Photographie
Sabine Blugeon

    

M. Jean-François LAVRARD. - Je vous présente Sabine Blugeon qui a étudié notre chapelle, et qui a fait un mémoire de Master à la Faculté de Poitiers, elle va nous l’expliquer elle-même, et nous faire une conférence sur la chapelle d’Auzon comme exemple de l'architecture de l'Ordre du Temple en Poitou. Nous allons donc commencer par nos murs.

     Ensuite je vous ferai un élargissement sur la Vienne, bien que le département de la Vienne ne voulait rien dire pour les Templiers.  Ensuite nous allons encore agrandir à la région Poitou-Charentes, nous irons même jusqu’en Angleterre et sûrement en Terre Sainte.

 

LA CHAPELLE DE LA COMMANDERIE D’AUZON : EXEMPLE DE L’ARCHITECTURE

DE L’ORDRE DU TEMPLE EN POITOU


 

     Mlle Sabine BLUGEON. - Bonjour. Effectivement je suis étudiante en Master 2 Histoire de l’Art à l'Université de Poitiers. J'étudie actuellement l'architecture de l’Ordre du Temple à Poitiers.

 

     Pour ma première année de Master j'ai travaillé sur la Chapelle de l’Ordre du Temple d’Auzon pendant la présence de l’Ordre mais aussi pendant celle des Hospitaliers, et j'ai également étudié sa restauration. Aujourd'hui je vais limiter mes propos à la Chapelle lors de l'occupation de l’Ordre du Temple.

 

     Ce sujet s’inscrit parfaitement dans le thème de cette journée, « Les Templiers à Auzon, dans la Vienne et en Poitou-Charentes, sur le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle ».

 

     Comme tout bâtiment émanant d'un ordre religieux, celui-ci nous permet d’en apprendre davantage sur la présence des Templiers en Poitou, d'autant plus qu'il s'agit du seul monument présent appartenant à l’Ordre encore intact sur l’ensemble du département.

 

 I - la fondation des chapelles de l’ordre du temple

 

     Nous allons ensemble, grâce à l'étude de l'architecture de la chapelle, élargir nos connaissances sur cet ordre, à la fois religieux et militaire. Il est difficile, voire impossible, de dresser une chronologie précise de l'établissement de l’Ordre du Temple sur nos terres.

 

     Les maisons fondées avant 1139 ne possédaient pas leur propre lieu de culte. Les frères assistaient à l'office dans l'église de la paroisse la plus proche. Le 29 mars 1139, lors du pontificat d’Innocent II, la bulle « Omne Datum Optimum » stipule le droit de « construire des oratoires dans tous les lieux rattachés au Temple, pour que vous et vos familiers y puissiez entendre l'office et y être enterrés. Car il est indécent et périlleux aux âmes que les frères profès, allant à l'église, doivent se mêler à la tourbe des pêcheurs et des fréquentateurs de femmes. »

 

     Cette bulle autorise donc l’Ordre du Temple à construire son propre lieu de culte. La fondation d'une commanderie sur un territoire entraîne alors immédiatement la construction d'un édifice cultuel qui atteste du fondement religieux de cet ordre à la fois militaire et religieux.

 

     Anne-Marie LEGRAS, dans son étude sur les « Commanderies des Templiers et des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem en Saintonge et en Aunis » observe que l’étude archéologique des églises et des chapelles des Templiers montre que la plupart des édifices ont été élevés au XIIème siècle et plus précisément dans la seconde moitié de ce siècle, ainsi qu’au début du XIIIème siècle.

 

     Nous pouvons donc constater que les sources écrites, avec l’Omne Datum Optimum, et les sources archéologiques corroborent sur ce point. La plupart des commanderies rurales de l’Ordre du Temple voient leur chapelle construite après 1139.

 

     En ce qui concerne Auzon, le premier acte conservé attestant de la présence de la commanderie remonte à 1239. Il n'existe que fort peu de sources datant de la période d'occupation de l’Ordre du Temple car les documents et les titres établissant les droits, les cens et les rentes de la Commanderie d’Auzon ont été pillés et brûlés lors des guerres de religion en 1569, puis en 1592.

 

     L'acte le plus ancien se trouve aujourd'hui aux archives départementales. Il s'agit d'une charte écrite sur un parchemin scellé de l'évêque et du chapitre des Templiers. Elle est rédigée par Guillaume de Sonnac, en 1239 commandeur des maisons du Temple en Aquitaine. Elle comporte la première mention connue de la Maison d’Auzon. Grâce à ce document il est possible de situer la construction de la chapelle entre 1139, comme nous l'avons dit précédemment, et 1239, année de cette charte. Les études descriptive et archéologique de la chapelle vont donc nous permettre d'avoir une chronologie plus précise, faute de sources écrites.

 

 II - la présentation de la chapelle

 

     Commençons par une présentation très générale du bâtiment. L'ensemble est classé le 21 septembre 1938, toutefois de nombreux érudits n’ont pas attendu cette date pour constater l'importance du bâtiment. Au premier abord, la chapelle présente un aspect très homogène et ce notamment grâce à la campagne de restauration de 1976 qui unifia considérablement la surface des murs en pierre de taille de tuffeau. Toutefois, en reprenant les clichés d’avant la restauration, on peut constater de nombreuses disparités. Elles sont dues non seulement aux traces que laissèrent les bâtiments aujourd’hui détruits accolés aux murs gouttereaux de l’édifice mais aussi aux divers aménagements effectués par les différents propriétaires, comme par exemple les portes cochères. En effet, l’édifice a été employé comme magasin à fourrage, écurie, cave et grenier dès la fin du XIXème siècle.

