LES COMMANDERIES DANS LA VIENNE :

ÉTUDE TOPOGRAPHIQUE

 JF Lavrard

 

 

 

     Je voudrais vous parler des commanderies dans le Département de la Vienne mais d'abord il faut s'entendre sur la notion de commanderie. La notion a évolué au cours du temps. Pour savoir ce que veut dire « commanderie » on prend le dictionnaire Larousse et on voit le deuxième terme, « résidence de celui qui était pourvu du bénéfice de commandeur ». Bénéfice cela veut dire concession d'un domaine, attaché autrefois à un ordre militaire ou religieux, donc les ordres de Saint Jean de Jérusalem, du Temple mais aussi de l'Ordre Teutonique.

 

     Nous voyons que le terme de « commanderie » est attaché à la présence des ordres militaires. Il y a bien sûr quelques exemples, l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem et l’Ordre des Templiers, mais aussi l'Ordre de Saint Lazare, l’Ordre de la Trinité et deux autres ordres présents dans notre région : Le premier est l’Ordre de Saint Antoine de Viennois, ordre qui s'est spécialisé dans les léproseries pour combattre à l'origine le mal apporté par le seigle ; le second étant l’ordre des Hospitaliers du Saint Sépulcre qu’il ne faut pas confondre avec l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem. Ce sont souvent des ordres pourvus d’une règle augustinienne.

 

     Il y avait deux sortes de commanderies, les commanderies rurales et les commanderies de ville. La plupart des commanderies étaient rurales, c'étaient des exploitations agricoles. Quand on est dans cette chapelle on n'a pas l'impression que c'est une exploitation agricole mais le cas d’Auzon est un peu particulier.

 

     Ce sont avant tout des établissements de rapport, qui sont destinés à alimenter les frères d'Orient et la défense de la Terre Sainte. Accessoirement les commanderies assuraient des services attendus de la part des ordres, des services hospitaliers ou d'accueil, pour les uns, de protection des pèlerins pour les autres.

 

     Souvent une commanderie avait de nombreux serviteurs et les familles de ces serviteurs formaient un village proche de la commanderie, comme c'est le cas pour le village d’Auzon qui a peut-être été fondé en même temps que la Commanderie d’Auzon. D'ailleurs dans le sud on appelle ces villages des bastides, parce que ces villages dépendaient des commanderies, donc n'étaient pas soumis à la loi et surtout aux impôts royaux.

 

     Autre sorte de commanderies, les commanderies de ville, il y en a très peu parce que ce sont des commanderies plus centrales ; elles assuraient la collecte de l'argent qui provenait des commanderies rurales, et l’expédition de cette collecte vers l'Orient. Outre la collecte de tous les bénéfices des établissements ruraux, elles assuraient la gestion de l'Ordre et les activités liées à l'argent.

 

     Comme on l’a dit tout à l'heure le concept de département de la Vienne ne voulait rien dire pour les Templiers. La notion de province, la province du Poitou leur parlait un peu plus, mais cette notion de province du Poitou a énormément varié avec toutes les guerres : le Comte d’Anjou en a reçu une partie, car le nord de la Vienne, Loudun et Mirebeau faisait partie du Poitou à l'origine ; en revanche, dans le sud, le Poitou s’étendait jusqu’au département de la Creuse puisque Bourganeuf en faisait partie.

 

   Vous parler d’un territoire autre que celui du département de la Vienne aurait été un sujet trop vaste mais Julien VIALARD va élargir tout à l'heure au Poitou et aux Charentes. Je vais me donc me limiter à la Vienne actuelle mais, comme ce découpage était inconnu des Templiers, il va y avoir des effets de bord : Nous allons rencontrer des commanderies qui vont dépendre de maisons plus importantes situées hors de la Vienne.

 

     Pour l'ensemble de l’Aquitaine, il semble qu'il y avait une maison cheftaine où résidait le maître de province située à Poitiers. Il n'y a pas de texte là-dessus mais il semble qu'il y ait eu pour notre région Poitou-Aquitaine, deux baillies. Les commanderies les plus importantes, les commanderies principales, ont ce titre de baillie. Auzon avait ce titre de baillie et était la commanderie principale pour tout le Poitou nord, la Touraine, l'Anjou, le Maine et même la Bretagne. Il semble que la commanderie la plus importante pour toute la partie sud, Aunis, Saintonge, Angoumois, Bordelais et Périgord soit celle de La Rochelle.

 

     À ces grandes baillies étaient rattachées du temps des Templiers des préceptories. Les Templiers utilisaient ce terme de commanderie mais il ne signifiait pas la même chose. Les commanderies, pour les Templiers, représentaient des unités plus petites qui dépendaient des préceptories. Les préceptories étaient les centres principaux, et le terme de « préceptorie » a été abandonné en 1327 à l’occasion d’une grande réforme faite par les Chevaliers de Saint Jean, la réforme des langues. Ce n’est donc qu’en 1327 que le terme de « commanderie » a connu sa signification actuelle. De ce fait, en vous parlant des commanderies de la Vienne, j’inclurai évidemment les préceptories de la Vienne.

 

     Dans les commanderies vivait un nombre très restreint de frères. On vous a dit tout à l'heure que la chapelle était sûrement trop petite pour l’Ordre, ce n'est pas tout à fait exact. A Auzon il y avait peut-être trois chevaliers et quelques frères, cinq ou six, pas beaucoup plus, et pourtant c'était la plus grande des commanderies du Poitou.

 

     Pour les messes ils devaient tenir facilement dans le seul chœur. Donc pourquoi la chapelle est-elle si grande ? C’est qu’à Auzon elle servait souvent pour le chapitre général d'Aquitaine. Tous les précepteurs venaient à Auzon et il fallait évidemment que la chapelle soit assez grande. C'est pour ces occasions là qu'il a fallu agrandir la chapelle..

