Guillelmus de Sonayo (Sonaio). (Guillaume de Sonnac) 1247 – 11 février 1250.

 

 

 

 

     Le 18ème Grand Maître Guillelmus de Sonayo est probablement originaire de Saunhac-Belcastel. Si cette hypothèse est exacte, alors le château de famille était situé entre Rodez et Villefranche de Rouergue sur la rive Nord de l’Aveyron (1).

(1) - Hippolythe de Barrau, Documents sur les ordres du Temple et de St Jean de Jérusalem en Rouergue, Rodez 1861, page 24, sans références ; selon A Tardieu, Livre d’Or du cortège des Croisés à Clermont-Ferrand (19 mai 1895) avec une liste des familles existantes en France, qui ont été aux croisades, 1895, page 133 et suivantes, également sans références ; selon E. Pascalein, Le Grand Maître des Templiers, Guillaume de Sonnac, Revue Savoisienne 37, 1896, page 231 et suivantes, provient du Languedoc et non de Savoie, également sans référence.

 

     En 1224 il était précepteur d’Auzon près de Poitiers (2) et, pendant 10 ans ou plus – 1236 / 1246 - commandeur de la province d’Aquitaine (3), qui, pendant ces années, eut à souffrir des expéditions guerrières opposant Henri III et Louis IX. En 1243 Guillaume envoya le frère Thomas au roi Henri qu’il nommait « dominus et magister domorum nostrarum », avec une demande de réparation des dommages que l’ordre avait souffert durant la guerre en Gascogne et autour de La Rochelle (4); en effet le roi pouvait interdire aux citoyens de Bordeaux de réclamer à l’Ordre un péage (des droits de douane pour transit). Au contraire, Guillaume espérait pouvoir obtenir de la ville des droits pour l’Ordre. D’autre part, le roi Henri III considérait les Templiers comme ses vassaux et il se servait d’eux quand ils pouvaient lui être utiles (5). Ainsi, en 1243 il interdit le départ en croisade du maître d’Angleterre bien qu’en ce temps là toutes les forces combattantes aient été engagées en Orient, et il exigea du Grand Maître de l’époque qu’il cesse de demander le départ du maître d’Angleterre (6). Tous les privilèges de l’Ordre ne servirent à rien en face du maître du pays. C’est seulement en Orient où il n’y avait plus de roi, que le Grand Maître devenait souverain. Pour bien conduire l’ordre, il avait acquis l’expérience. Pour ce qui était de ses devoirs politiques, il devait en référer au conseil des frères experts de l’Ordre.

(2) - BN, n.a.l. 37, folio 345 ; Léonard page 106

 

(3) - BN, n.a.l. 37, folio 415 : 1236 ; folio 277 : 1242 ; Léonard page 95

 

(4) - Royal and the other letters of the reign of Henry III, publié par W.W. Shirley, 2, 1866 page 31 n° 437 : de façon erronnée « Warinus de Sonariis, dominorum militie Templi in Aquitania praeceptor » ; Public Record Office listes et index XV: List of Ancient Correspondence …, 1968, 5, 54: William de Soum’…Guillaume appelle le roi “dominus et magister domorum nostrarum » et insiste sur ses droits : « nos et homines nostri liberi (sunt) et immunes ab omni costuma ».

 

(5) - Bulst – Thiele, Schramm – Festschrift 2, page 299

 

(6) - Close Rolls 5, 1242-1247, 1906 page 19, Ordre du 6 avril 1243 : le maître anglais ne peut pas sortir du pays, tant que le Grand Maître n’aura pas quitté (révoqué) son ordre.

 

      Accompagnant Isabelle d’Angoulème, comtesse de la Marche, veuve de Jean Sans Terre, en février 1244, Guillaume vint à Paris, à la cour du roi Louis IX. Isabelle demanda au roi d’accepter les fils de son second mariage comme vassaux. En 1246 elle renouvelle sa demande : Guillaume de Sonnac est cité en marge de sa lettre (7).

