La commanderie d'Auzon aux XVIIe et XVIIIe siècles

Exposé d'Henri Treuille à la Société des Sciences de Châtellerault, paru dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de L'Ouest, 1986, 4e série, tome XIX. et reprise dans le tiré à part de la Société des Sciences de Châtellerault en 2007.
     La Commanderie d'Auzon était possession du Temple, et c'est à ce seul titre, semble-t-il, que quelques historiens se sont penchés sur elle (1), à peu près en vain, les archives ayant été détruites au cours des guerres de religion (2)... et pourtant, comme toutes les commanderies du Temple, elle a été dévolue après la catastrophe aux hospitaliers de Saint-Jean, auxquels elle a appartenu pendant un demi millénaire, contre deux siècles à peine au Temple.
1. A. de La Bouralière, Deux souvenirs des Templiers, dans Bulletin Société des Antiquaires de l'Ouest, 2e série, tome IX, 1901-1903, page 47 ; H. de La Rochebrochard, Commanderies du Temple d'Aquitaine, dans Revue poitevine et saintongeaise, tome VI, 1889, pages 420-422.
2. A. Barbier, René Descartes, sa famille, son lieu de naissance. Documents et commentaires nouveaux, Bulletin Société des Antiquaire de l'Ouest, 2e série, tome VIII, 1898-1900, page 619 (cet article mentionne des extraits du registre 543 des archives départementales de la Vienne, qui constitue un terrier de la commanderie).
     La période hospitalière est beaucoup plus riche en sources que la période templière, et présente un intérêt au moins égal à celui qui s'attache à des hommes dont l'aura romantique provient de leur tragique destin.
     Les Templiers furent des gens admirables, mais ils ont été victimes de leur propre impéritie : lors de la perte de la Terre Sainte, fin XIIIème siècle, ils n'ont su que se replier sur leurs possessions européennes, et n'ont pas été capables d'opérer leur reconversion, à l'instar des Hospitaliers qui, au contraire, abandonnant une bonne part de leur vocation hospitalière, ont accru leur rôle militaire et ont défendu la Méditerranée jusqu'au XVIIIème siècle, en s'appuyant sur leurs domaines.

     Qu'étaient donc ceux-ci ?
     Dès la création de ces Ordres, ils bénéficièrent de nombreux legs, tout d'abord affermés mais bien vite il fut jugé plus efficace et rémunérateur d'y installer des gestionnaires qui s'intégrèrent dans l'Ordre féodal, et construisirent châteaux et maisons fortes, tandis que se constitue une hiérarchie.     
     L'Ordre de Saint-Jean était divisé en langues (pour la France actuelle : Provence dans le Midi, France pour le restant divisé en grands prieurés : France proprement dite - Champagne - Aquitaine).

      Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le Grand Prieuré d'Aquitaine est divisé en environ 65 commanderies et dirigé par un Grand Prieur et une Chambre priorale sise à l'Hôtel Saint-Georges à Poitiers, relevant elle-même d'un représentant habitant Malte auprès du Grand Maître et en correspondance avec lui.

      Une commanderie est affectée à un chevalier qui a fait ses preuves en mer, au cours de croisières nommées caravanes. C'est pour lui une ressource qui lui est consacrée à partir d'un certain grade, car il est parfois obligé de contribuer aux frais des expéditions et d'armer, par exemple, une galère. C'est aussi pour lui une retraite s'il est blessé, malade ou âgé. Mais attention, il ne s'agit pas bien sûr d'une propriété, ni d'un fief courant, tout au plus d'un bénéfice. Il est gestionnaire révocable et doit des comptes. Les revenus lui sont réservés, mais il doit verser à l'Ordre, à Malte, une part variable de ses revenus (1/5 à 1/3) appelée responsion et, bien entendu, les impôts dus au Roi.

      Des visites sont faites sur l'initiative de Poitiers et d'autres sur la demande même du Commandeur pour constater les « améliorissements » faits par lui pour, selon l'expression en usage « s'en aider et prévaloir en ses futures promotions. »
      Ces enquêtes, très poussées, sont minutieusement réglementées et une commission est délivrée à cet effet par l'assemblée provinciale siégeant à l'Hôtel Saint-Georges à quelques frères qui doivent vérifier de nombreux points : améliorations - détériorations - célébration du service divin - bénéfices collationnés - profession, vie, port de l'habit pour les Commandeurs - ventes engagements baux non réguliers - reconnaissance des droits seigneuriaux et revenus avec confection d'un cartulaire ou papier terrier - quels sont les procès en cours - inventaire des meubles d'état et s'enquérir enfin, secrètement, par personnes dignes de foi et voisins des lieux, de tous ces renseignements.

