Les étoiles florissantes sur les rois d’Egypte et du Caire



  

Date approximative : 1469

Précision sur le titre : Ennud’jioum ussahirak fi Mulouk masr vé Kahirah

Auteur : Aboulmoasen-iousef Gémal–Eddin

Edition utilisée : « Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France » Tome III 1824 page 38 et suivantes.



  

     Aboulmahassen (Gémal-Eddin Youssouf Ibn-Tagribardi) 1411-1469 était écrivain. Malgré la ressemblance du nom, il ne faut pas le confondre avec Mohammed Ibn-salem Gémal Eddin historien déjà décrit. Il est né à Alep, son père était émir. Il s’établit au Caire où il devint également émir intendant de Damas et Alep. Il a composé une histoire d’Egypte citée ci-dessous. C’est une compilation dont les sources ne nous sont pas toutes connues mais citées nulle part ailleurs. Le manuscrit était classé dans les manuscrits orientaux de la bibliothèque du roi, ancien fond arabe n° 662 et suivants.

 

 


L’année de l’hégire 646 [an de J.C. 1248], Salih-Nedjm-Eddin, prince de la race des Eioubites, régnait en Egypte. Il était en guerre avec le sultan d’Alep au sujet de Hums, et il assiégeait en personne cette ville. Treize béliers, dont il y en avait un d’une grandeur démesurée, battaient la place jour et nuit ; et il espérait s’en rendre bientôt le maître, malgré les rigueurs de la saison : car c’était l’hiver qu’il faisait ce siège. Hums était vivement pressé ; mais le sultan d’Egypte apprend que les Francs menacent ses Etats. Cette nouvelle, jointe au dérangement de sa santé, lui fait prêter l’oreille à des propositions de paix ; il la conclut, part en litière pour l’Egypte, et arrive à Achmoum-Tanah au commencement de l’année de l’hégire 647 [1249]. Le bruit qui avait couru de l’expédition des Francs lui est confirmée ; il sait que la flotte française a hiverné dans l’ile de Chypre, et qu’elle porte un nombre infini de soldats commandés par le roi de France, un des plus puissants monarques de la chrétienté, et le prince le plus courageux de son temps.

 

Nedjm-Eddin ne douta point que le premier effort des Chrétiens ne fût contre Damiette ; il pourvut cette ville de munitions de guerre et de bouche, et y mit une garnison nombreuse. Fakreddin, général de ses armées, couvrait la ville avec un corps de troupes. La flotte française parut enfin dans le mois de Sefer, et mouilla vis-à-vis le camp de Farkreddin ; le lendemain les Français débarquèrent sur le même terrain où était campé le général égyptien. Les Chrétiens descendus à terre marchèrent contre lui. Les émirs Nedjm-Eddin et Veziri ayant été tués dans ce premier choc, Fakreddin se retira en désordre, passa le Nil sur un pont, et se retira jusqu’à Achmoum-Tanah.

 

La garnison et les habitants de Damiette, témoins de la fuite de l’armée musulmane, eurent peur à leur tour ; ils abandonnèrent la ville pendant la nuit. Le lendemain matin les Français s’en emparèrent sans coup férir, et y trouvèrent un amas prodigieux d’armes, de machines de guerre et de provisions de bouche. La lâche retraite de Fakreddin fut la cause de la perte de cette place, qui aurait pu résister longtemps ; elle avait soutenu, trente-deux années auparavant, un siège de plus de douze mois, quoiqu’elle ne fût ni si bien fortifiée ni si bien munie.

 

Le sultan, au désespoir de cette perte, fit pendre toute la garnison, et se retira à Mansoura. Il fit publier dans toute l’Egypte que ceux qui étaient en état de porter les armes se rendissent à son camp : il se vit par ce moyen à la tête d’une armée nombreuse, composée d’Egyptiens et d’Arabes.

 

Plusieurs mois se passèrent à s’observer mutuellement et à tâcher de se surprendre ; il y avait tous les jours des escarmouches entre les différents corps des deux armées. Cependant la maladie du Sultan empirait, et les médecins désespéraient de sa guérison : il expira dans le mois de Chaban, l’année 647 [1249], après avoir régné neuf ans sept mois et vingt jours ; prince qui par ses grandes qualités eût effacé tous ses prédecesseurs, si elles n’avaient été ternies par ses cruautés et par un orgueil insupportable. Aussi, malgré la crise violente où était l’Egypte, Nedjm-eddin fut peu regretté de ses peuples ; ses ministres, ses courtisans et ses domestiques se réjouirent de la mort d’un prince devant lequel ils tremblaient continuellement pour leur vie.

 

La sultane Chegeret-Eddur gouverna l’Etat jusqu’à l’arrivée de Touran-Chah, fils de Nedjm-Eddin, qui prit possession du trône au commencement de l’année de l’Hégire 648 [1250]. Les premiers moments du règne de ce prince furent d’un heureux présage pour les Musulmans : le jour qu’il prit le commandement de l’armée, ses troupes remportèrent quelque avantage sur les ennemis.

 

Les Français étaient campés depuis quelques mois proche de Mansoura ; les Egyptiens les harcelaient continuellement…