La commanderie d'Auzon aux XVIIe et XVIIIe siècles
La Commanderie d'Auzon était possession du Temple, et c'est à ce seul titre, semble-t-il, que quelques historiens se sont penchés sur elle
(1), à peu près en vain, les archives ayant été détruites au cours des
guerres de religion (2)... et pourtant, comme toutes les commanderies du Temple, elle a
été dévolue après la catastrophe aux
hospitaliers de Saint-Jean, auxquels elle a appartenu pendant un demi millénaire, contre deux siècles à peine au Temple.
1. A. de La Bouralière, Deux souvenirs des Templiers, dans Bulletin Société des Antiquaires de l'Ouest, 2e série, tome IX, 1901-1903, page 47 ; H.
de La Rochebrochard, Commanderies du Temple d'Aquitaine, dans Revue poitevine et saintongeaise, tome VI, 1889, pages 420-422.
2. A. Barbier, René
Descartes, sa famille, son lieu de naissance. Documents et commentaires nouveaux, Bulletin Société des Antiquaire de l'Ouest, 2e série, tome VIII, 1898-1900, page 619 (cet article mentionne des
extraits du registre 543 des archives départementales de la Vienne, qui constitue un terrier de la commanderie).
La période hospitalière est beaucoup plus riche en sources que la période templière, et présente un intérêt au moins égal à celui qui s'attache à des hommes dont l'aura
romantique provient de leur tragique destin.
Les Templiers furent des gens admirables, mais ils ont été victimes de leur propre impéritie : lors de la perte de la Terre Sainte, fin XIIIème siècle, ils n'ont su que
se replier sur leurs possessions européennes, et n'ont pas été capables d'opérer leur reconversion, à l'instar des Hospitaliers qui, au contraire, abandonnant une bonne part de leur
vocation hospitalière, ont accru leur rôle militaire et ont défendu la Méditerranée jusqu'au XVIIIème siècle, en s'appuyant sur leurs domaines.
Qu'étaient donc ceux-ci ?
Dès la création de ces Ordres, ils bénéficièrent de nombreux legs, tout d'abord affermés mais bien vite il fut jugé plus efficace et rémunérateur d'y installer des
gestionnaires qui s'intégrèrent dans l'Ordre féodal, et construisirent châteaux et maisons fortes, tandis que se constitue une hiérarchie.
L'Ordre de Saint-Jean était divisé en langues (pour la France actuelle : Provence dans le Midi, France pour le restant divisé en grands prieurés : France proprement
dite - Champagne - Aquitaine).
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le
Grand Prieuré d'Aquitaine est divisé en environ 65 commanderies et dirigé par un Grand Prieur et une Chambre priorale sise à
l'
Hôtel Saint-Georges à Poitiers, relevant elle-même d'un représentant habitant
Malte auprès du Grand Maître et en correspondance avec lui.
Une commanderie est affectée à un chevalier qui a fait ses preuves en mer, au cours de croisières nommées caravanes. C'est pour lui une ressource qui lui est
consacrée à partir d'un certain grade, car il est parfois obligé de contribuer aux frais des expéditions et d'armer, par exemple, une
galère. C'est aussi pour lui une retraite s'il est blessé, malade ou âgé. Mais attention, il ne s'agit pas bien sûr
d'une propriété, ni d'un
fief courant, tout au plus d'un bénéfice. Il est gestionnaire
révocable et doit des comptes. Les revenus lui sont réservés, mais il doit verser à l'Ordre, à Malte, une part variable de ses revenus (1/5 à 1/3) appelée
responsion et, bien entendu, les impôts dus au Roi.
Des visites sont faites sur l'initiative de Poitiers et d'autres sur la demande même du
Commandeur pour constater les « améliorissements » faits par lui pour, selon l'expression en usage « s'en aider et prévaloir en ses
futures promotions. »
Ces enquêtes, très poussées, sont minutieusement réglementées et une commission est délivrée à cet effet par l'assemblée provinciale siégeant à l'Hôtel
Saint-Georges à quelques frères qui doivent vérifier de nombreux points : améliorations - détériorations - célébration du service divin - bénéfices collationnés - profession, vie, port de l'habit
pour les Commandeurs - ventes engagements baux non réguliers - reconnaissance des droits seigneuriaux et revenus avec confection d'un
cartulaire ou papier terrier - quels sont les procès en cours - inventaire des meubles d'état et s'enquérir enfin, secrètement, par
personnes dignes de foi et voisins des lieux, de tous ces renseignements.
