Aénor de Châtellerault
Sur cette feuille, nous allons nous attacher à montrer qu'Aénor de Châtellerault avec sa famille a été la véritable génitrice de l'âme de la Commanderie d'Auzon.
Connaissant très peu de choses sur la courte vie d'Aénor, il est nécessaire de repartir des actes originaux de façon à nettoyer les différentes "broderies" qui ont été ajoutées notamment dans les biographies concernant la jeunesse de sa fille Aliénor d'Aquitaine.
Dans un deuxième temps, nous chercherons les lieux et les personnages reliant la famille et la vie d'Aénor avec la présente étude sur la Commanderie d'Auzon et sur Willelm de Sonay car de nombreux liens existent. La multiplicité de ces liens, sans établir une preuve indéniable, nous permet en tout cas d'expliquer l'implantation des Templiers à Châtellerault et la présence de Willelm de Sonay comme précepteur de la dite commanderie.
Amauri Ier de Châtellerault et Dangereuse de l'Ile Bouchard
Avant de parler d'Aénor, étudions d'abord les origines de sa mère Amauberge, Dangereuse ou Maubergeonne de l'Ile- Bouchard.
La meilleure étude qui a été faite sur le sujet est celle de Jacques Duguet dans "Familles et châteaux du comté de Poitiers du XIème au XIIIème siècle" pages 182 et 183 reprises ci-dessous :
L'épouse d'Aimeri I est connue sous le nom de Dangereuse et de Maubergeon, de sorte que certains auteurs ont pensé que le vicomte s'est marié deux fois. C'est Aimeri lui même qui appelle sa femme Dangereuse dans un acte daté de 1109 (95). Comme François Villard l'a bien vu, Dangereuse est un de ces surnoms qualificatifs parfois peu flatteurs dont étaient gratifiées certaines femmes de l'époque (96), toutefois nous admettrons volontiers que le terme était alors pris au sens général de "difficile", moins agressif que le sens actuel.
(95) "Documents concernant le prieuré de Saint-Denis-en-Vaux" n°1, dans AHP, t. VII, p.346.
(96) F.Villard, "Guillaume IX d'Aquitaine et le Concile de Reims de 1119", dans Cahiers de Civilisation Médiévale, 16e année, octobre-décembre 1973, p. 296 et note 15.
Le vrai nom de la vicomtesse nous a été nous a été transmis par les chroniqueurs qui ont relaté la liaison scandaleuse avec le comte de Poitiers. En fait, il faut interpréter les formes diverses que présente le nom suivant les manuscrits : Mauberja, Amalbergun, Amauberjon, Malbergio (97). Mais l'interprétation ne présente aucune difficulté : la femme d'Aimeri s'appelait Amauberge, nom qui n'est pas rare et dont M.-Th. Morlet a réuni plusieurs exemples (98). La forme Mauberja résulte d'une mécoupure : l'Amauberge a été interprété La Mauberge. Amauberjon est un diminutif affectif du type Jeanneton, Madelon, Marion..., dont on a retenu la forme amputée Maubergeon, forme qui a malheureusement été transformée en Maubergeonne par certains auteurs modernes.
(97) Pour les références, voir l'article de F. Villard cité ci-dessus et F. Hérault, op. cit., t.1, p. 56-57 et notes.
(98) Marie-Thérèse Morlet, les noms des personnes sur le territoire de l'ancienne Gaule du VIème au XIIème siècle, T. 1er, C.N.R.S.,1971, p.33.