 

     J'ai réalisé récemment une étude pour essayer de répartir les commanderies entre les deux ordres et savoir si elles étaient à l'origine templières ou si elles étaient hospitalières. En 1881 l'archiviste du Département de la Vienne, Louis François Xavier RÉDET, a publié un dictionnaire topographique du Département de la Vienne. C’est un dictionnaire qui a été réalisé au sein d’un projet national concernant l'ensemble des départements français.

 

     RÉDET a ainsi listé tous les noms de lieux de la Vienne qu'il a pu trouver dans les documents des différentes archives ou publications de son temps, surtout à partir des archives de la Vienne, dont il avait la charge, mais aussi à partir des cartes de Cassini et d’autres documents. Ce livre reprend toutes les possessions connues des Hospitaliers avant la révolution. C'est une source d'information précieuse, pour l’étude des commanderies de la Vienne, car, dans beaucoup de cas, cela va nous permettre de définir si la commanderie était d'origine hospitalière ou templière.

 

      En reprenant des extraits du livre de Rédet, on peut lire par exemple « La Baraudière, 1438, Commanderie d’Auzon » . La date de 1438 est la date du document sur lequel a eu lieu une citation concernant La Baraudière. Ce document provient du cartulaire de la Commanderie d’Auzon. En général s'il y a une citation c'est qu'il y a possession d’une terre ou d’un édifice par la Commanderie d’Auzon à cet endroit. En repérant toutes ces possessions des commanderies on va pouvoir dresser une carte du département.

 

     Se cantonner au livre de RÉDET n'était pas suffisant, il a fallu reprendre toutes les études qui ont été faites sur le Département de la Vienne. En voici une bibliographie simplifiée :

 

            * d'abord les trois articles qui sont parus dans le « Picton », N° 23, 24 et 25 qui concernent toutes les commanderies de la Vienne ; c’est Jeanne Marie RIVAUX qui a fait cette étude vraiment très intéressante ;

 

            * ensuite on a un opuscule important qui a été fait par Jean-Marie AUZANNEAU « À la gloire des Templiers » qui couvre tout le Poitou-Charentes ;

 

            * vous avez également un beau livre qui s'appelle « Abbayes, prieurés et commanderies de l'ancienne France », qui a été écrit par François SEMUR ;

 

            * et puis bien sûr le travail de Julien VIALARD, ici présent et qui va nous parler tout à l'heure de sa thèse qui porte sur « L’Ordre du Temple en Poitou-Charentes » ;

 

            * enfin il ne faut pas manquer les études qui ont été faites dans les régions voisines, « Templiers et Hospitaliers en Touraine », écrit par Alain JACQUET et « Les commanderies en Saintonge et en Aunis » par Anne-Marie LEGRAS (ceci pour les commanderies dépendant des préceptories situées dans les régions limitrophes).

 

     Voici donc annexée la carte simplifiée qui résume le travail effectué. Elle va nous permettre un petit tour dans toute la Vienne pour aller chercher les traces des ordres militaires dont les possessions immobilières ont disparu avec la révolution.

 

Carte montrant l'étendue des diverses commanderies maltaises de la Vienne avant 1789

1 - Poitiers


     À tout seigneur tout honneur, nous allons commencer par Poitiers. La fiche de l’Inventaire Général du Patrimoine Culturel des Monuments Historiques est bien complète pour Poitiers, il y a beaucoup de renseignements, mais c'est la seule qui soit aussi complète. Voici ce que nous pouvons y lire :

Façade du grand prieuré d'Aquitaine Grand rue à Poitiers
Grand prieuré d'Aquitaine

 

     « Le siège d'une maison du Temple est attesté à Poitiers au début du XIIIème siècle. Suite à l’arrestation des Templiers et à l'abolition de l'Ordre en 1312, ses biens sont donnés à l'Ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. La partie la plus ancienne de l'hôtel actuel est le pignon nord du logis qui semble dater de la fin du XVème siècle. En 1559 est construite une chapelle, aujourd’hui disparue, dans la cour face au logis. En 1662 est passé le marché de construction du portail bordant la Grand-Rue. Le logis date de cette même période dont il conserve sa charpente. Les travaux sont achevés en 1667, comme l’atteste l’inscription sur la porte centrale du logis actuel, copiée plus tard sur l'autre porte, et celle du portail, « L'hôtel du Grand Prieur d'Aquitaine F. Gilbert de Vieilbourg, 1667 ». À partir de 1730, le logis est agrandi vers le sud avec la construction d'une salle d'archives pour y conserver les titres du grand prieuré. »

 

     J’ouvre une petite parenthèse pour dire que tous ces titres représentent plus de 1 000 liasses qui sont maintenant conservées aux archives de la Vienne. Ces liasses des archives de la Vienne sont la matière première utilisée par Rédet pour son dictionnaire.

 

      « L'hôtel fut vendu comme bien national à des particuliers. Les communs bordant la rue de la Cathédrale, au sud, ont été revendus en 1880 et une maison a été construite sur leur emplacement, puis deux portails et d'autres communs ont été bâtis en bordure de la rue Montgautier, à l'est. En 1950 le logis a été partagé en deux propriétés. »

 

    

Grand prieuré d'Aquitaine, batiment principal

      Les restes des ordres militaires, malheureusement, ont subi les outrages du temps comme nous allons le voir tout au long de mon propos. Le portail semble très beau en dessin mais la photo de ce que l’on peut voir actuellement est plus décevante. C'était la maison principale des Chevaliers de Malte.

 

     Le logis a bien été coupé en deux comme l’atteste le mur et la haie qui les séparent. C’est ici qu'étaient entreposées toutes les archives du grand prieuré qui couvrait du sud de Bordeaux jusqu'à la Bretagne.

 

     Il y avait 35 commanderies principales dans le Grand Prieuré d'Aquitaine. Avant 1789 elles sont réparties sur 10 provinces : Poitou, Angoumois, Aunis, Saintonge, Touraine, Anjou, Maine, Bretagne, un peu du Berry et l’Orléanais.

