donc maître par intérim en attendant de savoir si Herman de Périgord était décédé, ce que le couvent a certainement appris en 1247. ni Guillaume de Rochefort ni Richard de Bures ne peuvent donc avec certitude être considérés comme grands maîtres. Guillaume de Sonnac est donc le 17 ou 18ème grand maître des Templiers. A noter que le fait de ne pas compter Richard de Bures comme grand maître arrange bien les ésotéristes (voir ci dessous) puisque les 22 grands maîtres correspondent alors aux 22 arcanes du tarot (René Lachaud dans "Templiers chevaliers d'Orient et d'Occident"), Guillaume de Sonnac récoltant alors l'arcane 17 "l'Etoile"

 

Laurent Dailliez dans "les Templiers" affirme que Guillaume de Sonnac apparaît en tant que grand maître dans une copie d'acte de l'ordre de saint Thomas d'Acre datée de février 1245 (copie du XIVème). Cette affirmation renforcée par une note particulièrement affirmative dans "les Templiers, gouvernement et institution"  est reprise dans beaucoup de biographies. Or cette date est fausse car Guillaume de Sonnac était encore à Fontevraud le 2 juin 1246 à la veille de la mort d'Isabelle d'Angoulème.

 

On ne possède aucun document sur l'élection de Guillaume de Sonnac, élection qui traditionnellement se déroulait à Château-Pèlerin. Par contre il était maître de l'ordre le 6 avril 1248. Son successeur à la province d'Aquitaine Foulque de Saint Michel était en poste le 14 novembre 1247 (Bulst-Thiele p. 242). Comme les "passages" (traversées) ne se faisaient pas, sauf exception, en hiver, compte tenu que le processus d'élection durait au moins 2 mois, et que Richard de Bures est mort au mois de mai (Bulst-Thiele p.242), il est probable que la date de son élection soit en été ou automne 1247, date retenue dans la plupart des listes de grand maître.

 

Il n'y a pas eu intervention de saint Louis (il n'était pas encore à Chypre) pour l'élection de Guillaume de Sonnac. Joinville le laisse entendre au sujet de son successeur Renaud de Vichiers.

 

ACTION : Certaines biographies essayent de rendre mystérieux le don d'une relique du sang du Christ provenant du trésor du saint Sépulcre à Henri III. Ce don est fait conjointement par le patriarche Robert de Nantes, Guillaume de Sonnac qui envoie à cet effet un messager templier en Angleterre et le maître des hospitaliers Guillaume de Châteauneuf. Le fait est clairement décrit dans la chronique de Matthieu Paris au paragraphe Bg. Voir aussi le livre de Nicholas Vincent "The Holy Blood" ainsi que les actes du colloque 2016.

 

Concernant son action en tant que grand maître, on rencontre la citation suivante : " Il réorganise la hiérarchie du Temple et fait codifier les archives avant de les mettre en lieu sûr. " Cette affirmation n'a jamais été démontrée et apparait avec la dérive ésotérique. En effet, les ésotéristes pensent que Guillaume de Sonnac a créé une branche initiée du Temple avec une règle secrète que Roncelin de Fos aurait écrit. La preuve invoquée est que Guillaume de Sonnac a protégé Roncelin de Fos en l'éloignant des combats et en le nommant précepteur de Provence en 1248. C'est en effet ce même Roncelin de Fos que Geoffroy de Gonneville précepteur d'Aquitaine a accusé lors du procès d'avoir introduit de mauvaises pratiques dans l'ordre. En partant de quelques faits réels bien mis en avant, toute une théorie compliquée et peu vraisemblable a été développée concernant une double maîtrise de l'ordre. Nous ne suivrons pas ces hypothèses sans que des faits historiquement avérés ne soient développés. Il en sera de même concernant les différentes traditions franc-maçonnes dont les auteurs ne disposaient pas des plus récentes recherches sur l'ordre du Temple.
  