 

     À l'intérieur, l'aspect général semble homogène grâce à la régularité des travées, accentuée par la peinture couvrant les arcs doubleaux qui scandent l’espace. Celles de la voûte, bien qu'effacées par endroits, imitent un appareil en pierre de taille. Il faut toutefois noter que comme à l'extérieur de l’édifice, les différents emplois ont troublé leur véritable ordonnance, comme certaines niches que nous avons tout au fond.

 

     Le plan est orienté, simple, à vaisseau unique, sans transept avec abside semi-circulaire. L'ensemble nef et chœur mesure environ 28,50 m de long sur 7 m de large et l'abside 3,65 m de rayon. La nef très allongée se divise en quatre travées, celle de l’ouest étant plus longue que les trois autres qui sont semblables. À la nef succède la travée de chœur, légèrement plus longue que les trois travées qui la précèdent. Vient ensuite le chevet à abside semi-circulaire légèrement saillante.

 

     À propos de l'élévation, les murs ne comportent qu'un seul niveau. Toutefois les différentes phases de construction et les aménagements ont modifié les différentes parties composant cette élévation. À l'extérieur, chaque travée est délimitée par des contreforts épaulant l'espace. La restauration de la couverture en tuiles plates brise l'homogénéité apparente entre les différentes parties en variant les hauteurs de faîtage.

 

     La nef, le chœur et l’abside sont distincts, ce qui n'était pas le cas avant la restauration, cette différence était seulement marquée par le passage d'une couverture droite à une couverture en hémicycle. Les parties hautes des murs ont elles aussi été reprises, comme la corniche de modillons courant le long de l'édifice. Seuls les murs de l’abside sont pourvus d'une mouluration talutée.

 

     Une baie scande les murs de chaque travée, l’abside en comptant trois. Ces ouvertures sont de taille différente. Il faut aussi noter la présence d'un oculus sur le mur nord du chœur. Hormis celle de la façade, trois portes sont aménagées, deux dans le mur nord et une dans le mur sud du chœur. À l'intérieur les murs sont pourvus d'un stylobate (base des murs) courant le long de l'édifice.

 

     Une corniche supporte la voûte marquant le passage entre les murs droits et l’hémicycle. La nef et le chœur sont voûtés d'un berceau brisé soutenu par de puissants arcs doubleaux rectangulaires brisés. Ces derniers retombent sur les tailloirs des chapiteaux sculptés qui s'appuient eux-mêmes sur de simples colonnes.

 

     À l'entrée du chœur, la voûte est supportée par un arc triomphal brisé reposant sur des piliers composés engagés dans un dosseret. Ils sont formés d’une demi-colonne flanquée de part et d'autre de deux quarts de colonne. Le tout est orné de chapiteaux sculptés supportant les arcs doubleaux. L’arc d'entrée de l’abside retombe non plus sur le tailloir du chapiteau mais sur la corniche, doublée par rapport au reste de l'édifice. L’abside est voûtée en cul de four.

 

III - la première phase de construction :


      La chapelle est en effet marquée par deux phases de construction. La première concerne les trois travées orientales de la nef, le chœur et l’abside qui présentent de nombreuses similitudes. L'appareil est à assises régulières et à double parement, les percées des niches révèlent cet appareil. Le blocage, composé de mortier et de cailloux plus ou moins gros, en constitue le noyau. Les deux faces visibles sont appareillées de blocs de pierres de taille rectangulaires.


     Les baies sont de même type, mis à part pour la fenêtre sud de l’abside qui est postérieure et que nous évoquerons plus tard. Elles sont formées d'un arc plein-cintre. Leur ébrasement est plus fort à l'intérieur qu’à l'extérieur. Dans l’édifice la corniche est elle aussi identique le long de cet espace, tout comme le bas du mur.


     La sculpture permet aussi d'argumenter en ce sens. Les chapiteaux des trois travées orientales du chœur et de l’abside ont en commun trois motifs :


            * la feuille simple et large à nervure médiane ;


            * la feuille composée qui se trouve dans l'angle de chaque chapiteau, dont la foliole principale est lancéolée et les folioles latérales en crosses, qui rappellent la fleur de lys ;


            * ces feuilles sont toujours soulignées d'un ruban crénelé qui est le troisième motif récurrent.


     Le traitement de la pierre est souple. Ces chapiteaux sont marqués par l'influence du chapiteau antique corinthien, les différents motifs étant placés sous les angles du tailloir et en milieu de face. Ce décor est dénué de réalisme et reste très stylisé.


     Il est donc possible d'affirmer que les deuxième, troisième et quatrième travées, le chœur et l'abside, ont été érigés lors de la même phase de construction, à l'époque romane. La séparation entre la nef et le chœur est soulignée par le retrait effectué à l'extérieur. Tout comme l'entrée du chœur est davantage marquée que celle des autres travées. Cette volonté de distinguer les différentes parties de l'édifice est d’autant plus marquée entre le chœur et l'abside avec la formation d'un second retrait.


     Il est donc clair qu'il y a eu dès la construction de l'édifice la volonté de distinguer ces trois différentes parties tout en conservant une certaine unité d'ensemble.