(7) - Layettes 2, n° 3523, la comtesse Isabelle écrit le 3 juin 1246 à Louis « …cum super hoc (l’engagement de ses fils dans une relation ou une condition féodale) vos requirerem et rogarem per meas patentes litteras…, quas duo de quinque viris portarent, qui in vestre sublimatis fuerunt audentia (le 9 février 1244 si l’on s’en réfère au début de la lettre) nominati, scil. Fr Willelmus de Sounaio, magister militie Templi in Aquitania, fr. Luchas de Chaynone eiusdem ordinis (et trois autres) quod vos humilitati mee… concessistis, hinc est quod dominationi vestre… transmittere dignum duxi. » Le comte d’Angoulème, tout en rappelant les mises en doute au sujet des écrits de Matthieu Paris, en 1242 était passé du coté de Louis IX, Matthieu Paris 4, page 214 et suivantes ; Layettes 2, n° 2980 ; Confère également E. Boutaric, Saint Louis et Alphonse de Poitiers, 1870, pages 50 et suivantes.

 

      En ce temps là, le roi Louis préparait une croisade où il espérait l’appui des Templiers (8). C’est sur ce roi que reposait l’espérance des chrétiens d’Orient. Il était important que le nouveau Grand Maître soit connu de lui, un homme que Matthieu Paris, pourtant avare de compliments, définissait comme « intelligent, prudent, expert éprouvé aux choses de la guerre » (aux techniques militaires NDT) (9). Guillaume de Sonnac fut choisi comme Grand Maître en 1247 et, certainement cette année là, rejoignit la Terre Sainte (10).

(8) - Le 13 septembre 1246 la commune de Gènes nommait un représentant, pour négocier avec les messagers du roi, le prieur Hospitalier de France, « frater Renaldus (de Vicherio NJFL), preceptor dominice militie Templi Ierosolimitani in Francia », un chevalier du roi et un ecclésiastique sur les conditions de mise à disposition des navires, Archives de l’Orient Latin, 2, 2 pages 23 et suivantes. Layettes 2, n° 3537 : le 19 août 1246 ces mêmes messagers signaient pour la même affaire un traité avec Marseille ; confère aussi Bartholomeus Scriba, Monumenta Germaniae Historica Scriptores 18, page 220.

 

(9) - Matthieu Paris 5, page 148 : « vir quidem discretus et circumspectus, in negociis bellicis peritus et expertus. »

 

(10) - Sur le choix de Guillaume confère note 13. Pour le séjour de Guillaume en Terre Sainte en 1247 voir une note de Matthieu Paris (Tome 4 page 640), le Grand Maître des Templiers qui n’est pas mentionné par son nom, aurait fait parvenir à Londres par un Templier connu une relique du Saint Sang.

 

 

     En avril 1248, un de ses messagers arrive à Venise de façon à fixer l’indemnité compensatrice des dommages qu’avaient subi les commerçants de Venise, de Veglia (Krk) et d’Arbe (Rab) suite à l’incendie et à l’occupation de la ville de Signia (Senj). Il est vraisemblable que les Templiers hongrois et leurs vassaux aient soutenu la rébellion de la ville de Zara (Zadar) contre Venise qui eut lieu en 1247 (11). En Istrie, les Templiers – qui déjà avaient été envoyés pour s’établir à Vrana chez Béla II (+1141)- étaient très bien considérés.

(11) - Le 10 février 1250, le doge Marin Morosini confirma avoir obtenu 1750 deniers de Venise du frère Jordanus, précepteur d’Orana (Vrana, au Sud de Zadar ?) et de Senj, soit le tiers de la somme qui devait dédommager les marchands de Senj, selon la promesse du messager du Grand Maître, frère Jacobus de Turisellis (précepteur des Pouilles en 1255), promesse du Grand Maître du 25 avril 1248. Documenti del commercio veneziano nei secoli XI-XIII, publié par R. Morozzo della Rocca et A. Lombardo, Tome 2, 1940 (Regesta chartarum Italiae 29) n°798 n. Le 31 juillet 1247, un prêtre chapelain de l’Ordre et un autre frère de l’Ordre signaient, dans l’église templière « Sainte Marie du Temple » à Venise, un document sur la soumission de la cité de Zadar à la souveraineté de Venise. Tafel – Thomas Tome 2, page 441, n° 331.

 

      De plus, le 9 avril 1305, il fut remis au frère Templier Simon de Ajex, le monastère – déchu économiquement « et in spiritualibus » - de Saint Michel de Lemne près de Parenzo (Parec), dans lequel deux jours plus tard entrait une femme comme converse (11a).