 

Plaque commémorative de la rencontre de Philippe le Bel et Clément V - Ainsi que de la bataille de Poitiers en 1356

 

    Nous ne quitterons pas Poitiers sans aller voir en haut de la rue Jean Jaurès cette plaque qui nous rappelle que Poitiers a vu par deux fois la présence de Philippe le Bel et de Clément V ainsi que du Grand Maître Jacques de Molay. Philippe le Bel a demeuré en 1307 et 1308 en haut de cette rue Jean Jaurès pour négocier avec le Pape le procès de l'Ordre des Templiers. Philippe le Bel était logé du côté des Minimes et le Pape était chez les Cordeliers. Et entre ces deux couvents une passerelle au-dessus de la rue a été construite pour que Philippe le Bel puisse aller voir Clément V sans sortir (à croire qu'il y avait déjà beaucoup de journalistes (rires dans la salle)…) Clément V, étant tombé malade, n’était pas mal logé, il résidait alors à Ligugé.

2 - Loudun

    

     Reprenons la route vers le Nord pour Loudun. La fiche de Loudun est beaucoup plus courte : « Historique : Installation des Templiers puis des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem à partir de 1312 à Loudun. »

    

Restes de la commanderie hospitalière de Loudun

    Cela a beau venir des Monuments Historiques, je pense que c’est erronné. Je ne veux pas prétendre que les Templiers étaient absents de Loudun, peut-être y avaient-ils une maison mais la Commanderie de Loudun était tenue par les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, comme cela a été démontré par Sylvette NOYELLE et Sylvianne ROHAUT qui ont fait une histoire de Loudun écrite en 2002 établissant que la commanderie de Loudun était bien hospitalière. Quelques auteurs dont François SEMUR, Jean-Marie AUZANNEAU, Elizabeth OFFREDI-JEULIN et plusieurs sites Internet indiquent pourtant que les Templiers avaient une commanderie à Loudun. Nous ne retiendrons pas cette hypothèse.

 

     De la commanderie de Loudun, il reste très peu de choses : juste la façade de la chapelle que l’on ne peut pas apercevoir de la rue.

 

     Un manoir du XVIème siècle, à Brault, dans la commune de Dercé, a été construit sur des terres qui relevaient de la commanderie de Loudun en 1469. Est-ce que ce manoir a été construit par les Chevaliers de Malte ? On n'en sait rien. Peut-être le portail l’a-t-il été car il parait plus ancien ?

 

     Le château de La Fuye à Mouterre Silly a été construit en 1572 par la famille de Leignes sur une terre qui appartenait à la commanderie de Loudun.. La partie la plus ancienne est la tour ronde près des douves.

  

commune de Bournand - Batiments conventuels
Commanderie des Moulins

 

   Dans la région de Loudun il y avait aussi des Templiers, ils étaient installés plus au nord vers les Trois Moutiers. La commanderie s'appelle la Commanderie des Moulins. La fiche des Monuments Historiques indique: « La chapelle : classement par arrêté du 18 janvier 1963 ; les façades et les toitures du logis d'habitation sont inscrites par arrêté ainsi qu'une parcelle de terre plantée de tilleuls faisant partie du parc ».

 

 

Commanderie des Moulins à Bournand - choeur de la chapelle

      De la chapelle il ne reste que le chœur, en revanche il reste d’autres bâtiments qui faisaient partie de la commanderie. Actuellement, sur la droite on aperçoit le chœur de la chapelle qui est très joli ; avec Auzon et Montgauguier, ce sont les endroits les plus intéressants concernant les ordres militaires dans la Vienne. La voûte de la chapelle est une voûte angevine gothique plus récente que celle d’Auzon. Il y a de très beaux restes à la Commanderie des Moulins.

 

     Quelques auteurs citent une autre commanderie, à Epeine. En fait il y a une confusion parce qu'Epeine était un prieuré bénédictin qui a été réuni à un autre prieuré bénédictin, à Bournand, commune où se situe aussi la Commanderie des Moulins. La Commanderie des Moulins avait également des terres sur Epeine, d’où la confusion entre le prieuré bénédictin d’Epeine et les terres de la Commanderie des Moulins. Epeine n'a jamais été ni templier ni hospitalier donc nous pouvons l'enlever de la liste.

 

Partie nord de la carte des commanderies

     Revenons à notre carte : A l'est de Loudun, la partie rouge (2) correspond aux commanderies de Loudun et des Moulins. Sur la partie hachurée, il y avait en même temps des Templiers et des Hospitaliers, les deux ordres étant en concurrence pour la possession de la terre.

 

     La partie violette (8d) correspond à la Commanderie templière de l’Île Bouchard, ou de Brizay. Cela démontre donc que Loudun était hospitalier et surtout existait déjà du temps des Templiers. Cette étude sur les possessions des commanderies confirme l'étude que je vous ai citée tout à l'heure sur les rues de Loudun.


3 - Saint Georges



Partie centrale de la carte des commanderies

     Reprenons notre périple et allons vers une autre série de commanderies, représentée par la partie bleue au repère « a » plus au Sud. Il s’agit de Saint-Georges-les-Baillargeaux, située sur la RN 10,la grande route des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle appelée « Via Turonensis ».

 

    À droite de cette route en se dirigeant vers le sud se trouvait la Commanderie de Saint-Georges, dont il est difficile de savoir si elle est templière ou si elle est hospitalière à l’origine. On ne connaît pas la date de création de la commanderie hospitalière de Saint-Georges, appelée aussi l’Hopitau, et les plus anciens documents qui sont cités par RÉDET remontent seulement à 1332. On n’a en effet aucun document sur lequel s'appuyer.

 

Portail de la commanderie hospitalière de saint Georges les Baillargeaux

     Actuellement il ne reste de cette commanderie que la porte et une cave murée. Cette porte est décorée avec la croix des Hospitaliers de Jérusalem.

 

     Certains auteurs, comme Alain JACQUET et certains auteurs anglais, pensent que la Commanderie de Saint-Georges-les-Baillargeaux était le siège du prieuré d'Aquitaine avant 1665, date du porche de Poitiers dont nous avons parlé plus haut. Quelques grands prieurs d'Aquitaine ont été en même temps commandeurs de Saint-Georges mais je ne pense pas qu'il faille remettre en cause l'installation du Grand Prieuré d’Aquitaine dans les anciennes possessions des Templiers à Poitiers près de l'église Notre Dame, en haut de la Grand-Rue, dès 1217.