     Cette étude succincte nous permet d'établir une chronologie relative. En effet, l'un des éléments caractéristiques de l’art roman est la voûte en berceau avec le compartimentage en travées par des doubleaux comme pour cette chapelle. Éliane VERGNOLLE dans son ouvrage « L’art roman en France, Architecture, Sculpture et Peinture » note que ce type de voûte, adopté entre 1090 et 1140, connaît sa fortune entre 1140 et 1180. De plus, le sud de la Loire voit la nef unique en berceau brisé se généraliser dans la seconde moitié du XIIème siècle.


     L'utilisation de cette voûte implique la maîtrise des problèmes d’équilibre. En effet, les poussées sont contenues par les murs gouttereaux qu’il convient alors de renforcer, ce qui correspond à Auzon aux contreforts et à l'intérieur aux arcs doubleaux. De plus, il faut renforcer la maçonnerie elle-même, ce qui conduit à la généralisation de l’appareil à double parement dont je vous parlais tout à l'heure.


     Il faut aussi noter la présence d’un oculus. Selon René CROZET dans « L’art roman en Poitou » un tel oculus reste une survivance d'un usage pré-roman. De plus, René CROZET souligne aussi que la majorité des bases romanes du type romain présentent, comme ici, deux tores séparés d'une scotie, ainsi qu’une griffe. Cet édifice est donc parfaitement ancré dans l'art roman. L'utilisation de la voûte en berceau brisé, soutenue par des arcs doubleaux séparant les travées et l'appareil à double parement, sont caractéristiques du XIIème siècle, la fortune du berceau brisé se déroulant entre 1140 et 1180. Cela laisse donc supposer que les trois travées orientales de la nef, le chœur et l'abside —donc la première phase de construction— ont été élaborés durant cette période, entre 1140 et 1180, ce qui corrobore avec la bulle pontificale citée précédemment, « Omne Datum Optimum ».


     Il convient aussi de parler pour cette première phase de construction, d'un bâtiment qui devait être accolé au chœur du côté sud et qui a du être érigé lors de cette même phase de construction. De fait, l'appareil présente de nombreuses modifications que la restauration n'a pas pu effacer ou n'a pas voulu effacer. Un retrait a été effectué entre la 4ème travée et le chœur, sur environ 15 assises. De même, nous retrouvons sur le contrefort situé à côté du chœur ces mêmes travées d’arrachement, également sur 15 assises. Cette quinzième assise justement laisse apparaître le blocage tout le long.


     Ces traces d'arrachement correspondent à la présence de deux pans de mur de chaque côté du chœur ainsi qu'à un plafond. Cette construction devait débuter dans l'angle du retrait entre la nef et le chœur pour s'arrêter du côté du contrefort. Le blocage apparaissant sur deux ou trois blocs laisse à penser que les murs étaient épais. Une ouverture est aménagée au centre de la travée, il est donc possible de passer directement de ce bâtiment à la chapelle. Cet élément nous laisse penser qu'il devait s'agir de la sacristie qui est évoquée lors du procès-verbal de la visite du 15 octobre 1691 faite par le Frère Jean-Baptiste de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem. Cette sacristie était donc encore en place à cette époque. Disparue de nos jours il faudrait que des fouilles soient réalisées afin de connaître sa dimension exacte.


     Ainsi la chapelle, telle qu'elle apparaissait à son origine, ne comportait que trois travées, le chœur et l'abside, un petit bâtiment lui était accolé. Cette première phase de construction se situe entre 1140 et 1180.


      Si nous feuilletons un peu l'ouvrage de l'Abbé LALANNE sur l’histoire de Châtellerault et du Châtelleraudais, nous nous apercevons que deux personnages ont marqué cette période. Il ne s'agit pas ici de savoir lequel aurait pu être l’un des donateurs mais plutôt de donner une certaine idée des donateurs et d’émettre quelques hypothèses. On n'a aucune preuve historique indiquant quel personnage a fondé Auzon.


      Le premier personnage marquant est bien sûr Aliénor d'Aquitaine, petite fille du Vicomte de Châtellerault Aimeri Ier et du Comte de Poitou Guillaume VIII. Elle fut l'unique héritière des vastes terres que possédait son père, équivalentes alors au tiers de la France actuelle.


     Le deuxième personnage est le successeur d'Aimeri Ier, et oncle d'Aliénor, Hugues II, né en 1110 et décédé en 1176. En 1152 il signe la charte par laquelle sa nièce confirmait les dons et faveurs que le père de celle-ci, Guillaume IX, avait accordés à l’Abbaye de Montierneuf à Poitiers. Il fut aussi le signataire de la donation en 1169 faite encore une fois par Aliénor à l'église de Saint Hilaire le Grand. Le Vicomte lui-même fonda Châteauneuf et l'église Saint Jean l'Évangéliste à Châtellerault.


      Aliénor d'Aquitaine et Hugues II sont donc bien les exemples de leur temps, lorsque les constructions religieuses étaient encore tributaires des dons faits par les détenteurs du pouvoir laïc.


IV - la deuxième phase de construction :


     Nous allons désormais aborder la deuxième phase de construction de la chapelle d’Auzon. En effet, la première travée et la façade ont été érigées après la première campagne de construction. Cette première travée diffère des autres par sa longueur mais aussi par ses ouvertures, la base des murs ainsi que la corniche. La base des murs se développe jusqu’au stylobate de la colonne entre les deux travées ; quant à la corniche, elle se déroule jusqu'à la fissure appelée « coup de sabre » qui marque l'édifice de haut en bas.