On a accusé Guillaume de Sonnac d'avoir mêlé son sang avec celui du sultan Malik al-Salih Ayyoub. Cette assertion fait encore de nos jours écho chez les ésotéristes désirant démontrer l'ouverture du Temple aux rites orientaux contrairement à l'église de Rome. Aucun lien de sympathie n'a jamais existé entre les Templiers et Malik al Salih Ayyoub, bien au contraire, voir Matthieu Paris § Be. L'auteur de cette médisance, cité sous le nom de Boulanger, n'est autre que l'auteur de la grande chronique de France au § Xb. Ce chroniqueur écrivait vers 1350 soit après le procès intenté par Philippe le Bel, il ne peut donc, en aucun cas, être qualifié de contemporain des faits rapportés. De même, affirmer que Guillaume de Sonnac aurait été reçu dans certaines chevaleries musulmanes avec le titre de "Ibn" procède de la même affabulation.

 

PRISE DE DAMIETTE : Guillaume de Sonnac était à Acre en aout 1248 il n'a donc pas embarqué avec Saint Louis à Aigues-Mortes. C'est le maréchal Renaud de Vichiers avec un contingent de Templiers qui faisait partie de l'expédition. Guillaume de Sonnac a rejoint les croisés sur l'Ile de Chypre pour assister à un conseil important devant décider du report du départ de Chypre.

 

Il n'est pas certain que Guillaume de Sonnac ait assisté à la prise de Damiette comme certaines biographies le disent. la lettre de Gui à son frère suggère même le contraire en affirmant que "l'armée s’est augmentée chaque jour de l’ordre teutonique, de l’ordre du temple et des hospitaliers, sans parler des pèlerins qui arrivaient à tout moment. Les Templiers et les Hospitaliers ne voulaient pas croire d’abord à un pareil triomphe.

 

MANSOURAH : le bras du Nil appelé par les croisés fleuve "Thanis", par les chroniqueurs arabes le bras de "Asmoun Thana", qui a pour nom actuel canal de "Bahr es-Saghîr" n'est pas près de Damiette mais près de Mansourah (voir la carte).

 

Guillaume commandait l'avant garde et non l'arrière garde comme indiqué dans quelques biographies.

 

Concernant l'altercation avec Robert d'Artois, il me semble que le grand commandeur Giles dont parle la chronique de Rothelin n'est autre que notre homme, la chronique de Rothelin étant la seule à attribuer cette altercation à un autre homme que le grand maître des Templiers contre cinq autres chroniques également dignes de foi.

 

Enfin, quelques biographies soutiennent que Guillaume de Sonnac serait mort en protégeant la retraite de Saint Louis, ce qui est une interprétation abusive de la réalité. Guillaume de Sonnac, lors de la bataille du 11 février, dirigeait un des corps de l'armée, celui des Templiers, qui comportait le peu d'hommes restant valides après Mansourah. Cette bataille a eu lieu à l'emplacement de l'ancien camp des Sarrasins, c'est à dire au pied de la colline de Gédilé sur la rive droite coté Mansourah du Bahr es-Saghîr. Il y avait d'autres corps formant l'armée royale qui sont cités par Joinville : celui du comte d'Anjou le plus avancé qui ne dût vie sauve que grâce à l'intervention directe de son frère Saint Louis. Les corps de Guy d'Ibelin et de Gautier de Châtillon qui résistèrent jusqu'au bout. Puis celui des Templiers et enfin celui de Guy Mauvoisin, ces deux derniers ayant également été malmenés. On ne peut donc pas affirmer que Guillaume de Sonnac ait directement, par sa mort, sauvé Saint Louis qui se battait à l'autre extrémité de la ligne de front. 

 

Il est abusif de dire également qu'aucun Templier ne réchappa de ces deux batailles puisque le maréchal Renaud de Vichiers, qui, de part sa fonction, n'a pas pu ne pas combattre, a assuré la suite des évènements en négociant la libération du roi.  

 

MORT : Certains chroniqueurs ont placé la mort de Guillaume lors de la bataille de Mansourah. Ceci n'a pas été repris dans les biographies. Guillaume de Sonnac est bien mort selon Joinville qui est très précis sur le fait et sur le calendrier associé le 11 février 1250 soit trois jours après Mansourah. Nous avons vu que Matthieu Paris s'est trompé sur les dates et situe la bataille de Mansourah après le 27 mars ce qui est la cause de différents mois fantaisistes adoptés pour la mort de Guillaume de Sonnac.