 

     Nous avons vu que la chapelle du grand prieuré de Poitiers avait été construite en 1559, par Jacques PELOQUIN. Les Hospitaliers étaient donc déjà en ce lieu avant 1665. Saint-Georges a été la commanderie principale des Hospitaliers comme Auzon avait été la commanderie principale des Templiers d’Aquitaine.

 

     Les Templiers possédaient des terres sur Saint-Georges, aux Forges, à Vayres, aux Alleux et à Tronc, dans la commune de Montamisé, à La Boulardière, dans la commune de Liniers. On sait tout cela à partir d'une donation qui a été faite par le Maire de Poitiers, SORONET, en 1202. Il avait donné sa maison et les terres citées ci-dessus aux Templiers pour que les Templiers puissent agrandir leur maison de Poitiers par un acte qui date de 1251.

 

     Du temps des Templiers, ces terres avaient été confiées à Auzon selon un document qui est postérieur aux Templiers. C'est un rôle de 1324 qui a été fait pour engager les hommes de la commune de Poitiers pour aller combattre les anglais en Gascogne. Je cite : « Les homes de la commanderie de la baillée d’Auson, à Saint George, à Forges, à Mariz et les autres homes des diz lieus. » Selon ce document, Auzon est bien une baillie et avait des terres à Saint-Georges, à Forges et à Mariz. En fait ce sont bien les mêmes endroits qui ont été donnés par SORONET au moment de la donation de sa maison.

  

Partie centre ouest de la carte des commanderies

     Auzon correspond à la partie verte (4) de la carte. Là aussi il y a une zone commune entre le bleu et le vert, donc il y avait sur ces zones là et des Templiers et des Hospitaliers. Auzon templière était donc en concurrence avec Saint-Georges hospitalière dans la possession des terres.

 

     Que s’est-il passé exactement ? On n'en sait rien mais je pense que le Saint-Georges de l’hopital a été agrandi après 1324 avec des terres précédemment possédées par Auzon.

 

     C’est ainsi que le moulin des Ecluselles, « Les Ecluselles, moulin sur le Clain », dans Rédet en 1300 appartenait à la Commanderie d’Auzon et qu’en 1394 il appartenait à la Commanderie de Saint-Georges. Des possessions d’Auzon ont donc bien été données à Saint-Georges.

 

     A l’Ouest, sur les repères b) et c) de la partie bleue, toute la partie ouest du domaine de Saint-Georges provient de l'annexion de la commanderie templière de Montgauguier, commune de Maisonneuve, près de Mirebeau d'une part et de la Commanderie de La Lande de Craon, toute proche d’autre part, sur les communes de Chouppes, Craon, Massognes, Mazeuil, Montgaugier, Saint-Jean de Sauves, Verrue et Vouzailles.

 

     Ces commanderies sont templières à l’origine. Dans un document de 1439 cité par Rédet, il existe en effet un hôtel, qui s'appelle l'Hôtel du Temple, près de Poligny, dans la commune de Chouppes. Les terres templières ont été revendiquées par la Commanderie hospitalière de Loudun et on trouve là aussi une zone de couverture commune entre le rouge et le bleu, dans les communes de Vieillemont et de Craon, à Chouppes et à Mazeuil également. Là aussi les Templiers et les Hospitaliers étaient en concurrence avant l’annexion de Montgauguier par Saint Georges.

     

carte postale commune de Maison neuve
Commanderie de Montgauguier

 Montgauguier est peu connu, c’est une propriété privée qui ne se visite pas.

 

     La ferme de Montgauguier est attenante à un portail qui date de l'époque des Templiers. Derrière, la chapelle est également de l'époque des Templiers mais les tours qui sont peut-être du XIVème ne sont pas templières. Vous avez à Montgauguier un ensemble templier qui mériterait d’être classé.

 

     Le portail de la chapelle est beaucoup plus simple qu’à Auzon malheureusement tout a été transformé en grange comme l'a été la chapelle d’Auzon.

 

 

Devant d'autel trouvé à la commanderie de Montgauguier - musée Sainte Croix à Poitiers

      Un devant d’autel trouvé à Montgauguier a été transféré au musée Sainte Croix de Poitiers. Cette pierre a fait couler beaucoup d'encre, elle présente en effet deux caractéristiques très particulières :

 

            * le Christ est crucifié mais il n'y a pas la croix, la croix a disparu. On pensait que les Templiers n'acceptaient pas le signe de la croix, parce que c'est un signe de supplice qui n'était pas digne du Christ ;

 

            * et puis le chevalier représenté à côté tourne le dos au Christ

 

     Quand on connaît tout ce qui a été raconté sur les Templiers au moment du procès on peut imaginer tout ce qui a pu être écrit sur ce thème.

 

Chapelle de la commanderoe de la Lande de Craon

     Je vous ai parlé de La Lande de Craon, à côté de Montgauguier. Il n'y a pas de texte, et on ne sait pas trop si Craon était templier ou hospitalier. D’après une transaction de 1285 entre le seigneur de Mirebeau et le commandeur de Montgauguier, les Templiers de Montgauguier avaient droit de justice à Montgauguier, Maisonneuve et La Lande de Craon. Il y a donc de grandes chances que La Lande de Craon soit templière. Par contre, du temps des Hospitaliers, elle est restée très longtemps indépendante, on peut donc se demander pourquoi deux commanderies aussi proches ne dépendaient pas l’une de l'autre.

 

     La chapelle de La Lande de Craon, est toute petite, elle n’était donc surement qu’une simple dépendance.