     Le raccord que l’on voit sur la deuxième travée marque cette limite. En observant les correspondances entre intérieur et extérieur de l'édifice, nous nous apercevons rapidement que cette trace de raccord doit être cachée par les contreforts. De plus, en observant la coupe de la nef, il apparaît que cette première travée est légèrement de biais par rapport au reste du plan.


     Cependant mises à part quelques traces laissées par la reprise à l'intérieur et la fenêtre du mur gouttereau sud, il émane une certaine volonté d'unité parmi ces deux campagnes de construction. En effet, la voûte en berceau brisé, ainsi que l'appareil à double parement ont été repris, c'est pourquoi cette différence est plus visible de l'extérieur. De plus, la base de la colonne du mur gouttereau sud est composée de trois tores superposés que René CROZET considère comme un usage archaïque, considéré comme déjà assez rare à l'époque romane.


     Il est donc possible que les architectes de cette deuxième phase de construction aient voulu copier le style le plus roman possible en reprenant des éléments qu'ils avaient pu observer dans d'autres bâtiments qui dataient de l'époque d’Auzon. Toutefois, ceci n'est qu'une hypothèse qui ne peut être validée faute de preuves.


     La fenêtre est l'un des derniers éléments dont nous nous devons de parler marquant une différence nette entre les quatre travées et qui va nous permettre d’obtenir un essai de datation de cette deuxième phase de construction.


     Bien qu’elle ait perdu son remplage, cette fenêtre ressemble fortement à celle de la façade, en forme d’arc brisé. Le remplage de cette dernière est constitué de deux baies jumelées, sur lesquelles repose un oculus. Les piédroits sont formés de colonnettes aux trois quarts engagés sur les côtés tandis que le meneau au centre est formé d'une demi-colonnette. Les petits chapiteaux sont à motifs végétaux.


     Ce type de fenêtre à remplage n'apparaît qu'à l'époque gothique, plus précisément à l'époque du « gothique classique », au début du XIIIème siècle, il est donc sûr que cette première travée ait été construite au XIIIème siècle puisque la fenêtre est parfaitement intégrée au mur, sans trace de reprise. Il faut toutefois noter que la fenêtre sud de l’abside présente les mêmes caractéristiques mais elle est cassée. Le fait qu'un simple oculus soit placé sur la fenêtre de la façade et sur celle de la première travée laisse à penser que la baie de l'abside a également été agrandie postérieurement à la construction de la première travée. La fenêtre de l'abside comporte en effet des traces d'arrachement laissant supposer la présence d’une rose. La première partie de la nef et la façade ont donc sans doute été érigées avant 1260, avant l'apparition de cette rose.


     Il faut cependant noter que les décors du chapiteau font pencher la balance en ce sens, en effet, la corbeille évasée est ornée de motifs au relief moyen avec un abaque laissé lisse. Le décor de cette corbeille est composé de cinq crochets, motif courant dans le répertoire de la sculpture de l'époque gothique.


     Pour cette façade il convient toutefois de noter que le portail soulève quelques questions. En effet, celui-ci comporte trois voussures, en forme d’arc brisé, soutenues par trois piédroits de chaque côté. Chacune de ces voussures est composée de deux tores fins séparés par un anglet et surmontés d’un bandeau lisse. L'ensemble est souligné par un cordon brisé se terminant par une ligne droite. Cette dernière est plus courte au nord car son extrémité a été rasée. Les piédroits sont fortement endommagés mais les éléments encore en place semblent indiquer qu’ils étaient sculptés dans la continuité des voussures. Ce portail est donc d'une grande sobriété, ce qui contraste notamment avec la fenêtre à remplage située juste au-dessus.


     De plus, nous pouvons remarquer que l'appareil diffère entre la partie basse de cette façade, qui comporte le portail, et la partie haute, qui comporte la fenêtre. La séparation entre les deux parties s’effectue de plus avec une petite corniche d'appareil à bossage. Les assises dans la partie haute sont de plus petite taille et les joints plus maigres. Il est donc possible que le portail de cette façade soit un réemploi et soit peut-être celui d'origine. Je tiens une fois de plus à préciser qu'il s'agit seulement d'une supposition.


     Nous ne pouvons parler de la construction de cette première travée sans évoquer le bâtiment qui devait lui être adossé. L'étude du mur gouttereau nord suggère la présence de ce bâtiment. En effet, un arc brisé constitué de claveaux est découpé dans le mur et comblé par des blocs de pierre de taille. Cet arc débutait manifestement quelques centimètres au-dessus de la base du mur. Il ne peut s'agir d'une entrée ouvrant sur la chapelle, auquel cas il y aurait eu des traces de percée à l'intérieur de l'édifice.


     Nous constatons que la base droite de cet arc comporte des traces d'arrachement. Il est possible que celles-ci renvoient au départ d'un autre arc, perpendiculaire au mur gouttereau. Ainsi ces deux arcs attesteraient de la présence d’une voûte. De plus, des couches de mortier présentes de chaque côté de cet arc, sur le contrefort de la façade et sur le retrait, laissent supposer que deux murs étaient accolés perpendiculairement au mur gouttereau de la première travée de la chapelle.