A. Richard a signalé dans une note que la vicomtesse pouvait être identifiée avec une Dangereuse, fille de Barthélémy, seigneur de l'Ile-Bouchard, qui vivait à la même époque (99). A. Hérault a été séduit par cette hypothèse en remarquant que Barthélémy avait été l'allié du vicomte Boson II (100). De notre côté, nous avons cherché à identifier une famille de Montfort, parce que Raoul, fils cadet d'Aimeri I et Dangereuse, bien connu sous le nom de Raoul de Faye, a d'abord été appelé Raoul de Montfort (101). Nous avons été guidé par A. Hérault qui a trouvé un " Aimeri de Châtellerault " parmi les souscripteurs d'une donation du duc de Bretagne Alain Fergent à l'abbaye de Saint- Georges de Rennes, à l'occasion de l'installation de sa soeur Adèle comme abbesse de cet établissement, en 1084 ou 1086 (102). En effet, le premier souscripteur de cet acte n'est autre que " le comte Raoul", c'est-à-dire Raoul de Gaël ou de Montfort, que dom Lobineau désigne en tête des seigneurs bretons illustres de son temps. Selon cet auteur, Raoul de Montfort a participé à la conquête de l'Angleterre et a reçu de Guillaume le Bâtard plusieurs seigneuries outre Manche. Il a épousé la fille de Roger de Breteuil, comte de Hereford (103).
(99) A. Richard, Histoire des comtes de Poitou, t. 1er, p. 472, note 2.
(100) A.Hérault, op cit., t. 1er, p. 56 note 2.
(101) Cartulaire de l'abbaye de Noyers, n° CDLXVI, dans les Mémoires de la Soc. Archéol. de Touraine, t. XXII, 1872, p. 498-499.
(102) A. Hérault, op. cit., t. 1er, p. 55 note 1, d'après Dom Maurice, Preuves à l'histoire de Bretagne, t. 1er. 1713, colonne 453.
(103) Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t. 1er, 1797, p. 98-106.
Petite erreur : Raoul de Montfort a épousé la sœur de Roger de Breteuil et non sa fille. Raoul de Gaël plus tard de Montfort était comte d'Est-Anglie. Ses terres s'étendaient dans l'Essex, le Cambridgeshire le Lincolnshire et autour du Norfolk et du Suffolk. Son beau-frère Roger de Breteuil était comte d'Hereford ancienne capitale de la Mercie saxonne et voisin du Wessex de Æthelwulf (voir Charles le Chauve). Avant 1076 Raoul, Roger et Waltheof de Northumbrie se révoltent contre Guillaume le Conquérant. Il en résulte un désastre, Walthoef est décapité, Roger emprisonné à vie et Raoul parvient à prendre la mer, sa femme Emma le rejoignant au château de Dol de Bretagne. Ayant perdu tout ses domaines anglais, Il fera construire le château de Montfort. Il ne faut pas confondre le Montfort-sur-Meu de Bretagne avec le Montfort des Yvelines qui donna naissance à une grande famille, les Montfort-l'Amaury dont est issue Bertrade enlevée par Philippe Ier au comte Foulques IV le Réchin. Il n'y a pas de liaison entre ces deux familles contemporaines.
Il est probable que le Haimericus de Castro Airaut qui souscrit en sa compagnie l'acte précité, est le futur vicomte Aimeri I qui séjourne chez son beau-père ou futur beau-père, Raoul de Montfort. Ainsi Raoul, son fils cadet, aurait reçu le nom et le surnom de son grand-père maternel. Cette alliance lointaine a pu être préparée par le grand-père d'Aimeri, le vicomte de Thouars Aimeri IV, qui s'est illustré lors de la conquête de l'Angleterre et qui n'est décédé qu'en 1093 (104).
(104) E.-R. Labande, "Situation de l'Aquitaine en 1066", dans BSAO 4ème série, t. VIII, 1966, p. 354-355.
L'acte en question date de 1084 ou 1086 et nous savons que le beau père d'Aimeri Ier est Barthélémy de l'Ile Bouchard. Le texte ci-dessus semble insinuer qu'Aimeri Ier aurait eu une liaison avec une fille inconnue de Raoul de Montfort, ce qui n'est pas impossible compte tenu du comportement de Dangereuse avec Guillaume le Troubadour et ce dès 1111. Il aurait donc eu, en 1112, Raoul de Montfort (de Faye), non pas de Dangereuse mais de cette fille de Raoul de Montfort.