Trois de ces visites ont été retenues ici pour la Commanderie d'Auzon, à laquelle il faut ajouter celle de
Praille qui lui est jumelée. Une visite de 1671 est tirée des archives de
La Valette (Malte), son compte rendu provient d'un registre où se trouvent
consignées d'autres visites concernant le grand prieuré d'Aquitaine
(3). Elle ne semble pas provoquée par son Commandeur
d'Allogny de Boismorand d'autant que l'état des immeubles n'est pas toujours satisfaisant et le Visiteur lui enjoint de faire les réparations avec délai fixé. Au contraire, les
deux autres visites, dont les Procès Verbaux sont aux
Archives
Départementales de la Vienne, sont destinées à constater les « améliorissements » effectués par le Bailli de
Salo de Semaigne en
1714 et par le Commandeur
Anne Charles de Tudert en 1739. A ces époques, la visite constate
le bon état des bâtiments
(4).
3. Bibliothèque de La Valette, registre nº 5571, fº 1064.
4. Archives départementales Vienne, 3 H 1, nº 794.
Il n'est pas question ici de les analyser séparément, car les principaux éléments se recoupent ; il sera donc procédé à un amalgame, sauf à extraire les fortes
dissemblances et à sérier les chapitres.
Les bâtiments.
Aucun plan complet n'existe de ce qui fut la Commanderie d'Auzon et, seuls, subsistent dans leur intégralité, de nos jours, la belle chapelle du XIIème siècle et le
pigeonnier, mais le
cadastre de 1835 (F 5) et une description datant de la fin du XIXème siècle
(5) nous donnent une idée de son plan qui sera complété, tant pour
l'extérieur que pour l'intérieur, par les procès-verbaux de ces visites.
5. H. de La Rochebrochard, opuscule cité, n. 1.
Sur la chapelle était construite au nord une petite cour dite « du donjon » à l'intérieur de ce qui était de toute évidence la maison forte des templiers,
avec des contreforts extérieurs dont ceux qui subsistaient, il y a un siècle, encadraient des fenêtres cintrées et ébrasées de caractère roman.
Dans l'angle nord-est de la cour : une
fuye et, au centre,
un puits couvert de tuiles plates soutenues par quatre poteaux de bois.
Sur la façade sud de la chapelle était construite une grande cour qualifiée de basse-cour car il s'agissait des communs : demeure du métayer et bâtiments d'exploitation (
grange des dîmes - fenils - écurie pour six chevaux - greniers - étables).
Le visiteur entrait par un grand portail dans la basse-cour puis, par une galerie, atteignait la chapelle. Après avoir prié Dieu et le bon patron
saint Jean-Baptiste, il interrogeait le
chapelain qui présentait les ornements et instruments du culte :
chasuble de soie, parements d'autel, en général aux armes du Commandeur. Les
calices et
burettes sont en étain. Il y a deux cloches bien sonnantes. En 1739, c'étaient les
capucins de Châtellerault qui la desservaient
et la voûte du chœur était peinte à l'antique, tandis qu'un tableau représentait un crucifix, la Vierge, saint Jean-Baptiste et saint Jean l'évangéliste. Elle était bien pavée de carreaux,
briques et pierres.
Par une porte à deux battants, on pénétrait dans une galerie qui faisait le tour de la cour du donjon « en forme de cloître », bien carrelée et
soutenue par des piliers de pierre de taille « en forme de portique » avec des barreaux de bois. Il semble qu'il y eût une galerie basse et une à l'étage. En 1739, un
sainfoin tapissait la cour.
Du milieu de la galerie, on accédait à une grande salle basse à cheminée, éclairée par deux
croisées du côté de la cour et deux petites fenêtres du côté jardin. Au bout de la galerie, une grande et belle cuisine bien carrelée avec
une roue à tourner la broche, une buanderie, un petit four, le tout meubles d'Etat (appartenant à l'Ordre)
A l'étage supérieur se trouvent les pièces principales. La salle d'assemblée semble se trouver au-dessus de la grande salle basse, avec éclairage sur cour et
jardin, et une grande cheminée à l'antique, en pierre de taille, avec au-dessus les armes de
la Religion, la grande croisée de la galerie est à petits carreaux de plomb. A côté, une grande chambre avec une cheminée semblable et une
tapisserie de
Belgaum, en outre, un coffre à farine de 8 pieds et un autre dans la dépense qui sont
meubles d'Etat.