     La réfection de la toiture réalisée dans le cadre de l'année romane en 1976 démontra que les colonnettes présentes sur les piédroits de la petite fenêtre de cette travée appartenaient à un arc d'étage, caché aujourd'hui par le parement et la corniche. Ce bâtiment devait donc être aussi haut que la chapelle et comportait un étage, voire deux. Sa fonction demeure inconnue. La meilleure hypothèse retenue à ce jour est qu'il s'agit d'un cloître qui a donc été érigé lors de la deuxième phase de construction.


     Nous allons désormais essayer de cerner les raisons qui ont conduit à agrandir la chapelle ainsi qu'à ériger un nouveau bâtiment conventuel. Le rajout de cette travée donne à la chapelle une taille peu commune puisqu'elle est longue de 32 m environ. Or, la plupart des chapelles de l’Ordre du Temple de la région n'excèdent pas 25 m, réputées pour leurs dimensions modestes.


     Cette dimension déterminerait-elle la place qu'avait la Commanderie d’Auzon au sein de la province d'Aquitaine et en règle générale du réseau templier occidental ? René CROZET note que dans la plupart des cas, la taille de ces édifices tient compte des effectifs, mais aussi des intentions et des moyens matériels mis au service par les commanditaires et les donateurs. La travée orientale a donc pu être ajoutée à cause de l'augmentation du nombre de nouveaux entrants dans l’Ordre du Temple grâce aussi au succès de l’Ordre, l 'effectif des frères devint alors trop important pour que l'office se déroule correctement dans le bâtiment d'origine. De plus, l'agrandissement des bâtiments conventuels semble aussi correspondre à ce problème d'effectif.


     Le manque de documents ne permet pas de fournir des éléments de réponse. Cependant il faut noter que le Sénéchal du Poitou attribue à la commanderie une aumône en 1290 et 1294. La question est donc de savoir si cette aumône est attribuée à cause des travaux effectués. Bien que nous ne puissions pas savoir réellement si ces travaux sont dus à la place grandissante de la Commanderie d’Auzon au sein du réseau templier, nous pouvons être quasiment sûrs qu'ils le sont grâce au succès de l'Ordre en Occident.


     Cette deuxième phase de construction, qui correspond à l'agrandissement de la chapelle d'une travée et à la construction d'un nouveau bâtiment conventuel, se situe dans la première moitié du XIIIème siècle. Je tiens à noter qu'il est tout à fait possible que Guillaume de Sonnac ait été l'instigateur de ces travaux, car —dois-je vous le rappeler ?— ce dernier a été recteur d’Auzon vers 1223 avant d’être précepteur d’Aquitaine puis Grand Maître en 1245. Encore une fois c’est une supposition, rien ne prouve cela.

 

V - insertion de la chapelle d’auzon dans son contexte régional

 

     Le type de plan de la chapelle d’Auzon est peu employé dans l'architecture de l’Ordre du Temple de notre région. La majorité des chapelles et églises sont construites sur un plan à chevet plat, fréquent dans les régions de l'Ouest, c'est-à-dire dans les départements actuels de Charente, de Charente Maritime, des Deux Sèvres ainsi que de la Gironde. Cependant, il convient de noter que le plan à abside semi-circulaire est présent dans l'architecture de l’Ordre du Temple dans des régions plus éloignées, comme la Bourgogne ou la Bretagne.

 

     Dans le Haut Poitou, la seule chapelle connue possédant un plan similaire est celle de la Commanderie de Montgauguier. Elle se trouve aujourd'hui sur la commune de Maisonneuve, dans le canton de Mirebeau, à l’ouest d’Auzon. Le premier document attestant de sa présence est une charte réalisée en 1258 par le chanoine de Notre Dame de Mirebeau, Hugues Poitevin. Sa fondation remonte pourtant au XIIème siècle. La chapelle, considérée comme romane, est de dimension modeste, la voûte est en berceau brisé soutenue par des arcs doubleaux. L’abside est remplacée a posteriori par un mur droit formant un chevet plat.

 

     Il s'agit de la seule comparaison qu'il est actuellement possible de faire avec les chapelles de l’Ordre du Temple présentes dans l’actuel département de la Vienne. Certaines ont été remaniées, comme celle de l'Épine, près de Béruges, mais la plupart ont été détruites. Quelques vestiges restent encore à Civray ou aux Roches, près de Cloué. Il ne reste par exemple à Civray que les murs d'une chapelle romane longue de plus de 17 m et large de plus de 6 m. Elle est à chevet plat avec une fenêtre en façade et un triplet au chevet.

 

     Ces différents exemples soulignent bien qu'il n'y avait pas un style d’architecture unique de l’Ordre du Temple en Poitou.

 

     L'une des chapelles les plus proches de manière architecturale et esthétique de celle d’Auzon est la chapelle de Plaincourault, située sur la commune de Mérigny dans l’Indre. Elle n'appartenait pas à l’Ordre du Temple mais à un autre ordre religieux et militaire, celui de Saint Jean de Jérusalem.

 

     La présence des Hospitaliers à Plaincourault est mentionnée pour la première fois dans une bulle du pape Lucius III le 28 mai 1184. La chapelle est érigée en paroisse au XIVème siècle et ce jusqu’au XVIIIème siècle. L'édifice est intact, seule la flèche ayant été démolie au XIXème siècle.