(11a) - Stanko Guldescu, History of medieval Croatia, La Hague, 1964, page 191. Annales Camaldulenses, edition Joh. Ben. Mittarelli et D. Anselmo Costadoni, Tome V, 1760 colonne 386 et suivantes, n°230: « monasterium… per nullos alios religiosos sic posse ad bonum statum reduci et reformari sicut per fratres ordinis militie Templi et maxime per fratrem Simonem de Ajex, qui est vir providus, honestus et multicipliter circumspectus, considerans etiam quod fratres militie nullum locum haberent in partibus Istrie, in quo euntes et redeuntes de ultramarinis partibus valeant recepturi… ad honorem et reverentiam Dei et Beate Mariae et b. Michaelis archangeli et b. Mauri », cela en 1305 ! Ibidem I, 1755, colonne 436 : l’acceptation d’Agnès.

 

     Il est possible que le Grand Maître en Orient ait pris la route de Rome et s’y soit impliqué personnellement pour son parent le Templier et ecclésiastique Hugo de Nissun. Innocent IV exauça sa prière. Hugo fut nommé évêque de Sébaste. En 1253, le pape renouvelle son ordre au patriarche de confier à Hugo de Nissun cet évêché de la province ecclésiastique de Césarée. Le cardinal légat investit Hugo mais, du fait que son évêché était « in partibus infidelium », il devint chapelain papal et canonique de l’église du Saint Sépulcre, et plus tard son prieur – les prêtres de l’église du Saint Sépulcre vivaient à Acre – mais conserva comme telle l’administration de Sébaste (12). Hugo dut certainement ces charges à l’influence du Grand Maître auprès du Pape et à son autorité auprès de la Curie et ce, bien après sa mort.

(12) - 18 février 1253, les registres d’Innocent IV n° 6350, Innocent repète une instruction non reçue au patriarche « cum nos olim tibi dederimus litteris in mandatis », de conférer à Hugo son évêché ; le 8 avril 1253 au registres n° 6490, il redonne ses instructions : Hugo « qui tunc dicte militie frater erat », est maintenant diacre. Le 16 février 1256 Alexandre IV, registres n° 1151, confirme l’investiture d’Hugo « capellani nostri, canoniciecclesie beati Sepulcri Ierosolimitani », adressée au légat Odo ; confère aussi les registres n° 1152 et 1153 concernant les chanoines et ecclésiastes de Sebaste que l’on pouvait rencontrer à Acre. En juin 1263 Urbain IV éleva Hugo, le prieur et le chapitre lui confie la plus haute charge après le Pape et le Patriarche en le nommant prieur du Saint Sépulcre tout en lui permettant, en tant que tel, de conserver l’administration de Sébaste, registres n° 257, 260, 264 ; confère Regesta regni Hierosolymitani MXCVII-MCCXCI publié par R. Röhricht 1893 supplément page 575 les Papes cherchèrent, sauf circonstances appropriées, d’empêcher toute sortie d’un chevalier de l’Ordre.

 

     Le roi Louis débarqua à Chypre le 17 septembre 1248. Au lieu d’attaquer directement avec son armée bien équipée, il fut décidé sur le conseil des princes laïques et ecclésiastiques d’attendre l’arrivée d’autres croisés et d’attaquer ensuite l’Egypte. De nouveau la croisade était détournée de Jérusalem. On pensait, comme Herman de Périgord et cela était particulièrement mis en avant – que c’était le sultan d’Egypte qui était l’adversaire à vaincre. Alors seulement on pourrait reprendre la Terre Sainte.

 

      Peu avant l’embarquement pour Damiette, au début de 1249, Guillaume, à la demande du roi, concéda à la duchesse de Bourbon un prêt de 10 000 besans syriens en or, une somme qu’il dut lui-même se faire prêter par des commerçants génois (13), parce que l’Ordre en Orient n’avait pas une aussi grosse somme à disposition. La duchesse garantissait la restitution de l’argent avec son patrimoine. Le crédit du Maître du temple était plus grand que le sien : c’est seulement à Guillaume et avec sa garantie qu’une aussi grosse somme put être débloquée.