On accède enfin à la chambre du Commandeur, avec deux croisées, dont l'une sur une façade à pignon, donnant sur
l'Auzon.
En montant un petit degré, on arrive dans une petite galerie donnant accès à trois chambres, dont deux à cheminées, constituant l'appartement des étrangers. Les
archives sont au coin de la grande salle, dans un endroit voûté en figure de Chapelle appelé le Trésor. Il y a une armoire dans la muraille, où sont les titres de la Commanderie, et deux armoires
de bois, un cabinet avec huit gros livres et six petits, une écritoire, six cartes de divers pays. La fuye est inspectée, en 1739, elle a de bons murs, une charpente à neuf et paraît bien garnie
de pigeons. Non loin, une écurie pour douze chevaux, un local pour les harnais et le
palefrenier, un coffre à avoine pour les chevaux. Près de la fuye des petites étables à volailles. Un
cellier avec trente à quarante
pièces de vin (1714).
Entre les bâtiments et la Vienne s'étendent des jardins en terrasse avec des murailles qui atteignent, du côté de la rivière, onze à douze pieds de haut. En 1671,
on note au coin, un petit cabinet carré peint par le dedans. Il y a un verger bien cultivé, des arbres fruitiers, une allée de pommiers. Enfin, un grand parc bien cultivé de froment.
Les revenus.
Les visiteurs enquêtent, bien sûr, sur les ressources de la Commanderie et de ses membres, c'est-à-dire, de ses dépendances.
En 1671, c'est le Commandeur
de Boismorand, avec le
fermier général A. Lasseron, qui les reçoivent. En 1739, c'est le fermier général, le sieur de Boisgaultier. Un
papier terrier a été dressé en 1692 par le commandeur
de Montsoreau et présenté au
chapitre général à l'
Hôtel Saint-Georges.
Le trésor contient aussi un autre terrier de 1717, dressé par le Commandeur de
Salo de Semagne. Ce sont plusieurs
registres (aux
Archives Départementales) qui répertorient les
rentes,
dîmes,
censives dues à la Commanderie. Elles peuvent être
résumées ainsi en ce qui concerne la terre d'Auzon proprement dite.
La grande dîme d'Auzon comprenant des dîmes dans les paroisses de
Pouthumé, Availles, Saint-Jacques et
Saint-Jean-Baptiste à Châtellerault,
Leigné-les-Bois, Dangé, Naintré. Des rentes sur Pouthumé, Availles,
Targé, Senillé, Saint-Sauveur, Saint-Hilaire-de-Mont, les
faubourgs Sainte-Catherine et
Châteauneuf de Châtellerault,
Antoigné, Thuré, Saint-Genest d'Ambière, Sossay, Cenon, Saint-Cyr, Leigné-sur-Usseau, Leigné-les-Bois et
Asnières. Au total 400
boisseaux de froment, mesure de Châtellerault, en plus des censives et des dîmes et quartiers de vin se montant à trois pipes (environ
1200 litres).
Les membres vont maintenant être visités par les enquêteurs, qui se déplacent à pied, à cheval ou en carrosse, suivant les circonstances et couchent dans des châteaux ou
des auberges.
A une « portée de
mousquet » de notre
Commanderie se trouve la métairie de la
Grange au Moulin (du Chillou) à 200 pas, qui possède 400
boisselées de terre labourable. En 1671, le métayer est fermier du moulin à
deux roues pour 16 setiers de froment ( un setier équivalait à 156 litres ). En 1714, le meunier paiera 250 livres et en 1739 : 430 livres avec 100 boisselées de terre. Au milieu du village
: la borderie d'Auzon est louée 18 livres en 1714 et 10 livres en 1739 pour la seule maison. On note ici une avenue de noyers devant le grand portail et une glacière bâtie par le Commandeur
de la
Groie.
Il s'agit maintenant de franchir la
Vienne pour visiter deux très anciens membres de la période templière. La métairie du
Temple, à une lieue environ
dans la paroisse de
Cenon et celle de
Velaudon dans la paroisse de
Saint-Cyr.