      Trois de ces visites ont été retenues ici pour la Commanderie d'Auzon, à laquelle il faut ajouter celle de Praille qui lui est jumelée. Une visite de 1671 est tirée des archives de La Valette (Malte), son compte rendu provient d'un registre où se trouvent consignées d'autres visites concernant le grand prieuré d'Aquitaine (3). Elle ne semble pas provoquée par son Commandeur d'Allogny de Boismorand d'autant que l'état des immeubles n'est pas toujours satisfaisant et le Visiteur lui enjoint de faire les réparations avec délai fixé. Au contraire, les deux autres visites, dont les Procès Verbaux sont aux Archives Départementales de la Vienne, sont destinées à constater les « améliorissements » effectués par le Bailli de Salo de Semaigne en 1714 et par le Commandeur Anne Charles de Tudert en 1739. A ces époques, la visite constate le bon état des bâtiments (4).
3. Bibliothèque de La Valette, registre nº 5571, fº 1064.
4. Archives départementales Vienne, 3 H 1, nº 794. 

      Il n'est pas question ici de les analyser séparément, car les principaux éléments se recoupent ; il sera donc procédé à un amalgame, sauf à extraire les fortes dissemblances et à sérier les chapitres.

 

Les bâtiments.
     Aucun plan complet n'existe de ce qui fut la Commanderie d'Auzon et, seuls, subsistent dans leur intégralité, de nos jours, la belle chapelle du XIIème siècle et le pigeonnier, mais le cadastre de 1835 (F 5) et une description datant de la fin du XIXème siècle (5) nous donnent une idée de son plan qui sera complété, tant pour l'extérieur que pour l'intérieur, par les procès-verbaux de ces visites.
5. H. de La Rochebrochard, opuscule cité, n. 1. 

      Sur la chapelle était construite au nord une petite cour dite « du donjon » à l'intérieur de ce qui était de toute évidence la maison forte des templiers, avec des contreforts extérieurs dont ceux qui subsistaient, il y a un siècle, encadraient des fenêtres cintrées et ébrasées de caractère roman.
     Dans l'angle nord-est de la cour : une fuye et, au centre, un puits couvert de tuiles plates soutenues par quatre poteaux de bois.
     Sur la façade sud de la chapelle était construite une grande cour qualifiée de basse-cour car il s'agissait des communs : demeure du métayer et bâtiments d'exploitation ( grange des dîmes - fenils - écurie pour six chevaux - greniers - étables).

      Le visiteur entrait par un grand portail dans la basse-cour puis, par une galerie, atteignait la chapelle. Après avoir prié Dieu et le bon patron saint Jean-Baptiste, il interrogeait le chapelain qui présentait les ornements et instruments du culte : chasuble de soie, parements d'autel, en général aux armes du Commandeur. Les calices et burettes sont en étain. Il y a deux cloches bien sonnantes. En 1739, c'étaient les capucins de Châtellerault qui la desservaient et la voûte du chœur était peinte à l'antique, tandis qu'un tableau représentait un crucifix, la Vierge, saint Jean-Baptiste et saint Jean l'évangéliste. Elle était bien pavée de carreaux, briques et pierres.

      Par une porte à deux battants, on pénétrait dans une galerie qui faisait le tour de la cour du donjon « en forme de cloître », bien carrelée et soutenue par des piliers de pierre de taille « en forme de portique » avec des barreaux de bois. Il semble qu'il y eût une galerie basse et une à l'étage. En 1739, un sainfoin tapissait la cour.
      Du milieu de la galerie, on accédait à une grande salle basse à cheminée, éclairée par deux croisées du côté de la cour et deux petites fenêtres du côté jardin. Au bout de la galerie, une grande et belle cuisine bien carrelée avec une roue à tourner la broche, une buanderie, un petit four, le tout meubles d'Etat (appartenant à l'Ordre)