Récapitulons : En 1066, Aimeri IV de Thouars (1025 1093) recrute Barthélémy de l'Isle Bouchard (ou de Bueil) (~1050 1108) et Boson II de Châtellerault (~1050 ~1092), tous deux alors âgés d'environ 16 ans, pour l'accompagner lors de la conquête de l'Angleterre organisée par Guillaume le conquérant. Aimeri IV y commande un contingent de Bretons et d'Angevins dont fait partie Raoul Ier de Montfort (ou de Gaël) (~1040 ~1099). Après la victoire de Hastings, alors que Raoul est récompensé par des terres en Est-Anglie, Aimeri IV préfère de grosses sommes d'argent pour payer quelques rançons et reconstruire le château de Thouars. Au retour de cette campagne, Boson demande la main de la fille d'Aimeri IV, Aénor de Thouars (~1055 1093). Quelques temps après, Barthélémy combat aux cotés de Boson et d'Aimeri IV de Loudun (ou de Faye-la-Vineuse) (1075 1117), contre Zacharie de Marmande (1050 1122) (à voir aussi). L'amitié entre les vétérans perdure à la génération suivante et c'est ainsi qu'Aimeri I de Châtellerault le fils de Boson épouse Dangereuse la fille de Barthélémy et convole ensuite avec celle de Raoul Ier de Montfort décédé lors de la première croisade en 1099. Tout cela est bien sur resté confidentiel car il n'était pas question de nuire au projet de mariage fabuleux concocté par Dangereuse entre Aénor et Guillaume X. A la génération suivante, Aimeri a pour projet de marier son fils à un parti issu de Raoul de Montfort. Il se rapproche de son beau frêre, Raoul II de Gaël-Montfort (1080 1143) qui est alors l'héritier de la famille. Finalement le projet initial ne pourra se réaliser et Raoul épousera Elisabeth de Faye-la-Vineuse (~1115 1164) la petite-fille d'Aimeri IV de Loudun également compagnon d'armes de Barthélémy et de Boson (voir ci-dessus). La famille de Faye constituera la branche cadette des Châtellerault, elle sera particulièrement dotée par Aliénor d'Aquitaine comme en témoigne Anaïs Lancelot dans son ouvrage "Les vicomtes de Châtellerault, une puissance discrète". Raoul n'en restera pas là concernant l'Angleterre puisqu'Henri II le fera lord de Bramley dans le Surrey en 1154-55 quand il épousa Philippa en seconde noces (Lancelot p.62).
A titre d'hypothèse, sans justificatif prouvé, il se pourrait que Raoul II de Montfort, vers 1134 ait présenté à Aimeri pour marier son fils Raoul (1112 ~1184), Margaret de Hereford (1122 1197), celle qui a reçu de façon indirecte le fief d'Hereford après la destitution de Raoul Ier de Monfort et de Roger de Breteuil. En effet, le comté d'Hereford était auparavant à l'oncle de Raoul II, Roger de Breteuil puis, après sa destitution le comté fut recréé par Bernard de Neuf Marché. Margaret, l'ainée de ses trois filles, était à marier avant 1139.
T | |
Agnès Osbern--------------------T x Bernard de Neufmarché --L |
x Miles de Gloucester--L |
||
Richard Scrob--------[ | Osbern--------L | Guillaume Osbern--------------T | Roger de Breteuil | |
|
L
|
Emma de Hereford------T x Raoul de Gaël------------L |
Raoul II de Monfort |
Il est de tradition familiale que le fondateur de la lignée des Ile-Bouchard, Bouchard Ier, ait dirigé en 887 une expédition pour ramener d'Auxerre en Touraine les reliques de Saint Martin. On retrouve donc l'expédition d'Ingelger d'Anjou (Voir ici ou là) et de ses saxons (voir aussi Touraine 8). La tradition familiale est profondément ancrée et nous allons voir que Dangereuse y tenait particulièrement.