 

Partie ouest de la carte des commanderies de la Vienne

      Nous nous intéresserons maintenant au repère d), à l'ouest de Poitiers. La commanderie templière de l’Epine, sur la commune de Béruges, dépendait de Saint-Georges au temps des Hospitaliers. La fiche des Monuments Historiques la décrit ainsi : « La Commanderie de l’Épine, sur le lieu-dit l’Epinay, en ruine, façade romane, chapiteaux élégants, logis XVIIème. »

 

 

Chapelle de la commanderie de Béruges

     A Béruges existe bien un lieu-dit « la commanderie », où se trouve un beau château, qui s’appelle le « Château de la Commanderie ». Il ne s’agit pas de la commanderie templière décrite par la fiche, c’est le propriétaire des lieux,achetés en 1838, Monsieur LACROIX, qui a décrété que son château allait s'appeler « Château de la Commanderie ».

 

     La commanderie de Béruges est en fait une ferme qui a subi ce qu’ont subi les autres commanderies, la chapelle ayant été transformée en grange.Tout proche, un moulin qui marche toujours s'appelle « le moulin du Temple ».

 

 

Photo de l'intérieur de l'église hospitalière de Chasseneuil

     Nous arrivons alors à Chasseneuil (repère e) près de Poitiers. La seule trace des ordres militaires se trouve dans le chœur de l’église où l’on peut voir une croix de Malte sur la clef de voûte.

 

     Le cas de Chasseneuil a été très peu étudié. Un article est paru dans « le Bulletin des Antiquaires de l’Ouest » en 1876. Monseigneur Barbier de Montault suspectait déjà la présence  des  Templiers  à  Chasseneuil   compte  tenu  de  dénominations  comme  la

« treille du Temple », la « vallée du Temple », la « maison du Temple ».

 

     Dans la liste des droits dus à l’évêque de Poitiers vers 1270 (liste appelée Grand Gauthier), on relève cette mention : « item preceptor de Ausonnio V solidos de censu de domo sua de Chassenolio ad festum sancti Michaelis » ; je traduis : « Le précepteur d’Auzon doit 5 sous de taxes pour sa Maison de Chasseneuil à payer aux fêtes de Saint Michel ». Le précepteur d’Auzon était donc bien installé à Chasseneuil. Encore une terre prise à Auzon et donnée à Saint-Georges-les-Baillargeaux. On peut donc dire qu'Auzon, du temps des Templiers, s'étendait jusqu'à Poitiers.

 

     Chasseneuil avait en 1346 une possession importante à Avanton où il y a maintenant un beau château construit en 1509 au dessus de la salle capitulaire des hospitaliers, par François AUBERT, Sénéchal du Poitou ; il a été ensuite vendu en 1551 au maire de Poitiers qui y a fait des agrandissements.

 

4 - Auzon

 

     Notre périple nous amène alors à la surface verte (4), à Auzon. La fiche des Monuments Historiques mentionne : « Les restes des peintures murales de la Chapelle : classement par arrêté du 14 août 1913 et la chapelle elle-même a été classée par arrêté du 21 septembre 1938. »Pour ne pas reprendre la description d’Auzon, je me bornerai à quelques anecdotes concernant son histoire.

 

     Il y avait ,sur la toiture de la chapelle un chat noir en terre cuite. Ce chat n’était pas mis là par hasard. En effet, pendant le procès des Templiers, les moines de l'Île Bouchard ont avoué (surement sous la torture) que, lors d’un chapitre, ils ont vu un chat noir rentrer dans la chapelle, Cela a été mortel pour nos pauvres Templiers d’Auzon.

 

     Un châtelleraudais célèbre venant en vacances à Auzon a entendu parler de cette histoire de chat noir qui entrait dans la chapelle. C’était Rodophe SALIS et quand il a monté son cabaret à Paris il l’a appelé « Le Chat Noir ». Quand les Monuments Historiques ont refait le toit - ce sont des gens très sérieux -, ils n'ont pas cru à cette histoire de chat noir, donc ils l'ont enlevé. C’est dommage.

 

La commanderie d'Auzon sur le cadastre napoléonien

      Sur les photos aériennes, on voit bien le plan d'ensemble avec la cour des chevaliers au nord, à la place de la maison d’habitation actuelle, avec le pigeonnier et au sud la basse cour, l'endroit où était la ferme.

  

     Sur le cadastre de 1834, au centre des bâtiments on distingue la chapelle, avec cette cour des chevaliers. On voit encore un bâtiment qui existait en 1834 et qui a été détruit, puis cette basse cour qui est très visible.

 

grisaille d'or des moines de Ligugé représentant le Christ en gloire de la commanderie d'Auzon

 

 

    Il existe dans internet (base Mérimée) des photos des peintures qui ont été prises en 1950 ; elles montrent plus de détails qu'actuellement. Autour du Christ on y voit l'ange qui apparaissait encore en 1950, on ne le voit plus du tout à présent. Pendant la guerre de 1939, les allemands avaient mis des explosifs sur les ponts de Châtellerault. Ils ont voulu faire sauter tous les ponts. Le Pont Henri IV a été épargné grâce à de difficiles négociations, mais le pont de la Gornière a sauté : un rail entier est tombé sur le cul de four de la chapelle et a arraché la toiture. Pendant 20 ans la toiture est restée à l'humidité, le salpêtre s’y est installé et les peintures tombent petit à petit, ce qui est bien dommage.

Statuette trouvée dans la chapelle de la commanderie d'Auzon - calcaire dolomitique peint

     On a trouvé dans la chapelle une statuette. Elle est très ancienne et tous les spécialistes ont beaucoup de mal à dire ce qu’elle représente, si c'est une croix ou une épée qui est dans la main de la statue, pourquoi elle est habillée comme cela etc… En général, ils la dateraient plutôt du IVème/Vème siècles et pensent qu’elle aurait été ramenée de Byzance…

 

     La Commanderie d’Auzon avait une implantation à Châtellerault, dans ce qu’on appelait autrefois le faubourg du Temple, qui est devenu le faubourg Sainte Catherine. Il reste encore, rue Bourbon, près de la porte Sainte Catherine, une coquille Saint Jacques qui marque le lieu où les pèlerins étaient accueillis à leur entrée à Châtellerault.