      A l'étage supérieur se trouvent les pièces principales. La salle d'assemblée semble se trouver au-dessus de la grande salle basse, avec éclairage sur cour et jardin, et une grande cheminée à l'antique, en pierre de taille, avec au-dessus les armes de la Religion, la grande croisée de la galerie est à petits carreaux de plomb. A côté, une grande chambre avec une cheminée semblable et une tapisserie de Belgaum, en outre, un coffre à farine de 8 pieds et un autre dans la dépense qui sont meubles d'Etat.
      On accède enfin à la chambre du Commandeur, avec deux croisées, dont l'une sur une façade à pignon, donnant sur l'Auzon.
      En montant un petit degré, on arrive dans une petite galerie donnant accès à trois chambres, dont deux à cheminées, constituant l'appartement des étrangers. Les archives sont au coin de la grande salle, dans un endroit voûté en figure de Chapelle appelé le Trésor. Il y a une armoire dans la muraille, où sont les titres de la Commanderie, et deux armoires de bois, un cabinet avec huit gros livres et six petits, une écritoire, six cartes de divers pays. La fuye est inspectée, en 1739, elle a de bons murs, une charpente à neuf et paraît bien garnie de pigeons. Non loin, une écurie pour douze chevaux, un local pour les harnais et le palefrenier, un coffre à avoine pour les chevaux. Près de la fuye des petites étables à volailles. Un cellier avec trente à quarante pièces de vin (1714).

      Entre les bâtiments et la Vienne s'étendent des jardins en terrasse avec des murailles qui atteignent, du côté de la rivière, onze à douze pieds de haut. En 1671, on note au coin, un petit cabinet carré peint par le dedans. Il y a un verger bien cultivé, des arbres fruitiers, une allée de pommiers. Enfin, un grand parc bien cultivé de froment.

 

Les revenus.
     Les visiteurs enquêtent, bien sûr, sur les ressources de la Commanderie et de ses membres, c'est-à-dire, de ses dépendances.

      En 1671, c'est le Commandeur de Boismorand, avec le fermier général A. Lasseron, qui les reçoivent. En 1739, c'est le fermier général, le sieur de Boisgaultier. Un papier terrier a été dressé en 1692 par le commandeur de Montsoreau et présenté au chapitre général à l'Hôtel Saint-Georges.
      Le trésor contient aussi un autre terrier de 1717, dressé par le Commandeur de Salo de Semagne. Ce sont plusieurs registres (aux Archives Départementales) qui répertorient les rentes, dîmes, censives dues à la Commanderie. Elles peuvent être résumées ainsi en ce qui concerne la terre d'Auzon proprement dite.
      La grande dîme d'Auzon comprenant des dîmes dans les paroisses de Pouthumé, Availles, Saint-Jacques et Saint-Jean-Baptiste à Châtellerault, Leigné-les-BoisDangé, Naintré. Des rentes sur Pouthumé, Availles, Targé, Senillé, Saint-Sauveur, Saint-Hilaire-de-Mont, les faubourgs Sainte-Catherine et Châteauneuf de Châtellerault, Antoigné, Thuré, Saint-Genest d'Ambière, Sossay, Cenon, Saint-Cyr, Leigné-sur-Usseau, Leigné-les-Bois et Asnières. Au total 400 boisseaux de froment, mesure de Châtellerault, en plus des censives et des dîmes et quartiers de vin se montant à trois pipes (environ 1200 litres).

 

     Les membres vont maintenant être visités par les enquêteurs, qui se déplacent à pied, à cheval ou en carrosse, suivant les circonstances et couchent dans des châteaux ou des auberges.
      A une « portée de mousquet » de notre Commanderie se trouve la métairie de la Grange au Moulin (du Chillou) à 200 pas, qui possède 400 boisselées de terre labourable. En 1671, le métayer est fermier du moulin à deux roues pour 16 setiers de froment ( un setier équivalait à 156 litres ). En 1714, le meunier paiera 250 livres et en 1739 : 430 livres avec 100 boisselées de terre. Au milieu du village : la borderie d'Auzon est louée 18 livres en 1714 et 10 livres en 1739 pour la seule maison. On note ici une avenue de noyers devant le grand portail et une glacière bâtie par le Commandeur de la Groie.

      Il s'agit maintenant de franchir la Vienne pour visiter deux très anciens membres de la période templière. La métairie du Temple, à une lieue environ dans la paroisse de Cenon et celle de Velaudon dans la paroisse de Saint-Cyr.

