M - 1253

 

 

          Ces manuscrits sont deux bulles papales du 18 février et 8 avril 1253 d’Innocent IV classée à la bibliothèque du Vatican sous les références: X: Reg. Vat., 22, f. 244v, n. 493.

 

          Dans ces documents, un certain Hugo de Nissun se déclare être consanguin avec Guillaume de Sonnac. Malheureusement la dénomination utilisée pour désigner Guillaume de  Sonnac sur ces  documents est  simplement « G. ».

 

          Cette bulle est citée dans : 1884 : Berger – 1893 : Röhricht – 1973 : Fedalto – 1974 : Bulst - 1978 : Eubel – 1982 : Kamp – 1997 : Eberhard.

 

 

Elie Berger - "Registres d'Innocent IV" - 1884 - Tome III pages 181 et 211 n° 6350 et 6490

 

A Pérouse le 18 février 1253

Hugo de Nissun, consanguineus magistri militiae Templi, ecclesiae Sebastiensi praeficiatur in episcopum. (REG., an. X. n° 493, fol. 244 verso.)


.. Patriarche Jerosoilimitano et .. episcopo Lindensi. Ex parte directi filii fratris Hugonis de Nissun clerici, consanguinei quondam G., magistri militiae Templi, fuit propositum coram nobis quod, cum nos olim tibi, frater patriarcha, nostris sub certa forma dederimus litteris in mandatis ut episcopatum Sebastiensem, Cesariensis provincie, qui a Sarracenis possessus per XX annos et amplius dicebatur longo tempore vacavisse, dicto fratri conferres, contradictores, ...

Hugue de Nissun, consanguin avec le maître de la milice du Temple, est nommé évêque de l'église de Sébaste. (Registre de la dixième année de pontificat.)

 

Au patriarche de Jérusalem et à l'évêque de  Lincoln. Il m'a été proposé la candidature du frère Hugues de Nissun, clerc, consanguin avec G., maître de la milice du Temple, et, de la même façon qu'autrefois je l'ai fait pour toi, frère patriarche, je lui ai confié le mandat d'évêque de Sébaste, dans la province de Césarée, gérée pendant plus de 20 ans par les Sarrasins donc vacante depuis longtemps.



A Pérouse le 8 avril 1253


Innocentius, quum olim patriarchae Hierosolymitano mandaverit ut fratri Hugoni de Nissun episcopatum Sebastiensem conferret, nunc iterum eidem patriarchae et episcopo Liddensi praecipit ut ad eamdem provisionem procédant. (REG, an. X, n° 632, fol. 262 verso.)

Innocent, qui auparavant avait demandé au patriarche de Jérusalem de nommer Hugues de Nissun évêque de Sébaste, demande maintenant à ce même patriarche et à l'évêque de Lincoln de procéder à sa nomination.


Suit le même texte que précédemment


 

Même si, à l'époque le terme de consanguin pouvait désigner des cousins "à la mode de Bretagne", surtout lorsqu'on le faisait à titre de référence, ce document reste important pour avoir une idée de la provenance de notre grand maître.

 

D’après les textes, Hugo de Nissun avait été templier et fut pressenti comme évêque en 1253. Il vivait encore en 1271

 

On peut penser que Hugo de Nissun est originaire de Nissan lez Enserune dans l'Hérault. C'est certainement la raison pour laquelle Mansuet donne une origine languedocienne à Guillaume de Sonnac car ce village est assez proche de Sonnac sur l'Hers. On ne peut se contenter de cette hypothèse compte tenu de la différence d'orthographe portant sur des phonèmes déterminants. Il nous faut approfondir les recherches pour nous mettre sur la voie d’autres pistes concernant l’origine de Guillaume de Sonnac.

 

En effet il existe bien une famille « de Nissun » avec l’orthographe exacte, citée dans le cartulaire de l’abbaye de l’Absie canton de Moncoutant arrondissement de Parthenay dans les Deux-Sévres. La revue des archives du Poitou de 1895 Tome XXV est consacrée à ce cartulaire malheureusement brûlé le 20 décembre 1805 mais qui avait été partiellement recopié au XVII ème siècle par Gaignères, Besly, Du Chesnes et Baluze.

 

Un certain Goffredus de Nissun (ou Nissum) y est en effet témoin de Airaudus de Niolio (Neuil sur l’Autise 12 km N-O de Fontenay le Comte) à la page 67 puis de « Thebaudus Chabot, castri sancti Hermeti dominus » (château de l’Hermenault 12 km N-O de Fontenay le Comte) à la page 109 ainsi que de Ugo d’Auzai (Auzay 8 km S-O de Fontenay le Comte) pages 116 et 117 ce dernier document étant daté de 1158. Certaines de ces donations étaient signées à la commanderie de Ste Gemme, précisément celle ou s'est rendu Guillaume de Sonnac en 1224. Il est donc possible qu'Hugo de Nissun templier l'ait été à la commanderie de Sainte Gemme.

 

Un document nous  éclaire également, c'est celui des pages 121 et 122 du tome XXV de l’ouvrage cité ci dessus. Gislebertus de Volurio donne à Goffridus de Nissun et à son fils Pierre une maison dite « des Noyers ». Cette donation est faite en présence de Robert II de Moncontour qui vivait en 1160.

 

De Volurio se traduit par Velluire en Vendée à 12 km au Sud-Ouest de Fontenay le Comte en bordure du marais poitevin. La distinction entre Vendée et Deux Sèvres n’existait pas à l’époque, il s’agissait du Bas Poitou. De même Nissun se traduit par Nizeau également en Vendée et à 1,7 km au Sud-Est de Velluire.