C'est ainsi que son fils ainé, Hugues II de Châtellerault épouse Hélie d'Alençon. Ce faisant, il devient entre autre baron du Saosnois qu'il refuse de rendre à Philippe Auguste avec le reste de l'héritage de sa femme en 1221. Il garde ainsi le pouvoir sur l'un des fleurons familiaux. Voir "Les vicomtes de Châtellerault" d'Anaïs Lancelot 2023, p.64 à 67. On a vu dans notre étude topographique que le Saosnois était en effet l'un des derniers refuge des saxons bajocasses (de Bayeux voir Saosnois). Les descendants d'Hugues II tiendront particulièrement à ce territoire comme le démontre Anaïs Lancelot dans "Les vicomtes de Châtellerault" p. 74 et 75.
Pour son deuxième fils, Amauri, peut être avec l'accord de Dangereuse, a le projet d'un mariage anglais somptueux comme nous l'avons vu ci-dessus. Et, même si cela dérive d'une hypothèse hasardeuse, avec le berceau des saxons en Angleterre, la Mercie. Même si Dangereuse n'avait pas reçu des cours d'histoire, je pense qu'elle avait un sens aigu des traditions familiales et que tout ce que nous avons étudié ci-dessus n'a pas été le fruit du hasard. Dangereuse avec Amauri et leur descendance se sont comportés comme les garants de la survie de la tradition saxonne étudiée longuement sur ce site.
Pour en finir avec Dangereuse et l'Ile Bouchard, rappelons quelques faits concernant l'histoire du château de Chinon à cette époque. Chinon n'est qu'à 16 km. de l'Ile Bouchard, Sonay à 7 et que tout trois dominent le cours de la Vienne. Le château est déjà en pierres en 954 sous les comtes de Blois. Quand Emma de Blois épouse Guillaume IV d'Aquitaine Fier à Bras en 967-968, elle devient duchesse d'Aquitaine et comtesse de Poitou. Elle reçoit en dot de son père Thibaud Ier le Tricheur, le château de Chinon et la ville de Bourgueil, puis en douaire de son mari un large territoire reliant Chinon à Maillezais. Elle s'y réfugie après sa rencontre rocambolesque avec sa rivale Aldéarde de Thouars vers l'an 980. Cette histoire n'a pas pu laisser Dangereuse indifférente, la personnalité d'Emma fut certainement pour elle un modèle. Suite à la bataille de Nouy, en 1044, le château est cédé à Geoffroy Martel comte d'Anjou qui termine ainsi la conquête de la Touraine. L'installation des Sonay au château homonyme date de cette époque. Même avant son extension avec la construction du fort Saint-Georges par Henri II après 1153, le château était déjà une place forte considérable de Geoffroy V Plantagenêt.
Compte tenu de l'importance de la place de Chinon pour l'ensemble des possessions plantagenaises, il est impensable qu'il n'y ait pas eu de relations étroites entre les familles des soldats impliqués dans la défense des environs immédiats de la forteresse. Ainsi les seigneurs et soldats de l'Ile Bouchard, de Sonay, de Cravant ou de la Roche-Clermaux se rencontraient ils régulièrement autour du responsable angevin de la défense du site de Chinon. Des mariages entre ces familles ont même été possibles comme en témoigne l'union de Jeanne de l'Ile Bouchard avec Guillaume Le Roux seigneur de Cravant une génération après celle de Dangereuse, sa tante, avec Aimeri Ier de Châtellerault. Deux générations après, un descendant des Le Roux devenait gendre de Guiburge née de Sonay ! Même si la relation est lointaine, le terrain était prêt pour que Wilhelm de Sonay devienne précepteur de la commanderie templière de Châtellerault.
Les actes mentionnant Aénor
Voici les passages parlant d'Aénor ou d'Agnès de Poitiers dans l'imposant ouvrage d'Alfred Richard (1903) sur les comtes de Poitiers. J'ai ajouté Agnès de Poitiers car elle étaient du même âge et qu'elles ont surement toutes deux été élevées au château de Poitiers dans l'ambiance festive de la cour de Guillaume le Troubadour au minimum de 1114 à 1116 à l'âge de 11 à 13 ans, âge où se nouent des amitiés pour la vie.