Les enquêteurs passent la Vienne au bac de Cenon et interrogent au passage le batelier qui tient son entreprise à ferme à moitié du Marquis de
La Roche du Maine,
seigneur de
Chitré, et du commandeur d'Auzon. En
1714, il paie au total 80 livres avec dix boisselées de terre. En 1739, 120 livres (pour un grand et un petit bateau). La métairie du
Temple présente un corps de
logis avec chambres à cheminées, granges et étables, avec 200 à 300 boisselées de terre et une quinzaine de boisselées de prés. Le métayer paie une dîme de 1/11 en dehors de la moitié des
fruits. La métairie de
Velaudon est mentionnée comme
dépendance du Temple d'Auzon en 1299 ; elle présente des bâtiments analogues. On note, de plus, ce qui semble avoir été une chapelle, mais abandonnée comme telle de temps immémorial et sans aucun
service divin. Les terres faites à moitié consistent en 200 à 240 boisselées.
Du Châtelleraudais, nous passons maintenant au
Mirebelais avec la métairie de la
Guimière dans la paroisse de
Thurageau qui possède 30 setiers de terre
labourable et perçoit une petite dîme d'agneaux sur
Curzay (ou plutôt Curçay ?) et plusieurs rentes : 85 boisseaux de froment mesure de
Mirebeau, 48 pintes de vin...
Les visiteurs se dirigent maintenant vers le
Thouarsais. Ils ont couché au
château du Fou en 1739, à
Saint-Jean-de-Sauves en 1714.
La principale dépendance d'Auzon a, en réalité, le titre de Commanderie. Il s'agit de
Praille, au nord de
Thouars. Contrairement à Auzon, d'importants bâtiments subsistent toujours. L'entrée
se fait par un grand portail dans une grande cour entourée de hauts murs et d'un fossé plein d'eau. A gauche, la Chapelle du vocable de Saint-Jean-Baptiste de 40 X 16 pieds. Au-dessus de la
porte, un vitrail que le visiteur de 1671 enjoint au commandeur de réparer dans les 9 mois, tandis que le chapelain présente les
ornements habituels.
Le grand corps de logis qui fait suite et que « l'on dit être destiné au fermier » possède plusieurs grandes chambres à cheminées de 33 à 40 pieds de long
sur 18 de large, avec antichambres. Un bel escalier à vis en pierre dans un donjon dessert ces pièces. Au fond de la cour à gauche, un logis élégant qui passe de nos jours pour être la demeure du
Commandeur. Au milieu de la cour, un puits. Autour de la cour, des bâtiments d'exploitation et des servitudes comprenant, notamment, une écurie pour huit chevaux et, sans doute, la demeure du
métayer. On note enfin un beau jardin grand et spacieux.
Une visite de 1669 mentionne au milieu de la cour, « une grandissime fuye ruinée et abandonnée de tous temps. » Mais en 1714, il est question d'une grosse
fuye couverte d'ardoises avec bords en tuiles et quelques pigeons. Ce qui concrétise bien les « améliorissements ». La métairie contient une quarantaine de
setiers de terre et une quinzaine de prés.
En plus, deux moulins sur le
Thouet : le moulin de Praille
à
Saint-Martin-de-Sauxay à
deux roues
mouturières avec
rouets et meules plus 45 boisselées de près et le moulin de
Taizon avec deux roues, l'une sur la paroisse de
Bagneux, l'autre d'
Argenton-Eglise, louées respectivement 47 et 50 douzaines de blé avec le droit de pêche depuis le Vaurenard jusqu'à Leguilomb. La
Commanderie possède une rente de 30 à 40 setiers de blé et une grande dîme dite « de Praille » à un tiers avec les
prieurs de la Madeleine et de
Chambon et la dîme et le quart sur 200
journaux de vigne. Enfin une « dîme du
montier » affermée 80 livres en
1668.
C'est en carrosse que le chevalier de Cissay quitte, en 1714, la Commanderie de Praille pour se rendre en
Anjou dans la paroisse de
La Plaine dans un autre membre d'Auzon :
le Verger dépendant de l'
évêché de La
Rochelle. Il y a les bâtiments d'habitation et d'exploitation habituels, plusieurs chambres à cheminées - étables - granges...
Ici encore on touche du doigt les réparations considérables effectuées par le
Bailli de Semagne de 1712 à 1718
par rapport à l'état déplorable de 1671.
