Au XVIIIème siècle
Rose : D. de Lorraine - Jaune : C. de Bar - Bleu : trois évêchés (Metz, Verdun et Toul) - Vert : Champagne

Attention, la carte ci-contre montre les limites des comtés tels qu'elles apparaissaient au milieu du XVIIIème siècle. Ces frontières ont été très mouvantes au cours de l'histoire mouvementée de la Lorraine.


Evêché de Metz

 

       Les cinq sites qui suivent associés au n°3 du panel de base forment une courbe étonnante de régularité autour de la limite nord-ouest à sud-est du Saulnois et de sa source salée de Château-Salins. Cette source est exploitée depuis la haute antiquité. La courbe signalée semble incluse dans les possessions de l'évêque de Metz un des plus puissant prélat de Lorraine depuis que Charlemagne lui a accordé d'énormes privilèges. L'évêque est comte souverain de Metz et prince du Saint-Empire. Jean Ier d'Apremont perd beaucoup de cette puissance en 1234 depuis la guerre des amis à laquelle Henri II de Bar est intimement mêlé.

 

     Jean Ier d'Apremont doit reconnaître l'indépendance de la ville de Metz et se retire à Vic-sur-Seille (ci-contre) tout proche de Château-Salins. De 1302 à 1316, l'évêque de Metz est Renaud de Bar, 5ème fils de Thiébaut II de Bar et frère de Henri III de Bar à qui nous avons affecté les sites du n°7 au n°m. Renaud a t'il eu peur de la déchéance partielle de sa famille et a t'il voulu protéger sa résidence de Vic-sur-Seille d'une ceinture de fortifications inspirées de celles de son frère ? Ou a t'il essayé de protéger sa principale source de revenus vis à vis du duc de Lorraine toujours prêt à partir en guerre ? ou très certainement les deux à la fois ? Toujours est-il que cet ensemble de sites semble bien inspiré de nos chers Plantagenêts ! En tout cas "sel" et "Sonay" s'y rejoignent dans un savant mélange car il fallait bien défendre les lucratives salines Lorraines.

 

     Il faut savoir que Château-Salins et sa source appartenaient en propre à l'évêque de Metz mais étaient sous la dépendance temporelle du duc de Lorraine Ferry III qui d'ailleurs concéda le tiers des salines d'Amelécourt à Thiébaut II de Bar en 1277. Il n'y avait pas encore vraiment de château à Château-Salins, deux châteaux furent construits, l'un vers 1340 par la régente de Lorraine Elisabeth d'Autriche, l'autre par Adhémard de Monteil 70ème évêque de Metz. Plusieurs guerres eurent lieu au XIVème siècle autour des sources.  

 

 

     - p - Le Saunard, 57900 Craincourt :

 

     En 1243, Regnault de Craincourt vend Delme à l'évêque de Metz Jacques de Lorraine. Delme était un village important bâti sur une villa romaine à 12 lieux de Metz sur la route de Strasbourg, d'où son nom (douze). C'est sur une crête du territoire de Delme que notre site se trouve, il controlait donc la route entre Metz-Pont-à-Mousson et Vic et pouvait faire appel à la maison forte d'Aulnois-sur-Seille en contrebas. A Aulnois devait se trouver un pont sur la Seille.

 

 CarteHypothèse d'affectation : Edouard II

 

 

     - q - La Saulnière, 54760 Lanfroicourt :

 

     Ce site permet de contrôler les boucles de la Seille. Il dépendait soit du château d'Amance soit des évêques de Metz puisque Adalbéron II détruisit le château du village au Xème siècle. Les possessions des évêques étaient en effet totalement imbriquées avec celles des ducs. Le site contrôlait sûrement un autre pont sur la Seille.

 

 CarteHypothèse d'affectation : Edouard II

 

 

     - r - Sornéville, 54280 Sornéville :

 

     Sornéville, avec Chambrey et son château devaient surveiller la route de Vic à Nancy, c'était donc le point le plus important pour la défense de Vic vis à vis du duché. Une ancienne voie romaine devait passer par Sornéville.

 

 CarteHypothèse d'affectation : Edouard II

 

 

     - s - La Saulnière, 54370 Coincourt :

 

     C'est à cet endroit qu'il y a lieu d'intercaler le n°3 du panel de base : Senet près d'Hénaménil qui surveillait la valée du Sânon. La Saulnière, également au dessus du Sânon fait double emploi. Ce sont donc certainement les emplacements de fabrique de sel qui étaient placées là ou il restait encore du bois à couper.

 

 CarteHypothèse d'affectation : Edouard II

 

 

     - t - Haut de Sénac, 57810 Maizières-lès-Vic :

 

     Et nous finissons la série avec la route de Sarrebourg qui remplaçait la fameuse route romaine "via Salinensis". Sarrebourg était revenue sous la dépendance des évêques de Metz depuis la mort de Gertrude de Dabo dernière comtesse de Metz en 1225. Le Haut de Sénac devait être la base avancée du château de Marimont près de Bourdonnay. En 1297, l'évêque de Metz précédent Renaud de bar, Gérard de Relances, obligea le sire de Réchicourt à reprendre le fief de Marimont dans le but de protéger ses résidences de Vic. L'évêque Gérard n'avait eu de cesse d'ailleurs de réunir les salines de la région sous la domination de l'évêché.