Tome I - Page 488 : C'est encore durant cette année 1121 que Guillaume fit épouser à son fils aîné la propre fille de Maubergeonne, dont l'ascendant sur lui persistait toujours ; de cette union naquit l'année suivante la célèbre Aliénor (1). Il est possible que ce mariage ne se soit accompli sans difficulté et que cette affaire, aussi bien que celle d'Auvergne, ait détourné le comte de Poitou de s'occuper énergiquement de la révolte des seigneurs du Midi contre son autorité...
(1) C'est seulement par la connaissance de l'âge qu'avait Aliénor à son décès que l'on a pu établir l'époque de sa naissance et incidemment celle du mariage de ses parents, dont il n'est pas question dans les chroniqueurs ; comme en 1204 elle avait quatre-vingt-deux ans, elle était par suite née en 1122.
Tome I - Page 494 et 495 : De son union avec Philippie de Toulouse, Guillaume eut sept enfants, deux garçons et cinq filles : 1° Guillaume, qui fut son successeur ; 2° Raymond, qui devint prince d'Antioche en 1135 par son mariage avec Constance, la fille de Boemond, et fut la tige des comte de Tripoli, rois de Jérusalem, de Chypre et d'Arménie ; 3° Agnès, qui épousa en premières noces, avant 1117,Aimeri V, vicomte de Thouars, et qui, devenue veuve en 1127, par l'assassinat de ce dernier, se remaria en 1135 avec Ramire II dit le Moine, roi d'Aragon ; 4°, 5°, 6° et 7°, quatre filles dont on ignore le sort. La descendance illégitime de Guillaume VII n'est pas plus connue que celle de ses prédécesseurs.
Tome II - Page 5 et 6 : Le comte, au début de son gouvernement, se montra favorable aux églises ou du moins à quelques-unes d'entre elles. C'est ainsi que, faisant un voyage en Saintonge avec sa femme Aénor, peu après la mort de Guillaume le Jeune, il confirma tous les dons que son aïeul et son père avaient faits à Saint-Vivien de Saintes et fit apposer son sceau au bas de l'acte, en présence de Robert de Rancon, d'Hugues de >Doué et d(Hugues Tireuil (1). Peut-être même est-ce à ce voyage que, résidant avec sa femme dans l'abbaye de Notre Dame de Saintes, il donna son approbation à la donation d'une dîme sise à Pont-l'Abbé, qu'un certain Loer avait faite à cette abbaye (2).
(1) Besly, Hist. des comtes, preuves, p. 467.
(2) Cart. de Notre-Dame de Saintes, p. 82.
Tome II - Page 6 : On le voit encore el 1127, lorsqu'il fut à Saint-Jouin-de-Marne assister aux funérailles de son beau-frère Aimeri, vicomte de Thouars, assassiné par quelques-uns de ses vassaux, se joindre à sa sœur Agnès, la veuve d'Aimeri, pour obliger ses neveux, Guillaume, Guy et Geoffroy, à faire un don important aux moines de Saint-Jouin qui avaient bien voulu consentir à ce qu'Aimeri eût sa sépulture dans leur monastère. Le jour de la cérémonie, alors que les enfants du vicomte venaient de poser à terre la civière qui portait le corps de leur père, ils firent abandon à l'abbé Simon des droits ou coutumes de fromentage que les vicomtes de Thouars étaient dans l'usage de percevoir sur les hommes de Saint-Jouin (3)
(3) Cart. de Saint-Jouin-de-Marne, p. 34.
