Histoire des dynasties qui ont régné en Egypte



  

Date approximative : 1623

Précision sur le titre : Lethaifahbar el ewel fi men tessaréfé fi masr men erbabil duvel

Auteur :  Ishaki

Edition utilisée : « Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France » Tome III Petitot 1824 Page 50 et suivantes.



 

     Je n’ai pas trouvé grand-chose sur ce manuscrit qui figure cependant dans le « Catalogue général des manuscrits français » de Charles M. de la Roncière 1898 page 514. Le texte d’Ishaki a été écrit en 1033 de l’hégire soit 1623.

 

     Ce texte n’apporte pas beaucoup plus que les précédents. Son intérêt réside dans le résumé des opérations coté arabe.

 

 

Le sultan Essalih-Nedjm-Eddin, fils de Melik-Kamil, succéda à son frère Adil-Aboubekr, qui fut détrôné l’an de l’hégire 637 [1239], et fut l’avant dernier roi de la dynastie des Eioubites.

 

Ce fut sous le règne de ce prince que le roi de France se présenta devant Damiette. Jamais conquête ne coûta moins de peine ; la garnison et les habitants, saisis de frayeur, avaient abandonné la ville et laissé les portes ouvertes. Les Français, étonnés de ne voir paraître personne, n’osent d’abord approcher, et craignent quelques surprise ; mais bientôt instruit de la désertion des habitants, ils entrent dans la ville. La perte de cette place fut attribuée à la maladie du Sultan, mais la lâcheté de la garnison en fut la seule cause. Elle ne resta pas impunie ; et Nedjm-Eddin, indigné, fit étrangler cinquante des principaux officiers. Après cet exemple il se rendit à Mansoura, malgré le triste état où sa santé était réduite, et tâcha de fortifier cette place le mieux qu’il lui fut possible. Cependant la maladie de ce prince empira, et il mourut le 14 de la lune de Ramadan l’année 647 de l’hégire [1249]. L’arrivée des Français en Egypte, et la crainte qu’ils ne profitassent de la mort du Sultan pour pousser leurs conquêtes, furent cause qu’elle fut tenue secrète. La sultane Chegeret-Eddur son épouse n’en fit part qu’à l’émir Fakreddin et à l’eunuque Djemal-Eddin-Muhsun ; l’on expédia un courrier à Touran-Chah pour lui apprendre la mort de son père, et l’engager à se rendre promptement au Caire. Cependant les ordres continuaient à s’expédier dans toute l’Egypte au nom du sultan Nedjm-Eddin, comme s’il eût été encore vivant.

 

Malgré toutes ces précautions, les français furent instruits de la mort du Sultan ; ils sortirent de Damiette et vinrent camper à Fariskour. La mort du Sultan n’étant plus un mystère pour ceux à qui l’on avait tant d’intérêt de la cacher, on en fit part aux habitants du Caire, et on leur marqua en même temps que l’ennemi approchait. La lettre fut lue dans la chaire de la grande mosquée ; la consternation fut générale : l’on entendait dans l’assemblée que soupirs et sanglots, et il semblait que l’ennemi fût aux portes de la ville. Personne ne doutait que l’Egypte, privée de son roi, ne devînt la conquête des Chrétiens : On leva des troupes dans le Caire, on en fit venir de toutes les places de l’Egypte, et on les rassembla hors de la ville de Fariskour, les Français vinrent camper à Charmesah, de là à Barmoum ; ils mirent ensuite le siège devant la ville de Mansoura. Les béliers et les autres machines de guerre furent dressés contre la place. A la pointe du jour, les assiégeants y entrèrent par surprise. L’émir Fakreddin était alors au bain ; il sort aussitôt, monte à cheval, et se met à la tête des troupes pour repousser l’ennemi. Le combat fut long et opiniâtre ; les Français étaient déjà maîtres d’une partie de la ville ; leur Roi avait pénétré jusqu’au palais du Sultan ; et, sans les esclaves baharites, il s’en serait rendu maître. Ces courageux Mamelucs, qui avaient déjà donné des preuves de leur valeur sous Nedjm-Eddin, chargèrent les Français avec tant d’impétuosité qu’ils rompirent leurs rangs et les mirent en fuite ; quinze cents cavaliers des ennemis périrent dans cette occasion. Il n’en serait pas échappé un seul ; mais comme on se batait dans les rues étroites et tortueuses, cette circonstance favorisa leur retraite.