 

     Cette chapelle est composée d'une nef, divisée en trois travées, d'un chœur et d'une abside semi-circulaire. La voûte en berceau brisé est soutenue par des arcs doubleaux. L'abside est voûtée en cul de four et percée aussi d'un triplet de baies. Les autres éléments similaires à la chapelle d’Auzon sont les griffes présentes sur le socle des colonnes de la façade ainsi que des feuilles simples sculptées sur les corbeilles des chapiteaux du portail.

 

     L'étude archéologique et artistique a permis de dater cette chapelle. En effet, les murs sont couverts de peintures conservées grâce à l'emploi de la chapelle en grange, les pigments correspondent à la palette utilisée dans la deuxième moitié du XIIème siècle. La chapelle de Plaincourault a donc été construite dans la même période que celle que nous avons définie pour Auzon.

 

     Un autre édifice se rapprochant fortement de la chapelle d’Auzon est la collégiale de Notre Dame de Châtellerault. Le Docteur ORILLARD lui consacra un article dans le Bulletin Monumental de 1937. Il lui semble que l’édifice d'origine ait été construit vers 1095. Il fut rattaché dès son origine à l’Abbaye de Noyers. En 1196 le Vicomte de Châtellerault, Hugues III, y installe un chapitre. Son étude reste difficile car le monument est englobé dansd'autres bâtiments, seule l’abside étant visible de l'extérieur.

 

     Le plan est simple, sans transept, la nef est à double vaisseau. Celui au sud est d'époque romane et se termine par une abside circulaire ; celui au nord est d'époque gothique et se finit par un chevet droit. Ces deux parties communiquent entre elles grâce à des arcades plein cintre.

 

     Nous nous intéresserons bien sûr au premier état. Les dimensions d'origine sont d'environ 33 m de longueur sur 7 m de largeur. Seules les deux travées les plus proches de l’abside ont été conservées. Elles sont constituées d'un moyen appareil, la voûte en berceau brisé est soutenue, comme ici, par des arcs doubleaux rectangulaires. Bien que les supports soient dégradés, il semble qu’il s'agissait de colonnes engagées, comme ici. Les murs gouttereaux sont flanqués de puissants contreforts, apparents seulement au sud. L'abside est voûtée en cul de four, légèrement brisé, les murs étant plus épais que ceux de la nef. L'édifice est ajouré de deux fenêtres plein cintre de chaque côté du chœur, ainsi que de trois autres du même type du côté de l'abside. Ces fenêtres sont aussi comme à Auzon plus ébrasées à l'intérieur qu’à l'extérieur.

 

     La totalité de cette partie romane est recouverte d'un faux appareil composé d'une ligne jaune entre deux lignes rouges tracées sur enduit. Une crypte doit se trouver sous le sanctuaire. À l'extérieur l’abside est décorée d'un bandeau orné de deux rangs de scie opposés courant sous les fenêtres. Deux contreforts colonnes appareillés sont appliqués contre l'abside. Les corbeilles et chapiteaux sont ornés de feuilles simples larges crochetées aux angles.

 

     Le plan de cette église, bien qu’elle ait été remaniée, est très proche de celui de la chapelle d’Auzon, avec une nef droite prolongée par une abside semi-circulaire. L'élévation elle aussi est semblable, avec dans la nef des arcs doubleaux rectangulaires s'appuyant sur des colonnes engagées et soutenant une voûte en berceau brisé. De même, l’abside est voûtée en cul de four avec des murs porteurs plus larges que ceux de la nef. Le décor de deux rangs de scie présent sur l’abside est le même que la corniche extérieure de la face sud de la chapelle d’Auzon.

 

     En ce qui concerne la datation, le Docteur ORILLARD suppose qu’il ne reste plus rien en place du bâtiment d'origine de la fin du XIème siècle. En effet, il note que l'édifice présent de nos jours ne peut être antérieur au second quart du XIIème siècle. Il établit cette datation comme nous l’avons fait, sur le voûtement soigné en berceau. Les crochets sur les chapiteaux et les contreforts colonnes de l’abside donnent à penser qu'il faut reculer son origine jusqu'aux environs de 1150.

 

     Ainsi, la collégiale de Notre Dame de Châtellerault et la chapelle de la Commanderie d’Auzon lors de sa première campagne de construction, ont sans doute été érigées à peu d'années d'intervalle, sinon en même temps. Nous ne pouvons affirmer à l'heure actuelle s’il y a une quelconque influence entre les deux édifices, ni même s’ils ont été édifiés par les mêmes équipes. Il est tout à fait probable qu'une étude comparative des marques de tacherons des deux édifices permettrait de fournir un élément de réponse.

 

     Enfin, il me semble que nous ne pouvons pas parler des édifices communs à la chapelle d’Auzon sans évoquer le portail de l'église de l’Abbaye de l’Étoile, à Archigny, située à 25 km au sud de Châtellerault.

 

     Cette abbaye est fondée ex nihilo au début du XIIème siècle par l'ermite Isembaud de l'Étoile. En 1145 elle est rattachée à l’Ordre de Citeaux. L'église, largement remaniée, est flanquée de bâtiments conventuels à droite et d'un ensemble ferme-hôtellerie à gauche. Son apparence trapue est due à l’abrasement des murs d'au moins 40 cm à cause de l’effondrement de la voûte au XIXème siècle. Le pignon de la façade était donc plus haut qu'aujourd'hui.