 

     La commanderie d’Auzon possédait une ferme à Valodon. Cette ferme de Valodon, avait été donnée à l’origine aux moines de Saint Cyprien. Ils l'ont cédée à leur prieuré de Saint Romain de Châtellerault, et donc, au XIème siècle, cette ferme s'est retrouvée dans les possessions d’Auzon. On a dit tout à l'heure que le Vicomte Hugues II et Aliénor d'Aquitaine avaient peut être donné des terres pour la création d’Auzon. Ce qui est sûr c’est que les moines de Saint Cyprien ont également participé à la création d’Auzon.

 

     Comme autre dépendance d’Auzon, nous citerons La Boulinière, citée par RÉDET en 1457 puisque le sieur de La Boulinière est ici présent aujourd’hui.

 

     Un autre sieur que vous connaissez très bien dépendait aussi d’Auzon, il s’agit de René DESCARTES, sieur du Perron, donc vassal du commandeur d’Auzon.

 

Photo de la commanderie de Prailles (79)

      Auzon qui avait été amputé de beaucoup de terres au sud, en a en revanche gagné en Deux-Sèvres, puisque deux commanderies des Deux-Sèvres ont été rattachées à Auzon en 1462, la Commanderie de Prailles et celle de Puy Nayron. La commanderie de Prailles, fondée au XIIème siècle par les Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, fait l’objet d’une première mention en 1160 : « La chapelle avec ses voûtes d'origine et le bâtiment conventuel sont des vestiges des premières constructions, XIIème et XIVème. Le logis évoque le souci résidentiel propre aux XVème et XVIème. » La Commanderie de Prailles présente actuellement un très bel escalier monumental et une chapelle en ruine.

 

      Pour Auzon on a dans les archives de la Vienne, 27 liasses qui s'étagent de 1239 à 1785.

 

5 - Roche-Villedieu


Partie centre sud de la carte des commanderies de la Vienne

 

     Visitons maintenant le Sud de Poitiers, avec la partie rose de la carte (5a) correspondant à la commanderie de la Villedieu-du-Clain. C'est le groupe de commanderies dont la situation est la plus confuse. Les Hospitaliers ont regroupé un ensemble disparate de commanderies templières et hospitalières pour en faire une entité appelée la Commanderie de Roche-Villedieu. Aux archives de la Vienne on trouve 28 liasses qui vont de 1313 à 1783.

 

     Sur le Quid on peut lire : « Le Château Gaillard, vestige de cette commanderie de l’Ordre de Malte, est une des fiertés de La Villedieu-du-Clain. Son pigeonnier, construit au XVIIème est d'ailleurs inscrit aux Monuments Historiques par arrêté de 8 juillet 1988, Château Gaillard est maintenant une propriété des Religieuses de Notre-Dame. »

 

Château du fort d'Aslonnes

     Près de la Villedieu, le château d'Aslonnes présente, au-dessus du portail d'entrée, des armes avec la Croix de Malte et la date de 1660. Le Commandeur de la Villedieu a vécu dans le Château d'Aslonnes. Comme la résidence du commandeur est, par définition, une commanderie, on peut dire qu'Aslonnes était une commanderie.

 

     La Cigogne, sur la commune de Mignaloux, appartenait à la Villedieu. Elle a été mentionnée dans les textes en 1100, et tour à tour membre de La Villedieu, puis de Beauvoir et enfin de Roche. Elle est propriété du maire de Poitiers en 1594. Le site a été complètement détruit par un incendie en 1994, en revanche elle a été reconstruite à l'identique. La Cigogne est citée par RÉDET comme membre de La Villedieu en 1398. Son nom est un hommage aux pèlerins, bien sûr, puisque la cigogne est l’oiseau migrateur par excellence.

 

     Nous n’allons pas quitter la région de La Villedieu-du-Clain sans faire un petit détour un peu plus au sud, vers Gencay, pour aller voir le très beau Château de Magné, qui date, lui, de 1517. Il a appartenu à la famille des Appelvoisin, qui a donné un commandeur à Auzon, Henri d’Appelvoisin, de 1566 à 1604. Il est devenu grand prieur d'Aquitaine de 1612 à 1613.

 

     Dans ce merveilleux château du Comte de PIERREDON, il y a un musée à l’Ordre de Malte. Il faut absolument aller le voir quand on s'intéresse aux ordres militaires. Le Comte de PIERREDON, chevalier de Malte, est mort le 24 novembre 2006, mais son œuvre continue…

 

Nous poursuivons notre voyage pour aller à Roche, c'est la référence b) de la partie rose de la carte vers Lusignan. À Roche il existe un document templier de 1216 qui parle du Précepteur de Roche, Geoffroy Bernard. La fondation est antérieure à 1214. La Commanderie de Roche sur la commune de Cloué, près de Lusignan, ainsi que celle de Toufou, sur la même commune et dépendant de Roche, furent remises aux Hospitaliers en 1313. Ce n'est que plus tard que cette commanderie sera annexée à celle de La Villedieu.

 

Dessin de la tombe d'un templier de la commanderie de Roche près de Lusignan

    

     Les terres de la Commanderie de Roche sont disposées le long de la Via Turonensis et forment un ensemble cohérent à l'est. Quelques possessions sont disposées le long de la voie de Poitiers à Civray et pouvaient servir d’étape sur cette route nord-sud.

 

     À Roche malheureusement il y a un lieu dit « Commande-rie » mais il ne reste plus rien. On peut seulement voir au Musée Sainte Croix à Poitiers, la tombe qui a été retirée de la Commanderie de Roche, c’est la tombe d'un templier, avec sa lance. C'est tout ce qui nous reste de la commanderie de Roche.

 

     En revanche dépendait de Roche, La Niortière, citée par RÉDET en 1441, sur la commune de Lusignan. Les fondations y sont templières avec une cave voûtée, un escalier à vis et la base d'une tour arasée.