 

 CarteHypothèse d'affectation : Edouard II

Comté de Salm

 

     - u - Senones, 88210 Senones :

 

     Quelle histoire curieuse que celle de ce tout petit comté devenu principauté en 1751, propriété de la maison de Salm. Cette histoire débute en effet par la nomination d'Hermann de Salm comme avoué de l'abbaye de Senones vers 1050. Mais le nom de Senones vient de beaucoup plus loin puisque le village où l'abbaye a été fondée en 640 (croit t'on) par Saint Gondelbert et s'appelait déjà "Senonensis monasterii". On a pensé, surement à tort, qu'il était évêque de Sens. C'est ainsi que l'on a attribué la toponymie de Senones au peuple celte qui s'est installé à Sens (voir n°4 et une étude sur le peuple Sénon). La voie romaine dite des Saulniers passe un peu au sud au niveau de Moyenmoutier, ce qui peut faire penser aussi à une étymologie basée sur le sel. On peut évoquer également les "saônes" de saint Gondelbert spécifiques aux "bans" vosgiens.

 

    Il ne manque donc plus qu'une histoire de frontière pour corser l'affaire déjà bien compliquée ! Ces hautes vallées des Vosges sont effectivement une frontière linguistique entre le lorrain romanophone et l'alsacien germanophone. Depuis le Xème siècle, arrivée des Alamans en Alsace, cette frontière passe par la la ligne de crête des Vosges jusqu'au sud de l'Alsace. Cette frontière était même célébrée religieusement à Saales, étape de la Voie des Saulniers tout près de Senones :

 

     Un pèlerinage du clergé des environs (de Saâles) aux Rogations semble prouver une présence très ancienne sur le plateau : les prêtres se rendent le lundi, jour des prières pour les récoltes de l'année, sur l'ancienne route de Saâles à Senones, auprès d'une grosse pierre triangulaire qui symbolise une triple frontière entre au nord-ouest Salm, à l'est vers l'Alsace et au sud la Lorraine.

 

     Cette frontière au sommet des Vosges était celle qui séparait l'Austrasie de l'Alémanie du temps de Thierry Ier en 511. Les Alamans avaient été vaincus par Clovis à Tolbiac en 496 mais étaient restés relativement indépendants. Nouvelle guerre entre Francs et Alamans entre 709 et 712. Carloman maire du palais d'Austrasie, frère de Pépin le Bref alors maire de Neustrie, et peut être avec son aide, extermine la noblesse alémanique suite au jugement de Cannstatt en 746 et intègre définitivement le territoire à l'Austrasie. En 745 Pépin le Bref envahit l'Alémanie avant de remplacer Carloman entré en religion en l'abbaye du Mont-Cassin fondée par saint Benoît en 529.

 

      Au passage, les seigneuries de Salm et celle de Bar sont très proches généalogiquement parlant

 

     Un peu au sud-ouest de Senones se trouve l'abbaye de Moyenmoutier sur la voie des Saulniers. cette abbaye a été fondée par saint Hydulphe que l'on pense, sur la base d'une note administrative de 757, être un bénédictin envoyé par Pépin le Bref alors roi des Francs pour contrôler les bans mérovingiens des hautes vallées vosgiennes dont bien sûr Senones.

 

     Il y a donc bien frontière et la Neustrie représentée par Pépin n'est pas totalement étrangère à l'affaire mais on ne peut rien dire de plus.

 

 Hypothèse d'affectation : Clovis

 

Evêché de Toul

 

 

     - v - Le Saunier, 88240 Trémonzey :

 

Château de Fontenoy
Château de Fontenoy

 

     Manifestement, Le Saunier au sommet de la colline qui domine Fontenoy-le-Château, était un guet indispensable pour le château des évêques de Toul situé en contrebas pour bloquer la route commerciale empruntant la valée du Côney. Fontenoy, pendant tout l'ancien régime, fut ce qu'on a appelé une "terre de surséance", c'est à dire disputée entre la Bourgogne et la Lorraine, c'est dire toute l'importance de ce château bâti sur la frontière. Avec le carbonne 14, le donjon a été daté aux environs de 980 donc sous la domination directe de l'évêque de Toul. Concernant les évêques, nous avons, à cette époque, deux personnages proches de la Francie : Drogon de Toul (905-921) et Saint Gauzelin de Toul (922-962). Drogon était cousin issu de germain de Charles le Simple et réussit à faire accepter ce dernier comme roi de Lotharingie de 911 à 923. Son successeur Gauzelin fut notaire de la chancellerie royale de Charles le Simple, c'est dire de sa connaissance des problèmes posés par les invasions Vikings dans l'ouest. Sur le plan impérial nous sommes alors sous le règne des empereurs saxons, Henri l'Oiseleur (919-936) dont la mère Edwige de Babenberg était fille d'un marquis de Neustrie. Henri était également le beau frère d'Hugues le Grand. Henri fut suivi par Otton Ier (936-973) le premier empereur en titre. Saint Gérard de Toul qui suivit Saint Gauzelin eut également une politique très proche des empereurs saxons, Rien d'étonnant donc pour que l'on retrouve pour ce château les habitudes défensives que nous connaissons.