      Les enquêteurs passent la Vienne au bac de Cenon et interrogent au passage le batelier qui tient son entreprise à ferme à moitié du Marquis de La Roche du Maine, seigneur de Chitré, et du commandeur d'Auzon. En 1714, il paie au total 80 livres avec dix boisselées de terre. En 1739, 120 livres (pour un grand et un petit bateau). La métairie du Temple présente un corps de logis avec chambres à cheminées, granges et étables, avec 200 à 300 boisselées de terre et une quinzaine de boisselées de prés. Le métayer paie une dîme de 1/11 en dehors de la moitié des fruits. La métairie de Velaudon est mentionnée comme dépendance du Temple d'Auzon en 1299 ; elle présente des bâtiments analogues. On note, de plus, ce qui semble avoir été une chapelle, mais abandonnée comme telle de temps immémorial et sans aucun service divin. Les terres faites à moitié consistent en 200 à 240 boisselées.

      Du Châtelleraudais, nous passons maintenant au Mirebelais avec la métairie de la Guimière dans la paroisse de Thurageau qui possède 30 setiers de terre labourable et perçoit une petite dîme d'agneaux sur Curzay (ou plutôt Curçay ?) et plusieurs rentes : 85 boisseaux de froment mesure de Mirebeau, 48 pintes de vin... 

      Les visiteurs se dirigent maintenant vers le Thouarsais. Ils ont couché au château du Fou en 1739, à Saint-Jean-de-Sauves en 1714.
     La principale dépendance d'Auzon a, en réalité, le titre de Commanderie. Il s'agit de Praille, au nord de Thouars. Contrairement à Auzon, d'importants bâtiments subsistent toujours. L'entrée se fait par un grand portail dans une grande cour entourée de hauts murs et d'un fossé plein d'eau. A gauche, la Chapelle du vocable de Saint-Jean-Baptiste de 40 X 16 pieds. Au-dessus de la porte, un vitrail que le visiteur de 1671 enjoint au commandeur de réparer dans les 9 mois, tandis que le chapelain présente les ornements habituels.
      Le grand corps de logis qui fait suite et que « l'on dit être destiné au fermier » possède plusieurs grandes chambres à cheminées de 33 à 40 pieds de long sur 18 de large, avec antichambres. Un bel escalier à vis en pierre dans un donjon dessert ces pièces. Au fond de la cour à gauche, un logis élégant qui passe de nos jours pour être la demeure du Commandeur. Au milieu de la cour, un puits. Autour de la cour, des bâtiments d'exploitation et des servitudes comprenant, notamment, une écurie pour huit chevaux et, sans doute, la demeure du métayer. On note enfin un beau jardin grand et spacieux.

      Une visite de 1669 mentionne au milieu de la cour, « une grandissime fuye ruinée et abandonnée de tous temps. » Mais en 1714, il est question d'une grosse fuye couverte d'ardoises avec bords en tuiles et quelques pigeons. Ce qui concrétise bien les « améliorissements ». La métairie contient une quarantaine de setiers de terre et une quinzaine de prés.
     En plus, deux moulins sur le Thouet : le moulin de Praille à Saint-Martin-de-Sauxay à deux roues mouturières avec rouets et meules plus 45 boisselées de près et le moulin de Taizon avec deux roues, l'une sur la paroisse de Bagneux, l'autre d'Argenton-Eglise, louées respectivement 47 et 50 douzaines de blé avec le droit de pêche depuis le Vaurenard jusqu'à Leguilomb. La Commanderie possède une rente de 30 à 40 setiers de blé et une grande dîme dite « de Praille » à un tiers avec les prieurs de la Madeleine et de Chambon et la dîme et le quart sur 200 journaux de vigne. Enfin une « dîme du montier » affermée 80 livres en 1668. 