(13) - Le 30 avril 1249 la duchesse Yolande disait avoir reçu 3750 livres tournois du Grand Maître, le 12 mai Guillaume confirme l’acquisition de 10 000 besans d’or syriens, destinés à la duchesse, au génois Otto Tornellus et de sa compagnie contre la promesse de rembourser 3750 livres tournois. Piquet pages 78 et suivantes, Röhricht page 1176 : celui-ci accorda le prêt « pour la commodité et l’utilité des maisons du Temple » ; le premier octobre 1249, les prêteurs génois confirmèrent que le Temple devait bien acquérir cette somme, Röhricht page 1183 ; A. Schaube, Die Wechselbriefe Kg. (Le roi Saint louis) von seinem ersten Kreuzzuge, in : Jb. f. Nationalökonomie u. Statistik 70, 1898, pages 630 et suivantes, 730 et suivantes, spécialement page 618.

 

      Ce fut une erreur tactique du roi que de laisser son armée inactive une demie année à Chypre (14). A la fin de l’automne 1248 Ajjub se dirigea vers la Syrie pour assiéger Homs qu’il ne voulait pas laisser à an-Nasir Jusuf d’Alep, l’unique adversaire parmi les Ajjubides qui aurait pu être dangereux pour lui. Puisque le sultan avec son armée était proche de Gaza, il menaçait Jaffa et Césarée qui ne pouvaient être gardées en cas d’assaut, comme le Grand Maître des Templiers et le maréchal des Hospitaliers dont le Grand Maître était encore prisonnier en Egypte, le firent comprendre au roi (15). Seul Matthieu Paris (T5 p71) affirme savoir que le roi Louis aurait d’abord réconcilié Templiers et Hospitaliers à Chypre. Et ce, sans que le sultan ne menaça les chrétiens. En fait, puisqu’il était gravement malade (souffrant), il envoya plutôt au Grand Maître un négociateur pour savoir si le roi était disposé à un traité de paix. Le cardinal légat Odo, à partir de la lettre duquel repose notre connaissance de cette offre en Occident, fit croire que le traité aurait été à l’initiative du Grand Maître lui-même ; ce qui aurait indigné le roi comme étant une reconnaissance de faiblesse de l’armée chrétienne. Les Grandes Chroniques de France présenteront faussement Guillaume comme ami et frère de sang du sultan, elles affecteront ainsi à la personne de Guillaume de Sonnac la relation étroite et attestée du Grand Maître plus tardif Guillaume de Beaujeu avec l’ennemi mameluck (16).

(14) - Gestes, § 261 et suivants ; J.R. Strayer, The crusades of Louis IX, in : A history, pages 493 et suivantes de même pour la suite. Voir aussi Cl. Cahen, St Louis et l’Orient, journal asiatique n° 258, 1970, pages 3 et suivantes.

 

(15) - Connu seulement par un écrit du cardinal légat Odo de Châteauroux, d’Achéry, Spicilegium Tome 3, 1723, pages 624 et suivantes. Sur l’expédition de as-Salih Ajjub contre Homs et sur la paix avec an-Nasir Jusuf d’Alep, al-Maqrizi, Revue de l’Orient Latin n° 11, 1905-1908, pages 198 et suivantes.

 

(16) - De la lettre d’Odo (voir note 15) : « Dicebatur enim ab omnibus qui factum Syriae noverant, quod quantumcumque oppressi erant Christiani numquam primi faciebant verbum de treugis faciendis, sed tunc primo, quando a Turcis ( !) super hoc erant cum magna instantia requisti, et ideo quod dictus magister primo verbum moverat de treugis, conditio Christianorum facta erat deterior et maxime, quia ex hoc Turci credere poterant, quod rex estimans se Turcis inferiorem viribus festinavit quacumquetreuga inita ad propria remeare » ; La nouvelle à peu près conforme de Giovanni di Colonna, Bouquet Tome 23 page 119, rend la lettre d’Odo comme certaine; de même pour les Grandes Chroniques de France, publiées par J. Viard, Tome 7, 1932, chapitre 47, page 135 (Société de l’histoire de France, 429), ainsi que l’appendice 10, 1953 (Société…, 457), page 66. Prawer Tome 2, page 326 et suivantes, mentionne la lettre d’Odo mais pas l’intervention de l’Ordre.