 

     Nous passerons ensuite à Mignaloux-Beauvoir (référence c). Il ne reste rien de la commanderie hospitalière de Beauvoir, si ce n’est la grange dîmière de la métairie et les ruines de la chapelle attenante.

 

Chapelle de Sainte Radegonde en Gâtine

 

     A Sainte-Radegonde en Gâtine, la Commanderie de La Lande est éloignée des autres commanderies, sur le cours de l'Auzon. Il s’agit d'une petite maison hospitalière dépendant de la commanderie hospitalière de La Roche-Villedieu et non de celle d'origine templière de Roche comme l’a écrit RÉDET . À Sainte Radegonde il reste quand même quelques vestiges de la commanderie, dont la chapelle et le pigeonnier.


6 - La Foucaudière


Photo de l'église de Saint Sauveur de la Foucaudière

     Revenons maintenant vers Châtellerault, à Saint Sauveur la Foucaudière (référence 6). Avec La Foucaudière on n’est plus du tout chez les Templiers ni chez les Hospitaliers, on est dans l'Ordre de Saint Antoine de Viennois. Cet ordre a été créé pour combattre le « mal des ardents », maladie due à un champignon parasite du seigle. C’est un ordre purement hospitalier qui n’a rien de militaire. Ses maisons sont peut être appelées commanderies par analogie avec l’ordre de Malte qu’ils ont rejoint en 1777.

 

     La commanderie principale est La Foucaudière, dont la chapelle n’est autre que l'église paroissiale de Saint-Sauveur. Elle a été créée en 1349, bien après les Templiers, à partir d'un don d'Adam de Soisson et de sa femme pour combattre le feu de Saint Antoine, appelé maintenant l'ergotisme, mais aussi peste florentine ou lèpre.

 

     L'établissement de Saint-Sauveur dépendait du monastère de La Lande, dans la commune de Saint-Maixent, dans les Deux-Sèvres, et était affilié à Saint Antoine de Viennois, ordre des Augustins. Elle devint commanderie le 25 septembre 1366. De nombreux dons en font un domaine important concentré autour de Saint-Sauveur. Il y a 45 citations sur cette seule commune par RÉDET. Elle fut dévastée lors des guerres de religion en 1562 et relevée par Laurent et Philippe d’Astruct en 1619. Elle devient à cette époque la maison principale de l’Ordre. L'Ordre de Saint Antoine s’affilia à l’Ordre de Malte le 18 juillet 1777. L'ancien chœur des religieux de la chapelle de l'Ordre est devenue l'église paroissiale.

 

7 - La Maison-Dieu de Montmorillon


Tour de la Maison Dieu de Montmorillon

      A Montmorillon, au Sud du département, il y a la Maison Dieu. L’hôpital lui-même n'a pas la dénomination de commanderie, en revanche il y avait des commanderies qui dépendaient de l'Hôtel-Dieu de Montmorillon, parce que c'était un ordre militaire à l'origine qui ensuite est devenu augustinien.

 

     Longtemps on a cru que Montmorillon était templier à cause de la chapelle octogonale. Il faut dire que du temps de Viollet-le-Duc tout ce qui était octogonal était supposé être templier. En fait l’octogone est une simple chapelle funéraire dans le cimetière de l'Hôtel-Dieu, elle servait d'ossuaire.

 

     La Maison Dieu a été créée avant les Templiers. Les Templiers ont été créés en 1119/1120 alors que la Maison Dieu a été créée en 1107, par un chevalier poitevin qui a fait la première croisade, qui s’appelait Robert du Puy. Il a fondé cette maison hospitalière et elle a été affiliée à l’Ordre militaire des Hospitaliers du Saint-Sépulcre, qu’il ne faut pas confondre avec les Hospitaliers de Saint-Jean.

 

Chapelle funéraire octogonale de la Maison Dieu de Montmorillon

     La Chatille est une de ces commanderies qui dépendent de la Maison Dieu, c'était la commanderie principale de la Maison Dieu sur la commune de Béthines. Elle est citée par RÉDET sur un document de 1296. Cette commanderie était fortifiée, sa grange dimière date du Moyen-Âge. RÉDET cite 9 commanderies semblables à La Chatille dépendant de la Maison Dieu de Montmorillon. Elles sont toutes situées dans le sud-est du département et la neuvième est à Cuhon, dans le canton de Mirebeau, donc au nord du département.

 

     On voit, sur notre carte, que les Templiers se sont complètement désintéressés du sud-est de la Vienne. En fait ce qui les intéressait c'étaient les deux grandes routes des pèlerins, la Via Turonensis d'un côté, où on voit Auzon, La Villedieu et l'Épine et puis l’autre route qui partait de Chinon et qui descendait par Moulins et ensuite Parthenay. Deux routes de pèlerinage.

 

8 - Commanderies périphériques

  

Je reviens à la carte, il reste des petits secteurs, 8a, 8b, 8c, 8d, qui dépendent de commanderies en dehors de la Vienne.

Dessin de la commanderie de Civray

 

      Au repère 8a, on se trouve à Civray. Au lieu-dit « la commanderie » on peut encore voir encore une chapelle des Templiers. Cette chapelle présente un plan simple en rectangle avec un chevet plat percé de trois fenêtres. Dans cette chapelle on a retrouvé une plaque émaillée qui est maintenant au Musée du Louvre. On y a retrouvé aussi un moule pour faire des médailles de pélerinage.

 

 

Plaque émaillée trouvée à la commanderie de Civray 1307 Musée du Louvre

 

 

     Civray dépendait de la commanderie d’Ensigné dans les Deux Sèvres. Il y a là une très belle commanderie avec une chapelle pourvue également d’un chevet plat percé de trois fenêtres. Ensigné est aussi pourvu d’un château, d’une grange dîmière et de fortifications.

 

 

      En 8b, nous allons à l'Est du département, à Rouflac. Deux endroits ont le nom de commanderie, sur la commune d’Haims.