      C'est en carrosse que le chevalier de Cissay quitte, en 1714, la Commanderie de Praille pour se rendre en Anjou dans la paroisse de La Plaine dans un autre membre d'Auzon : le Verger dépendant de l'évêché de La Rochelle. Il y a les bâtiments d'habitation et d'exploitation habituels, plusieurs chambres à cheminées - étables - granges...
      Ici encore on touche du doigt les réparations considérables effectuées par le Bailli de Semagne de 1712 à 1718 par rapport à l'état déplorable de 1671.
      Une petite chapelle de 3 1/2 X 2 toises, qui possède ses ornements en 1671 mais ne semble que fort peu desservie. La métairie exploite 200 boisselées de terre et vingt journaux de près. De plus, il y a 20 setiers de seigle de rente et des dîmes. Deux jardins d'environ 18 boisselées étaient consacrés au lin en 1671. Des vassaux d'Argenton-Château étaient redevables d'une rente en espèce à la fête de saint Brice, rendable à la « maison accoutumée ».
     Le Commandeur y était reçu en 1640 de la façon suivante : une table avec une nappe blanche, des vaisseaux pour le vin, des landiers garnis d'un fagot et de deux bûches, une paillasse pour ses chiens et une perche pour ses oiseaux (6).
6. Archives nationales, S 5257, liasse 18. 

      Le dernier membre, au sud de Thouars, dans la paroisse de Brousse en Poitou, porte le nom caractéristique de "L'Hôpiteau  du Puy-de-Néron". Il y a un vieux château ruiné et abandonné de temps immémorial et une chapelle Saint-Jean-Baptiste, de 17 X 3 1/2 toises, avec deux cloches, à l'aspect désolé en 1671, mais en bon état en 1714. En 1739, le haut est refait à neuf et la couverture repassée. Elle coûte au commandeur 100 livres pour le service. Il existe une métairie nommée La Bruère avec chambre à cheminée, boulangerie, four, grange, étable. Le tout en bon état en 1739. Il y a aussi deux moulins, l'un à eau, l'autre à vent, affermés 120 livres, tous les sujets de l'Hopiteau qui est châtellenie doivent y moudre. Autres revenus : l'étang d'Enjourau et diverses dîmes sur des villages pour 40 livres, l'abbaye de Saint-Jouin doit par an 13 douzaines de froment, le seigneur de Maisontiers 5 douzaines de seigle, celui de Fonteniou Rolland, dans la paroisse d'Amaillon 3 douzaines de seigle et 5 sols de cens, le seigneur de Chausseray doit 6 douzaines de seigle et celui de Baurepaire de la paroisse de Chiché, 4 setiers de seigle... Enfin le village de l'Hopiteau verse 7 setiers d'avoine.

 

La justice.
     Le commandeur possédait les droits de haute, moyenne et basse justice.

     En 1344, nous voyons un procès entre le vicomte de Thouars et le frère Philippe Chenecte, Commandeur de Praille, au sujet de l'appartenance des fourches patibulaires du village d'Enjourau, qui sont comparées à celles qui se dressaient au Puy-Néron (7). 
7. Archives nationales, S 5257, liasse 18. 

      Au XVIIème et XVIIIème siècle, les commandeurs disposaient d'officiers tels que : sénéchal, procureur fiscal et greffier qui, au XVIIIe siècle, habitent Châtellerault (en ce qui concerne Auzon). En 1714 à l'Hopiteau, on mentionne l'existence de ces trois personnages et des témoins affirment avoir vu des assises, les plaids s'y tiennent tous les quinze jours. Au Temple de Cenon, des témoins assurent que les officiers d'Auzon y pratiquent la justice, tandis qu'à Auzon même les plaids se tiennent quand on en a besoin. A Praille, en 1739, le fermier assure que les assises s'y tiennent six fois par an. Le Verger dépend des officiers de Praille.

      Il est permis de s'étonner que les visiteurs ne demandent pas la production des pièces de justice. Les enquêteurs s'enquièrent aussi, comme le règlement le veut, aux procès en cours.
Par exemple :
- en 1714 : à propos d'une rente de 15 livres à Praille et de blé à l'Hopiteau.
- en 1739 : à propos de 88 boisseaux de seigle à l'Hopiteau.

      Nous avons vu aussi que les instructions exigent que les visiteurs interrogent hors de toute présence, des voisins à titre de témoins. Il s'agit en général de deux quadragénaires. Ils confirment, nous l'avons dit, la présence des officiers de justice. Par contre, ils ne connaissent pas le commandeur. Les témoins de Praille ont ouï dire, en 1739, qu'il était à Malte. Ils confirment l'existence de travaux de réparation et le service religieux et n'ont jamais constaté d'aliénation, aucune question sur la vie du commandeur auprès de personnes plus haut placées. Les témoins ne savent, en général, pas signer. Une seule aliénation est constatée en 1739 : les meubles d'état ont été vendus par l'agent de l'Ordre,sur ordre du receveur.