 

     Les chroniqueurs arabes ne parlent ni de cette offre d’armistice, ni d’une offre d’alliance du prince d’Alep au maréchal Hospitalier, après que le sultan eut conclu la paix avec Alep, alliance que le roi refusa également. Que les responsables des deux Ordres s’adressent l’un et l’autre au seul roi, pour les Templiers en vue d’un traité avec le sultan et pour les Hospitaliers d’un traité avec Alep, montre bien que tous deux ne défendaient pas une « politique (17) » déterminée. Avant 1244, les Templiers avaient conclu un armistice avec as-Salih Isma’il de Damas, les Hospitaliers eux avec le sultan égyptien. Tous deux préféraient des accords à la guerre, au moment où les forces armées de l’Ordre, après le massacre de 1244, étaient encore faibles. Ils en espéraient de meilleures conditions pour les chrétiens puisque le sultan et l’émir craignaient l’armée de Louis. Le Grand Maître et le maréchal de l’Hopital se rapprochèrent du roi. Ce qui, de nouveau, n’était que rivalité mais jamais inamicale. Le bon rapport entre le roi et l’Ordre restait clair. Louis IX n’avait jamais, comme Frédéric II, montré une hostilité ou même un rejet des Templiers.

(17) - L’opinion de Th. Michaux, Die Hauptentscheidungen des I Kreuzzuges Ludwigs IX, in inrerpolitischen Bedingtheit, Diss. Cologne 1954, page 130, selon laquelle le Temple aurait eu une politique définie, faisant s’opposer en 1248 Louis aux forces pro impériales de Palestine, et lui permettre un retour rapide, n’est pas documentée; nous ne savons rien non plus sur les forces pro impériales (de Frédéric) en Palestine. Il est vrai que les négociations venaient du Grand Maître qui avait conscience que seule la « politique » de l’empereur (consistant à se rapprocher des musulmans NdT), aurait apporté la paix au pays, ce que n’avait pu faire la croisade précédente ni ne feraient les suivantes. A. Röhricht page 876 et suivantes, quelques erreurs ont échappé : ce ne fut pas Guillaume de Châteauneuf Grand Maître des Hospitaliers qui rencontra Louis, il était encore emprisonné en Egypte ; ce ne fut pas le maréchal des Templiers avec le Grand Maître qui annoncèrent la venue de Ajjub, mais le maréchal Hospitalier : il en était tout aussi préoccupé que l’Ordre.

 

     Le déroulement de la croisade de Louis nous est connu. L’occupation rapide et inattendue de Damiette, le Grand Maître en fit lui-même un récit au précepteur provincial d’Angleterre (18). Joinville, qui 50 ans plus tard décrivit les évènements de cette campagne à laquelle il avait participé, vante à nouveau la valeur des Templiers, qui, lors de l’expédition de l’armée vers l’intérieur de l’Egypte, en novembre 1949, formait en temps normal, soit l’avant-garde, soit l’arrière garde de celle-ci (19). Le 8 février 1250, l’avant-garde de l’armée chrétienne traversa à gué le bras de Ashmun formé par le Nil, fondit à l’improviste sur un corps d’armée musulman, tuant l’émir Fark-ad-Din, celui qui – alors que les musulmans ignoraient encore la mort d’Ajjub – assurait la charge de commander l’armée (20) en attendant l’arrivée du fils d’Ajjub venant de Syrie. Contrairement aux instructions expresses du roi d’attendre l’arrivée de l’armée chrétienne et contre l’avis du Grand Maître (Templier), le comte d’Artois, frère du roi, suite à ce premier succès, donna l’assaut à la cité de Mansourah et y pénétra. La victoire des chrétiens paraissait certaine mais l’étroitesse des rues de la cité et l’assaut de deux régiments mameluck furent fatals aux chrétiens. La défaite qui s’en suivit fut plus grave encore, bien que les musulmans aient souffert de lourdes pertes à l’arrivée des troupes royales. Presque tous les Templiers périrent ; le Grand Maître fut sérieusement blessé (21). Matthieu Paris enjolive (littérairement) l’attaque irréfléchie du comte Robert en présentant comme véridique une altercation entre ce dernier et le Grand Maître Templier dans sa narration romancée de la croisade de Louis. Il présente Robert attaquant plus que violemment le Grand Maître suite à son refus d’attaquer et lui fait exprimer toutes les doléances que l’on disait sur l’Ordre par ailleurs : il y a longtemps que l’Orient aurait été conquis si les templiers et les Hospitaliers, par leur machinations, ne l’avait empêché ; en effet, si tout l’Orient était devenu (ou resté) chrétien, leur souveraineté aurait alors pris fin et ils auraient perdu leurs riches possessions en Terre Sainte (22), ceci selon l’expression d’une critique de la croisade qui était alors fréquemment rencontrée. Selon d’autres récits, les Templiers – contre leur convictions (mais tout à fait conscients) – suivirent Robert (23) – et que la faute de cette défaite qui provoqua l’écrasement de l’armée chrétienne et la capture du roi, incombait au comte d’Artois.