 

     L'appareil est en pierre de tuffeau. Le portail, comme celui d’Auzon, ne comporte aucun tympan. Les trois voussures sont en arc brisé, chacune étant décorée d'un tore épais que surmonte un bandeau lisse. Elles retombent sur des colonnes engagées dont deux seulement sont encore en place. Elles s'inscrivent dans le prolongement des voussures. Elles devaient être surmontées d'un chapiteau qui n'est plus visible de nos jours. Un cordon surligne l'arc brisé et se termine par une ligne horizontale se déroulant de part et d'autre de ce portail.

 

     Ce dernier présente donc de nombreuses similitudes avec celui de la chapelle d’Auzon. Le décor sobre ne se différencie que par le nombre de tores par voussure ; le cordon soulignant l'arc brisé est aussi présent sur les deux édifices, bien qu'il soit plus court sur le portail d’Auzon ; la détérioration des deux portails renforce ces similitudes, les colonnes et les chapiteaux disparus laissant à vif les blocs de pierre de taille des piédroits.

 

     Dans son étude sur les églises cisterciennes en Poitou parue en 2002 dans la Revue du Centre-Ouest, Madame Claude ANDRAULT arrive à la conclusion, grâce à une étude de la nef, que celle-ci a sans doute été terminée entre 1175 et 1220, période considérée comme prospère pour les constructions des abbayes cisterciennes.

 

     Ainsi ces différentes comparaisons permettent de confirmer qu'il n'y a pas à proprement parler d'architecture templière mais des édifices voués au culte, ayant une architecture subissant l'influence de leur époque, de leur situation géographique et des monuments aux alentours.

 

 conclusion

  

     En conclusion, l'étude de la chapelle de la Commanderie d’Auzon nous a permis de constater que l'édifice a été construit en deux phases : la première correspond vraisemblablement à la fondation de la Commanderie, entre 1140 et 1180, la deuxième qui voit l'agrandissement de la chapelle d'une travée et la construction d’un bâtiment attenant, concerne une période moins clairement établie mais qui se limite à la première moitié du XIIIème siècle.

 

     Il faut noter que des bâtiments conventuels étaient déjà présents. Ces travaux correspondent donc à une volonté d'agrandissement de la Commanderie par les Templiers. Comme nous l'avons vu, les raisons de ces travaux ne peuvent être à ce jour formulées que par des suppositions, ils peuvent être dus à l'épanouissement rapide de la Maison d’Auzon mais aussi au succès de l'Ordre dont les membres deviennent de plus en plus nombreux au début du XIIIème siècle. Nous pouvons aussi noter l'apport de plus en plus constant des donations.

 

     L'architecture et la sculpture de la chapelle de la Commanderie d’Auzon sont, comme nous l'avons vu, davantage à rapprocher des édifices poitevins romans plutôt qu’à classer dans un potentiel art templier. Les nombreuses similitudes avec une collégiale ou une chapelle de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem permettent de confirmer cela.

 

     Cependant, nous ne pouvons pas désavouer l'influence de l'Ordre sur ces constructions. Il s'agit donc soit d'une volonté de ne pas se distinguer des autres lieux de culte et donc des autres communautés religieuses en adoptant un plan commun, soit au contraire de se démarquer au sein même de l’Ordre du Temple en choisissant un plan qui lui est inhabituel.

 

     La présence de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem à partir de 1312 ne changea pas considérablement la surface et la silhouette de l'édifice. Seuls quelques éléments ont été aménagés, comme la porte sur le mur gouttereau nord ou la balustrade dans l’abside dont nous voyons qu’il reste quelques traces contre les colonnes. Les grands chantiers ont donc eu lieu lors de l'occupation du site par les Templiers.

 

     Après l'utilisation de la chapelle en magasin à fourrage et lieu d'habitation au XIXème siècle, les deux périodes de restauration redonnèrent à l'édifice l'aspect de sa fonction originelle de culte nous permettant aujourd'hui de l'apprécier à sa juste valeur. (applaudissements)

 

 

débat avec la salle

  

M. Jean-François LAVRARD. - Est-ce qu’il y a quelques questions à poser à Sabine ?...

 

Première question. - Où est située la collégiale Notre Dame à Châtellerault ?

 

M. Jean-François LAVRARD. - À côté du marché, là où était La Gourmandine autrefois, Rue Saint-Romain.

 

Deuxième question. - Où se trouve la chapelle de Civray ?

 

M. Jean-François LAVRARD. - Je vais vous en parler après, c'est sur les bords de la Charente. D'autres questions ?...

 

Troisième question. - Merci en tous cas pour cet exposé. Simplement il me semble —enfin c’est ce que l’on dit— qu'il y ait aussi des bâtiments attribués à l’Ordre du Temple et conçus d'une manière octogonale, par exemple l’église de Veracruz en Espagne, peut-être la chapelle d’Eunate sur le Chemin de Compostelle. Certains édifices octogonaux passent pour avoir été sinon construits, en tous cas investis par les Templiers à une certaine époque. Est-ce que vous pouvez répondre affirmativement ou pas à cette question ?