Une petite chapelle de 3 1/2 X 2 toises, qui possède ses ornements en 1671 mais ne semble que fort peu desservie. La métairie exploite 200 boisselées de terre et
vingt journaux de près. De plus, il y a 20 setiers de seigle de rente et des dîmes. Deux jardins d'environ 18 boisselées étaient consacrés au
lin en 1671. Des vassaux d'
Argenton-Château étaient redevables d'une rente en
espèce à la fête de
saint Brice, rendable à
la « maison accoutumée ».
Le Commandeur y était reçu en 1640 de la façon suivante : une table avec une nappe blanche, des
vaisseaux pour le vin, des
landiers garnis d'un fagot et de deux bûches, une paillasse pour ses chiens et une perche pour se
s oiseaux (6).
6. Archives nationales, S 5257, liasse 18.
Le dernier membre, au sud de Thouars, dans la paroisse de
Brousse en Poitou, porte le nom caractéristique de "
L'Hôpiteau du Puy-de-Néron". Il y a un vieux château ruiné et
abandonné de temps immémorial et une chapelle Saint-Jean-Baptiste, de 17 X 3 1/2 toises, avec deux cloches, à l'aspect désolé en 1671, mais en bon état en 1714. En 1739, le haut est refait à
neuf et la couverture
repassée. Elle coûte au commandeur 100 livres pour le
service. Il existe une métairie nommée
La Bruère avec chambre à cheminée, boulangerie, four, grange, étable. Le tout en bon état en 1739. Il y a aussi deux moulins, l'un à eau, l'autre à vent, affermés 120 livres, tous les
sujets de l'Hopiteau qui est
châtellenie doivent y moudre.
Autres revenus : l'
étang d'Enjourau et diverses dîmes sur des villages pour 40 livres, l'
abbaye de Saint-Jouin doit par an 13 douzaines
de froment, le seigneur de
Maisontiers
5 douzaines de seigle, celui de
Fonteniou Rolland, dans la
paroisse d'
Amaillon 3 douzaines de seigle et 5 sols de
cens, le seigneur de
Chausseray doit 6 douzaines de seigle et celui de
Baurepaire de la paroisse de
Chiché, 4 setiers de seigle... Enfin le village de l'Hopiteau verse 7 setiers d'avoine.
La justice.
Le commandeur possédait les droits de
haute, moyenne et basse justice.
En 1344, nous voyons un procès entre le
vicomte de Thouars et le frère Philippe Chenecte, Commandeur de Praille, au sujet de l'appartenance des fourches
patibulaires du village d'
Enjourau,
qui sont comparées à celles qui se dressaient au Puy-
Néron (7).
7. Archives nationales, S 5257, liasse 18.
Au XVIIème et XVIIIème siècle, les commandeurs disposaient d'officiers tels que :
sénéchal,
procureur fiscal et
greffier qui, au XVIIIe siècle, habitent Châtellerault (en ce qui concerne Auzon). En 1714 à l'Hopiteau, on mentionne l'existence de ces trois
personnages et des témoins affirment avoir vu des
assises, les
plaids
s'y tiennent tous les quinze jours. Au Temple de Cenon, des témoins assurent que les officiers d'Auzon y pratiquent la justice, tandis qu'à Auzon même les plaids se tiennent quand on en a besoin.
A Praille, en 1739, le fermier assure que les assises s'y tiennent six fois par an. Le Verger dépend des officiers de Praille.
Il est permis de s'étonner que les visiteurs ne demandent pas la production des pièces de justice. Les enquêteurs s'enquièrent aussi, comme le règlement le veut,
aux procès en cours.
Par exemple :
- en 1714 : à propos d'une rente de 15 livres à Praille et de blé à l'Hopiteau.
- en 1739 : à propos de 88 boisseaux de seigle à l'Hopiteau.
Nous avons vu aussi que les instructions exigent que les visiteurs interrogent hors de toute présence, des voisins à titre de témoins. Il s'agit en général de deux
quadragénaires. Ils confirment, nous l'avons dit, la présence des officiers de justice. Par contre, ils ne connaissent pas le commandeur. Les témoins de Praille ont ouï dire, en 1739, qu'il était
à
Malte. Ils confirment l'existence de travaux de réparation et le service religieux
et n'ont jamais constaté d'
aliénation, aucune
question sur la vie du commandeur auprès de personnes plus haut placées. Les témoins ne savent, en général, pas signer. Une seule aliénation est constatée en 1739 : les meubles d'état
ont été vendus par l'agent de l'
Ordre,sur ordre du receveur.