 

Nizeau est actuellement un hameau dépendant de Velluire et semble n’avoir jamais été très important quoique situé sur une voie romaine (Sté archéologique et historique de la Charente s7 v1 1901 page XLIII ) et siège d’une seigneurie ayant appartenu aux Fleury (XVII et XVIII ème siècle pages 448 et suivantes du dictionnaire des familles du Poitou de Beauchet Filleau édition 1905).


 

Sur cette région, nous retrouvons décidément beaucoup de lieux connus, nous sommes sur les terres de Geoffroy la Grant Dent, seigneur de Vouvant et de Mervent mais aussi vicomte de Châtellerault, c'est ce dernier qui a eu des démélés avec la puissante abbaye de Maillezais. Neuil sur l'Autize tout proche est également le lieu de sépulture d'Aénor de Châtellerault, la mère d'Aliénor d'Aquitaine !

 

 Si la famille de Nissun reste très modeste, il en est tout autrement pour la famille de Velluire (ou Voluire) qui a joué un rôle très important dans l’assèchement des marais du bas Poitou au sud de Fontenay le Comte. Les marais ont commencés à être asséchés par les moines dont ceux de l’Absie et par les Templiers dont ceux des commanderies de Puyravault et de Bernay. Ce combat contre l’eau est remarquablement décrit dans l’ouvrage d’Étienne Clouzot intitulé « les marais de la Sèvre Niortaise et du Lay du Xe à la fin du XVIe siècle ». Dans ce livre sont repris plusieurs manuscrits concernant la famille de Velluire dont :

 

  • Page 183 en 1199 Pierre I de Velluire seigneur de Chaillé fait don de marais à N.D. de Moreilles.
  • Page 185 en 1200 Pierre de Velluire fait don de marais à l’Absie.
  • Page 186 en 1207 Pierre de Velluire donne aux abbayes de Maillezais et de Neuil.
  • Page 187 en 1210 Pierre de Velluire et l’abbaye de Moreilles passent un accord.
  • Page 189 en 1211 concession de Pierre de Velluire à ses hommes de Chaillé.
  • Page 193 en 1217 Pierre de Velluire permet à diverses abbayes de creuser un canal. Un des témoins de cette charte est d’ailleurs un Nissun dont le prénom n’est pas lisible et dont la profession est soldat.
  • Page 199 en 1267 sentence de Thibaut de Neuvy contre Maurice de Velluire petit fils du précédent.
  • Page 200 en 1274 Pierre III de Velluire, cousin de Maurice, emprunte un canal de l’abbaye de Moreilles.
  • Page 201 en 1442 jugement contre les commanderies de Champgillon et Puyravault.

 

La famille de Velluire est bien sûr abondamment citée dans le dictionnaire des familles du Poitou de Beauchet Filleau. Pierre de Velluire eut deux fils Hervé chevalier et Pierre valet (Revue des provinces de l’Ouest 1854). Un Hervé et un Pierre de Volurio ont été soldats de Henri III d’Angleterre en 1230 (Patent Rolls of the Reign of Henry III preserved in the Public Record Office of Great Britain 1908 Tome II pages 381 409 et suivantes). On trouve également un Girardo de Volurio dans les mémoires des antiquaires de l’ouest Tome 36 de 1872 p 252-283-391.

 

Même si l’on ne peut établir de liens familiaux formels entre les Nissun et les Velluire, il est certain que les deux familles étaient très proches, Goffridus de Nissun et Pierre I de Velluire ayant pu être frères puisqu’à l’époque le puiné pouvait prendre le nom de la terre dont il héritait.

 

Il est possible de retracer la carrière d'Hugo de Nissun à partir des registres du Vatican sous Innocent IV, Alexandre IV et Urbain IV : voir Berger Innocent IV n° 6350, 6490, de la Roncière Alexandre IV1151, 1152, 1153, Guiraud Urbain IV n° 260, à 269. La carrière d'Hugues de Nysum est citée sous cette orthographe dans "l'ordre du Temple en Terre Sainte et à Chypre au XIIIème siècle" de Pierre Vincent Claverie Tome III  pages 310, 311 et 314. Par erreur il y est aussi appelé Hugues de Sonnac ! En tant que prieur du Saint Sépulchre on peut aussi consulter "Mélanges de l'école française de Rome" Bocard 1973 vol. 85 ou "Les ordres religieux au moyen-âge en Limousin" Allard 2003. Selon ces éléments, Hugues de Nissun aurait donc été Templier à Sainte Gemme puis en Terre Sainte en tant qu'évêque de Sébaste en 1253, chanoine augustinien du Saint Sépulcre dont il devint prieur en 1263 et enfin cardinal à Rome en 1268. Il meurt après 1271. 


Nous avons donc par ces documents la preuve de l’existence d’une famille de Nissun avec un dénommé Goffridus en 1158 et d’un soldat en 1217 sur cette terre de Vendée. Que Hugo de Nissun évêque de Sébaste et consanguin avec Guillaume de Sonnac ait vu le jour dans cette même famille ne peut être établi avec certitude mais je n’ai trouvé aucune autre piste possible à partir du mot Nissun. Si tel est le cas, il est possible que Hugo de Nissun ait eu besoin de mettre en avant sa parenté avec Guillaume de Sonnac pour compenser la modicité de son fief et le manque de notoriété de sa famille d’origine. Par contre la branche vendéenne rattachée à Guillaume de Sonnac peut l'être éventuellement du coté de sa mère. En tout cas ceci renforce les attaches poitevines de notre grand maître.