 

 Hypothèse d'affectation : Hugues le GrandMeerssen

 

 

Comté de Vaudémont

 

Les comtés lorrains en 1250
Les comtés lorrains en 1250

     Pour nos quatre derniers sites nous abordons à nouveau une énigme posée par la Lorraine médiévale et symbolisée par la Colline Inspirée de Maurice Barrès. Ce point culminant des côtes de Moselle fut au moyen-age le siège d'un comté puissant, le Comté de Vaudémont (ci-contre) au cœur des possessions du duc de Lorraine à qui il devait hommage. En 1202 Simon II de Lorraine cède la souveraineté du comté à Thiébaut Ier de Bar. Hugues III de Vaudémont épouse Marguerite de Bar fille de Thiébaut avant 1231 ce qui resserre les liens entre les deux comtés. Leur fils Henri Ier de Vaudémont révèle sa bravoure en battant le duc de Lorraine Ferry III à Vaxoncourt. C'est à cette occasion qu'il fait connaissance avec Charles d'Anjou et l'accompagna avec son fils Renaud à la conquête de la Sicile. Or, en se reportant aux n°4 et 5 de Provence, on voit que les habitudes angevines ne sont pas encore totalement perdues auprès des successeurs apanagistes des Plantagenêts. Mais il est plus logique d'affecter nos sites  à Henri II de Vaudémont (1255-1299) contemporain et vassal d'Henri III de bar (1259-1302) à qui nous avons affecté les sites du comté de Bar n°7 à o ci-dessus.

 

Château de Vaudémont
Château de Vaudémont

      Le comté de Vaudémont a pour capitale Vaudémont au centre du Saintois situé à l'extrémité opposée au sanctuaire sur la colline de Sion. Il reste le donjon ou tour de Brunehaut du château des comtes du X ou XIème siècle (ci-contre), le reste de la forteresse ayant été rasé par Richelieu lors de la Guerre de Trente Ans. La colline est sur la commune de Saxon-Sion dont l'étymologie ne peut nous laisser indifférents ! Il ne semble pas sérieux d'invoquer une origine mérovingienne pour un nom aussi précis (les Saxons s'appelaient alors Saisnes) par contre, il n'est pas impossible que le nom du village se soit transformé si celui-ci a hébergé quelques troupes anglo-saxonnes près du château comtal au XIIIème ou début du XIVème siècle comme les sites déjà étudiés.

 

 

 

 

     - w - Soncourt, 54170 Crépey :

 

     Au nord-ouest de Sion près de Selaincourt, le site est une combe regardant vers la Moselle. De l'autre coté de la crête et des bois d'Allain et de Colombey on trouve les sites de la voie romaine Lyon - Trèves n°5 et 6.

 

 CarteHypothèse d'affectation : Henri III.

 

 

     - x - La Haie des Saulniers, 54740 Vaudeville :

Château de Bainville-aux-Miroirs
Château de Bainville-aux-Miroirs

       Au nord est de Sion, le site serait bien placé s'il était au sommet de la colline pour surveiller la Moselle et notamment le vieux château des comtes de Vaudémont à Bainville-aux-Miroirs (ci-contre). Saluons au passage une grande famille de Mayenne venue s'implanter tout près au château de Harouè, dont sont issues deux branches :

CarteHypothèse d'affectation : Henri III.


 

 

   - y - Soncourt, 88170 Soncourt :

 

     A l'est de Sion le site est orienté vers Mirecourt au sud-est, c'est une combe en bord de plateau, il contrôle la route Sion-Toul qui passait par la valée de l'Aroffe. Le site de guet devait se trouver en haut de la colline de Moussemont à 416m. On trouve un oppidum à Gemonville et un palais de Dagobert Ier à Vicherey.

 

CarteHypothèse d'affectation : Henri IIIMeerssen.

 

 

   - z - Le Saunier, 88270 Saint-Vallier :

 

     Châtel-sur-Moselle est l'un des plus grand château fort d'Europe avec 5 hectares et 22 tours. C'est le second pôle du comté de Vaudémont, après Sion, construit entre 1072 et 1100. Le site du Saunier pouvait surveiller à l'amont le cours de la Moselle jusqu'à la place forte des évêques de Metz à Epinal. si le Saunier n'est pas contemporain de l'édification du château, il peut l'être de son premier agrandissement entre 1220 et 1250 par Hugues II de Vaudémont (1188-1242) suite à un prêt du frère de sa belle-fille et son seigneur Henri II de Bar (1214-1239) donc surement un peu antérieurement aux autres sites du Bar-Vaudémont.

 

CarteHypothèse d'affectation : Henri III.