(18) - Matthieu Paris, Tome 6, page 162, n° 82; à nouveau relate que « capta igitur fuit Damiata non nostris meritis nec manu armata, sed operante divina potentia et gratia ». Aussitôt la rumeur se diffusa qu’Alexandrie et Le Caire seraient (étaient) conquis comme le montre une lettre d’un Templier inconnu à l’abbé de Saint Alban, ibidem page 167, n° 86 : selon Matthieu Paris, Tome 5, page 87, même l’évêque de Marseille et « quidam Templarii praeclari » auraient diffusé cette rumeur pour inciter des croisés à se joindre à l’armée de Louis.

 

(19) - Jean, sire de Joinville, Histoire de Saint Louis, publié par N. de Wailly, 1874, chapitre 185 et suivants, 196 et suivants, 217 et suivants.

 

(20) - Ibn Wasil, Gabrieli, page 273 et suivantes, selon al-Maqrizi, Revue de l’Orient Latin, n° 11, page 218, Les Templiers, qui formaient l’avant-garde, avaient tué Fakhr ad-Din.

 

(21) - Joinville chapitre 217 et suivants.

 

(22) Matthieu Paris, Tome 5, page 147 et suivantes.

 

(23) - De la lettre du conseiller J. au comte Richard de Cornouaille, selon le récit d’un témoin oculaire, Matthieu Paris, Tome 5, page 167 et suivantes : « negantibus et non consulentibus Templariis, multas incommoditates de fatigatione corporum suorum necnon et equorum et alias assignantibus », le comte avait imposé l’attaque; selon le récit d’un Hospitalier inconnu, Matthieu Paris, Tome 6, page 192, n° 95. Cartulaire général de l’Ordre des Hospitaliers de Delaville Le Roulx 2521 : le comte d’Artois était accompagné de Templiers, de Barons, de chevaliers et de Guillaume Longue-Epée, qui tentèrent de le retenir. La lettre est entrée dans la littérature comme étant à la lettre d’un Templier Röhricht 1191 page 880 et suivantes. Luard, dans son édition, avait déjà corrigé en note la faute du sous titre du chapitre; la lettre provient bien d’un Hospitalier : cette lettre disant : 1° « relicta nostris et Hospitali Theutonicorum… custodia castrorum » alors que le comte d’Artois attaque avec les Templiers, 2° « fratres nostri conventus omnes perempti sunt, excepto vicemagistro fr. Joh. De Bonay »(frère Hospitalier : Jean de Ronay, Röhricht 1164a); 3° « in qua treuga » du roi au sultan, « magister noster et captivi fratres nostri liberati sunt », c'est-à-dire le Grand Maître des Hospitaliers Guillaume de Châteauneuf, qui fut libéré en 1250, Matthieu Paris Tome 6, page 204, n° 101. Pour l’attaque de Mansourah confère également Guillaume de Nangis, Bouquet Tome 20 page 555; Annal. T.S., B. page 444; Amadi page 200 : « le comte Robert d’Artois, frère du roi de France, et les Templiers qui formaient l’avant-garde, entrèrent dans La Mansoure ». Une version différente est présentée dans Estoire manuscrit de Rothelin, chapitre 64, page 604, où le « freres Giles, li granz coumanderrez du Temple » soutient l’altercation avec le comte d’Artois, confère Grousset Tome 3, page 462. Le récit en est stylisé : 1° Gilles est « preuz et hardiz », 2° frère Gilles, après avoir refusé d’attaquer, vient accuser l’entourage du comte : « Ades i aura dou peu du leu » ce qui rappelle le reproche de Gérard de Ridefort au comte de Tripoli, Estoire Tome 23, chapitre 32, page 49, et 3° le comte l’accuse d’avoir peur, comme le 1er mai 1187 Gérard de Ridefort (accusa) le Templier Jacques de Maillé, Estoire, Tome 23, chapitre 26, page 40. Notre préférence ira au récit de Joinville, qui, après la bataille partagea la tente du Grand Maître, chapitre 245. Selon lui le Grand Commandeur était Etienne d’Otricourt(chapitre 381 et suivants); confère Röhricht 1176 du 12 mai 1249, 2° témoin : « Stephanus de Alta Turre, preceptor terre regiminis Hierosolymitani ». Selon Ibn Wasil aussi, le frère du roi français entra dans Mansourah, Reinaud page 459 ; Gabrieli page 274.