 

M. Jean-François LAVRARD. - L'exemple principal étant à Laon.

 

Mlle Sabine BLUGEON. - Effectivement, il existe des plans octogonaux qui proviennent de l’Ordre du Temple, malheureusement rien ne prouve que cela ait été par exemple une copie, comme cela a été dit, du Temple de Salomon. Je pense que sans doute comme à Auzon c’est plutôt une influence de l’architecture aux alentours qu’une réelle volonté de se distinguer. Toutefois, à Londres il est vrai que le plan octogonal est quand même le seul de l’Angleterre, si je ne m'abuse.

 

Est-ce que c'est une « copie » de l'architecture espagnole ? Il est fort possible qu’il y ait une influence entre les deux pays, mais rien ne prouve que le plan octogonal ait été forcément choisi par l’Ordre du Temple pour figurer une certaine spécialité, se démarquer.

 

M. Jean-François LAVRARD. - Je vais vous en parler aussi tout à l'heure, il y a un octogone à Montmorillon, on a longtemps cru qu'il était templier à cause de sa forme mais en fait il ne l'est pas.

 

Quatrième question. - Vous avez parlé des départements de la Vienne, des Deux-Sèvres, des Charentes, voire même de la Gironde, vous n'avez pas parlé de la Vendée.

 

Mlle Sabine BLUGEON. - C'est vrai. Très honnêtement dans mes comparaisons j’ai utilisé le sud-ouest et la Charente et la Charente Maritime parce qu'en fait l'architecture de l’Ordre du Temple y est très étudiée ; en Vendée il l'est un petit peu moins et lorsque j’ai établi mon sujet, mes professeurs m'ont demandé de plutôt me baser sur l'architecture du sud-ouest. Il devait y avoir une raison à cela, est-ce que l’architecture de Vendée est plus à rapprocher de la Bretagne ? C'est tout à fait possible, mais effectivement je n’ai pas fait de comparaison avec l’architecture de Vendée.

 

Il faut aussi noter que le plan que nous avons à Auzon est également présent dans l’Indre. Vous avez tout à fait raison, il faut oublier ces barrières départementales que nous avons fixées parce qu’elles n’existaient évidemment pas à l’époque de l’Ordre du Temple, donc pour faire des comparaisons on essaye de se limiter à un certain cadre géographique mais il est vraiment purement subjectif.

 

Cinquième question. - Quelles sont les origines des peintures murales qui restent là ?

 

Mlle Sabine BLUGEON. - J'aimerais bien vous dire quelles sont les origines des peintures murales de la chapelle, malheureusement je ne les ai pas étudiées. Nous supposons que la première travée a été soit repeinte soit l'enduit qui a été placé était meilleur. Très honnêtement il faudrait faire de nombreuses comparaisons. C'est vrai que la chapelle de Plaincourault que j'ai évoquée tout à l'heure est très intéressante à ce sujet puisqu'elle reprend des éléments de la chapelle d’Auzon et étant donné, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, que les pigments dataient de la fin du XIIème siècle, il est probable que les peintures soient d'origine mais encore une fois il faudrait vraiment étudier les enduits, et on voit que par endroits ils sont plus effacés qu’à d'autres, cela signifierait peut-être qu'il y a eu deux campagnes pour les peintures murales, comme pour la construction de la chapelle. Effectivement il serait intéressant de reprendre les pigments pour la datation.

 

M. Jean-François LAVRARD. - Il y a plus de deux périodes en fait, parce que sur le motif en losange il y a un plâtre avec une grecque peinte antérieure à l'agrandissement, donc déjà il y avait eu plus de deux périodes de décoration avant l'agrandissement.

 

Sixième question. - Est-ce qu’il y a eu une reconstitution même virtuelle de ces peintures du chœur qui sont encore visibles.

 

M. Jean-François LAVRARD. - Je vais vous montrer un essai de reconstitution fait par les moines de Ligugé tout à l'heure.

 

Mlle Sabine BLUGEON. - J'ai juste une chose à évoquer sur laquelle je n'ai pas pu travailler, c’est une inscription qui est présente sur le côté ici et qui semble très intéressante. J'espère qu'il y a des épigraphistes dans la salle parce qu'on n'a pas réussi jusque là à la déchiffrer, il semble qu'il y ait plusieurs alphabets utilisés. L'année dernière Madame ANDRAULT m'en avait parlé et m'avait dit que cette inscription serait d'origine mais il serait vraiment fort intéressant de pouvoir la déchiffrer parce que je pense que cette petite phrase pourrait nous apprendre beaucoup de choses.

 

Septième question. - Ce qu’on voit au-dessus ressemble un petit peu aux peintures de la chapelle de Villemoison. Est-ce que quelqu’un la connaît ?

 

M. Jean-François LAVRARD. - C’est dans quelle région ?

 

Le même. - Dans la Nièvre.

 

M. Jean-François LAVRARD. En fait il s’agit d’ une composition classique appelée« tétramorphe », représentant le Christ en gloire, au moment du jugement dernier, entouré des quatre évangélistes, il y a à droite l'aigle de Saint Jean, en dessous c'est le taureau de Saint Luc et de l'autre côté il y avait un ange pour Saint Mathieu et, au dessous, le lion de Saint Marc.

 

Huitième question. - Les photos du cul de four existent dans le dossier de classement, on a beaucoup plus de détails. En dessous du tétramorphe il y a un Christ à la colonne, il y a une visitation, différents éléments qui ont disparu depuis un siècle.

 

M. Jean-François LAVRARD. – Effectivement, le dossier de classement des peintures date de 1913. (applaudissements)