 

L'hospitalité.
     C'est un problème de savoir si les hospitaliers de Saint-Jean recevaient dans leurs commanderies les passants et les pèlerins. Leur hospitalité originelle était l'accueil des pèlerins à Jérusalem.
     Il est à peu près certain qu'aux XVIIe et XVIIIe siècles rien n'était prévu puisque l'enquête n'en parle pas.
 
Finances.
     Aucun commandeur n'exploite ses terres directement. Il les afferme. Il s'agit presque toujours à de fermiers généraux, qui gèrent les métairies et touchent les fermes (moulins - moitié du port de Cenon) ainsi que les multiples redevances (cens - rentes - dîmes - terrage - lods et ventes - rachats - émoluments de fiefs). Le fermier s'engage à Auzon à faire célébrer en plus le service divin mais ce n'est pas le cas dans le Thouarsais.
     En 1758, le chevalier Claude Eugène de Beauveau Thigny, qui habite un château en Anjou, se réserve dans le bail, la salle de la commanderie d'Auzon, les deux chambres à coté, la chambre du trésor, la grande écurie, la cuisine et l'office et le fermier s'engage à le nourrir et l'héberger avec ses domestiques et ses chevaux pendant huit jour chaque année en son domicile ou en la dite commanderie.

    Le fermier paie 290 livres plus les rentes dues, les gages des officiers de justice et les frais de culte (8). En 1671, le fermier déclare payer 2700 livres pour Auzon et les membres du Châtelleraudais et du Mirebelais.
8. Archives départementales de la Vienne, registre 305, fº 62.
     En 1714, les fermages sont pour les charges sont de :

           Auzon ................................................ 2.200
           Praille ................................................ 1.500
           L'Hopiteau .........................................    700
           Le Verger ...........................................    400
                                                                             --------
                                                                            4.800
     Les charges sont de :

           Responsion annuel .......................... 1.196
           Décimes du roi ................................     198
           Taxe pour vaisseaux .......................     105
           Bourse commune ............................       10
           Pension à MM. de Martel .................    700
           Service divin pour Praille et l'Hopiteau 240
                                                                              --------
                                                                             2.449

      Les visiteurs ont demandé les quittances des réparations (depuis 1706, semble-t-il) :
           Auzon ................................................ 2.000
           Hopiteau ............................................    120
           Verger .................................................   150
           Praille ..................................................   837
                                                                              -------
                                                                3.107
+ Ornement chapelle - procédure, voyages      800
                                                                              ---------
                                                                              3.907

      En 1739, le fermier général déclare payer 2800 livres pour Auzon et ses membres proches.
     Les quittances de réparations, de 1732 à 1739, se montent à 2989 livres + 880 livres de voyages et affaires ( la même chose que trente ans auparavant ). Dans le Thouarsais, les fermages restent au total à 2600 livres, de même que les charges à 2450 livres.

      Les fermages restent à peu près les mêmes à 70 ans de distance, ainsi que les charges et responsions ( qui représentent environ 1/4 des fermages ), ceci malgré une grosse augmentation du marc d'argent ( l'écu est passé peut-être de 3 à 5 livres ).

      Les deux dernières visites sont déclarées très satisfaisantes par la chambre priorale et rapportées favorablement à Malte auprès de ces messieurs de la Vénérable Langue de France.

      Nous avons vu, en 1758, le commandeur Beauveau-Thigny, rédiger son bail mais sa gestion ne sera pas brillante, semble-t-il, car en 1768, ses charges qui ne s'élèvent pourtant qu'à 1800 livres par an environ, restent impayées avec un arriéré de près de 10.000 livres. Aussi se fait-il saisir ses fermages, qui sont versés au commandeur de Tudert.
     Il semble néanmoins rester commandeur, au moins en titre, jusqu'à 1781, date à laquelle la liste des commandeurs d'Auzon se referme avec le frère François de La Laurencie, capitaine des vaisseaux du roi, que nous voyons en 1787 demander une réquisition à l'assemblée provinciale, à l'effet de marquer 141 chênes à Auzon, Velaudon et Availles pour effectuer des réparations (9).
9. Archives nationales, S 5279 et 5280.
     Et voici refermés sept siècles d'une histoire qui est toute à écrire et dont le présent exposé ne constitue qu'une bien faible amorce.

Henri TREUILLE