 

     Le 11 février 1250 le Grand Maître défendit, avec les Templiers qui lui restaient, le campement du roi et perdit la vie sous une pluie de traits ennemis (24). L’attaque fut repoussée mais les grosses pertes chrétiennes restèrent irréparables.

(24) - Joinville, chapitre 270; Estoire manuscrit de Rothelin chapitre 64, page 608 et suivantes, illustre la même bataille le vendredi 11 février, après le début du carème, sans mentionner les Templiers; le récit de la bataille dans la lettre de l’Hospitalier, Matthieu Paris Tome 6, page 193; la lettre du roi, Bongars page 1196 et suivantes; J.P. Migné, Patrologiae cursus completus, series latina 155, colonne 1283 et suivantes; ces deux dernières sources ne mentionnent pas non plus les Templiers.

 

 

 

 Documentation de référence

 

  

     1224 – 8 janvier, ( Sainte Gemme, Vendée, arrondissement de Fontenay le Comte, Léonard page 104), BN, n.a.l. 37 page 345. « Frater G. de Breies (Broes, Léonard page 95), preceptor omnium domorum milicie Templi in Aquitania, pone fr. Willelmum de Sonay, tunc rectorem de Ausun, come generalis procurator » lors d’un litige concernant la dime du pays sur les grains et le vin, entre R., précepteur du Temple de Sainte-Gemme et H., abbé de Montierneuf – Poitiers. (Auzon, Vienne, arrondissement de Poitiers (Châtellerault NJFL)).

 

      1236 – 25 mars, Archives historiques du Poitou, Tome I, 1872, page 105 et suivantes « Guillelmus dominus de Foresta super Separim, miles » (La Forêt-sur-Sèvre) fait don aux Templiers de Mauléon (Deux Sèvres) contre un cens annuel de 5 solidi, « viro venerabili et dilecto fr. Guillelmo de Sonayo, preceptori fratrum milicie Templi in Aquitania ».

 

      1242, - BN., n.a.l. 37 page 277. « Frater Guillelmus de Sonaio, domorum milicie Templi in Aquitania preceptor humilis » inféode une maison à Cognac, pour 20 solidi annuels à payer aux Templiers de Château-Bernard (Charente, arrondissement de Cognac).

 

      (1243( ?), - (v. n°4) « William de Soum », « domorum militie Templi in Aquitania preceptor » envoie à Henri III le frère Thomas pour lui demander de réparer les dommages que l’Ordre avait subi en Gascogne et à La Rochelle pendant la guerre, et de convaincre les citoyens de Bordeaux de ne demander aucun péage à l’Ordre).

 

      1249 - 12 mai, Limassol Röhricht 1176 : Piquet page 79, « Nos, dominus Wilielmus de Sonayo, pauperis milicie Templi magister » avec d’autres Templiers expliquent à Otto Tornellus et à sa compagnie qu’ils doivent 10 000 besans d’or, correspondant à 3750 livres tournois prétées à la comtesse Jolanda (Yolande) de Bourbon à rendre par la maison du Temple de Paris au moment de la foire de printemps de Lagny (janvier/février 1250).

 

 

      (1249 - (?) juin, Damiette, Röhricht 1180 ; Matthieu Paris, Tome 6, page 162, « Frater W. de Senay, Dei gratia magister pauperis militie Templi, dilecto sibi in Christo fr. Roberto de Sanford, in Anglia preceptori »).