 

      La fiche des Monuments Historiques nous indique que c’est une « Commanderie du XIIème ayant appartenu aux Templiers puis aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, réunie en 1470 à la commanderie de Blizon dans l’Indre. Elle devient propriété rurale relevant de Blizon. Vendue comme bien national à la révolution, église adjugée à Pierre BUTAUD et démolie. Le puits qui a été reconstruit en 1930 est le seul bâtiment subsistant. » Il y a un autre lieu, toujours sur la même commune d’Haims, qui s’appelle La Bureauderie, la fiche indique : « Pavillon du XIIIème siècle, devenu propriété de l’Ordre de Malte vers 1315, maison ajoutée au XIXème. » Il y avait donc sur cette commune d’Haims présence des deux ordres, Hospitaliers et Templiers.

 

Commanderie du Blizon (36)

    

 

 

     La maison mère de Rouflac est la commanderie du Blizon, située auprès d'un étang, en pleine Brenne. Les textes attestent que le château de Blizon était d'origine templière.

 

fresques de la chapelle hospitalière de Plaincourault

 

 

     Lors de la précédente communication, nous avons parlé de la chapelle hospitalière de Plaincourault. Il faut savoir que c'est presque dans la Vienne, à quelques kilomètres. La frontière fait un petit détour mais s'il n’y avait pas eu ce détour Plaincourault aurait été dans la Vienne. Plaincourault dépendait également du Blizon.

Commanderie de Lavausseau bâtiment conventuel

     A l'Ouest, en 8c, il s’agit de la Commanderie de Lavausseau, qui était une très grosse commanderie. On est sûr que Lavausseau était hospitalière à l’origine. En revanche il ne reste pas grand-chose. La cheminée du XVème, dans le logement de l’instituteur, est inscrite au répertoire des Monuments Historiques depuis 1928. L’inscription de la façade et des toitures remonte à 1969.

 

      La Commanderie de Lavausseau sert de mairie à la commune du même nom. Il reste à Lavausseau beaucoup de tanneurs qui y ont été installés par les Hospitaliers.

 

     Les guerres de religion lui ont été néfastes et la commanderie a périclité. Elle a été rattachée à Saint-Rémy de Verruyes, dans les Deux-Sèvres, au XVème siècle. Saint-Rémy est aussi une très belle commanderie.

 

     Saint-Rémy possédait quelques terres directement dans la commune de Chalandray, sur le département de la Vienne. Il nous reste à visiter le 8d, tout au Nord, qui dépend de l’Île-Bouchard. Nous pouvons constater sur notre carte que les terres de l'Île-Bouchard et d’Auzon sont totalement adjacentes puisqu’il s’agit de deux commanderies d’origine templière. Ce qui n’est pas le cas comme nous l'avons vu entre l’Île-Bouchard et la Commanderie hospitalière de Loudun.

 

     C'est d’ailleurs l’Île-Bouchard qui a créé la Commanderie des Moulins.

 

     Il ne reste plus rien de la Commanderie de l'Île-Bouchard, le château de Brizay datant du XIXème siècle. En revanche les souterrains datent des Templiers. Le plan des souterrains est présenté dans l’ouvrage d’Alain Jacquet sur les Templiers et Hospitaliers en Touraine.

 

     Une dernière commanderie, de l'autre côté du département d’Indre et Loire, la Commanderie de Fretay, possédait quelques terres tout au Nord de la Vienne proches d’Auzon. Il ne reste de la Commanderie de Fretay que l’arase des murs du chœur de la chapelle.

 

     Attention, il existe quelques fausses pistes sur la trace des Templiers dans la Vienne comme ailleurs. On a vu des Templiers à Chauvigny où la fiche des Monuments Historiques précise : « Chauvigny, résidence des Templiers dans la ville basse, XIIème siècle, remaniée au XIXème. » En fait, les Templiers ne se sont jamais installés dans Chauvigny. La maison en question s'appelait la Maison du Temple mais il s'agissait d'un temple protestant, tout simplement. C'est un très ancien temple protestant et il suffit qu’il s’appelle « temple » pour qu'on ait cru que les Templiers s’y étaient installés.

 

     A l’issue de notre tour de la Vienne, un résumé analytique s’impose. Voilà la liste des commanderies dont nous avons pu voir qu'elles ont été templières à l’origine : Poitiers; l'Île-Bouchard avec son membre la Commanderie des Moulins ; Montgauguier, avec son membre l'Épine; Auzon avec ses membres Chasseneuil et Valodon ; Roche avec Toufou ; Civray avec Lizant ; et Rouflac, rattachée au Blizon. Ce sont les 7 principales commanderies templières qui couvraient le département de la Vienne.

 

     Il y avait beaucoup moins de commanderies d’origine hospitaliere dans la Vienne : Loudun ; Saint-Georges avant 1332; La Villedieu avant 1187; et Lavausseau, 1192, donc 4 commanderies principales hospitalières.

 

     Et pour ce qui est des autres ordres, il y avait La Foucaudière pour l’ordre des Antonins et la Maison-Dieu pour l’ordre des chevaliers du Saint Sépulcre.

 

     La situation ayant évolué suite à la réforme des langues adoptée par l’ordre des Hospitaliers, juste avant la révolution la liste était la suivante : Poitiers ; Loudun, avec la Commanderie des Moulins ; Saint-Georges avec Montgauguier, La Lande de Craon, l'Épine et Chasseneuil ; Auzon avec Prailles et l’Hopitau de Puy Nayron ; Roche-Villedieu avec Roche, Toufou, Beauvoir et La Lande ; La Foucaudière rattachée à l’ordre de Malte ; Ensigné avec comme membre Civray ; Blizon avec comme membre Rouflac ; et Saint-Rémy de Verruye avec comme membre Lavausseau soit 6 commanderies principales sur la Vienne.

 

     Seule cette dernière liste est précise et sûre. (applaudissements)

 

Tableau des anciennes commanderies templières de la Vienne avant 1313
Tableau des anciennes commanderies hospitalières de la Vienne avant 1313
Tableau des commanderies de la Vienne non rattachées à l'ordre de Malte
Tableau des commanderies maltaises de la Vienne avant 1789