L'hospitalité.
C'est un problème de savoir si les
hospitaliers de Saint-Jean recevaient dans leurs commanderies les passants et les pèlerins. Leur hospitalité originelle
était l'accueil des pèlerins à
Jérusalem.
Il est à peu près certain qu'aux XVIIe et XVIIIe siècles rien n'était prévu puisque l'enquête n'en parle pas.
Finances.
Aucun commandeur n'exploite ses terres directement. Il les
afferme. Il s'agit presque toujours à de fermiers généraux, qui gèrent les métairies et touchent les fermes (moulins - moitié du port de Cenon)
ainsi que les multiples redevances (cens - rentes - dîmes -
terrage -
lods et ventes - rachats - émoluments de fiefs). Le fermier s'engage à Auzon à faire célébrer
en plus le service divin mais ce n'est pas le cas dans le Thouarsais.
En 1758, le chevalier
Claude Eugène de Beauveau Thigny, qui habite un château en Anjou, se
réserve dans le bail, la salle de la commanderie d'Auzon, les deux chambres à coté, la chambre du trésor, la grande écurie, la cuisine et l'office et le fermier s'engage à le nourrir et
l'héberger avec ses domestiques et ses chevaux pendant huit jour chaque année en son domicile ou en la dite commanderie.
Le fermier paie 290 livres plus les rentes dues, les gages des officiers de justice et les frais de culte
(8). En 1671, le fermier déclare
payer 2700 livres pour Auzon et les membres du Châtelleraudais et du Mirebelais.
8. Archives départementales de la Vienne, registre 305, fº 62.
En 1714, les fermages sont pour les charges sont de :
Auzon ................................................ 2.200
Praille ................................................ 1.500
L'Hopiteau ......................................... 700
Le Verger ........................................... 400
--------
4.800
Les charges sont de :
Responsion
annuel .......................... 1.196
Décimes du roi ................................ 198
Taxe pour vaisseaux ....................... 105
Bourse commune ............................ 10
Pension à MM. de Martel ................. 700
Service divin pour Praille et l'Hopiteau 240
--------
2.449
Les visiteurs ont demandé les quittances des réparations (depuis 1706, semble-t-il) :
Auzon ................................................ 2.000
Hopiteau ............................................ 120
Verger ................................................. 150
Praille .................................................. 837
-------
3.107
+ Ornement chapelle - procédure, voyages 800
---------
3.907
En 1739, le fermier général déclare payer 2800 livres pour Auzon et ses membres proches.
Les quittances de réparations, de 1732 à 1739, se montent à 2989 livres + 880 livres de voyages et affaires ( la même chose que trente ans auparavant ). Dans le
Thouarsais, les fermages restent au total à 2600 livres, de même que les charges à 2450 livres.
Les fermages restent à peu près les mêmes à 70 ans de distance, ainsi que les charges et responsions ( qui représentent environ 1/4 des fermages ), ceci malgré une
grosse augmentation du
marc d'argent ( l'
écu est passé peut-être de 3 à 5 livres ).
Les deux dernières visites sont déclarées très satisfaisantes par la chambre priorale et rapportées favorablement à Malte auprès de ces messieurs de la Vénérable
Langue de France.
Nous avons vu, en 1758, le commandeur Beauveau-Thigny, rédiger son bail mais sa gestion ne sera pas brillante, semble-t-il, car en 1768, ses charges
qui ne s'élèvent pourtant qu'à 1800 livres par an environ, restent impayées avec un arriéré de près de 10.000 livres. Aussi se fait-il saisir ses fermages, qui sont versés au commandeur
de Tudert.
Il semble néanmoins rester commandeur, au moins en titre, jusqu'à 1781, date à laquelle la liste des commandeurs d'Auzon se referme avec le frère
François de La Laurencie, capitaine des
vaisseaux du roi, que nous voyons en 1787 demander une réquisition à l'assemblée provinciale, à l'effet de marquer 141 chênes à Auzon, Velaudon et Availles pour effectuer des réparations
(9).
9. Archives nationales, S 5279 et 5280.
Et voici refermés sept siècles d'une histoire qui est toute à écrire et dont le présent exposé ne constitue qu'une bien faible amorce.