Tome II - Page 10 et 11 : C'est vers cette époque (1129) qu'il convient de placer l'abandon, fait par Guillaume et sa femme aux mêmes religieux de Montierneuf, des droits coutumiers que les comtes de Poitou possédaient sur les terres de Gelais et de la Chapelle, sises dans le ressort de la prévôté de Montreuil-Bonnin ; ces terres avaient appartenu à deux moines, Thibaut et Aimeri Brun, qui en avaient fait don à l'abbaye lors de leur profession religieuse. Quant aux coutumes, qui devaient être très dures, vu qu'à cause d'elles le domaine se dépeuplait, elles faisaient sans doute partie du douaire de la comtesse, car on voit que ce fut celle-ci qui, tout d'abord, y renonça, en présence de Pierre Boreau, prévot de Montreuil, et d'André de la Haye, chevalier. La comtesse Aénor avait avec elle son petit enfant, à qui l'on avait donné le surnom d'Aigret, "acer", qu'avait déjà porté son grand-oncle, et qui, n'ayant pas encore un an, ne pouvait donner de vive voix son consentement à la donation, mais, pendant que sa mère dessinait sa croix au bas de l'acte, on lui fit apposer ses doigts sur le parchemin. Aimeri, vicomte de Châtellerault, père de la comtesse, se chargea de présenter l'acte à la ratification de Guillaume, qui traca aussi sa croix en présence de l'archidiacre, Hervé, de Guillaume Forton et de Raoul de Mauléon (1). Quelque temps après, le prévôt de Montreuil, subissant la pression du comte, renonça à tous les droits dont il jouissait sur ces domaines en raison de son office (2).
(1) Arch. de la Vienne, orig., Montierneuf, n° 44; D. Fonteneau, XIX, p. 211.
(2) D. Fonteneau, XIX, p. 201.
Tome II - Page 11 : Au commencement de l'année suivante, 1130, Guillaume, prieur du chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers, obtint du comte qu'il confirmât l'abandon, que Guillaume VII avait précédemment fait à son église, de toutes les bonnes ou mauvaises coutumes qu'il possédait dans la localité de Vouillé, à l'exception de certaines d'entre elles qu'il se réserva, comme l'avait fait son père ; il étendit même cette franchise au lieu de Neuillet, que le chapitre possédait tout auprès. La comtesse Aénor ne fut sans doute pas étrangère à cette générosité, car elle apposa sa croix au bas de l'acte qui l'attestait, à coté de celle de son mari ; Savari de Mauléon, Hervé de Mareuil, et des chanoines de Sainte-Radegonde y comparaissent en même temps en qualité de témoins (3).
(3) Arch. de la Vienne, orig., chap. de Sainte-Radegonde, n°4. Suit une longue démonstration sur la date de 1130 et non 1095 avancée par D. Fonteneau à partir d'une copie antidatée.
Tome II - Page 12 : A cette époque (1130), l'influence de la comtesse Aénor sur son mari est indéniable ; c'est elle qui le sollicite pour accorder certaines faveurs à des établissements religieux et le comte le reconnaît volontiers. C'est ainsi que, lorsqu'il concéda aux religieuses de la Trinité une portion déterminée de la forêt d'Argenson, qui désormais annexée à leur cour de Secondigné, il déclara qu'en se faisant il se rendait aux instances de la comtesse, sa chère épouse (1).
(1) D. Fonteneau, XXVII, p. 71. Bien que le consciencieux bénédictin déclare avoir transcrit cet acte sur l'original, celui-ci présente certaines particularités qui pourraient faire émettre quelques doutes sur son authenticité, telles que la mention de l'abesse Alisabeth qui, selon Gallia, aurait eu une remplaçante en 1120, c'est-à-dire avant le mariage d'Aénor, et le nom "d'Ainoridis", attribué à cette dernière.
Tome II - Page 18 : Il est possible que le comte de Poitou n'ait pas pris directement part à la tentative de délivrance de Mirebeau, et qu'il se soit contenté d'y envoyer quelques contingents, car, le 3 mars de cette année 1130, il se trouvait à Poitiers, avec sa femme Aénor, sa fille Aliénor, et son fils Guillaume Aigret. Robert, le prieur de Saint-Hilaire de la Celle de Poitiers, vint le trouver un jour qu'il se tenait au milieu des siens et lui demanda de lui concéder la dîme de l'hébergement de Champot ; Le comte accueillit favorablement sa demande, et de plus conféra à Robert et à ses frères en religion le droit de prendre dans la forêt de Moulière tout le bois qui serait nécessaire pour l'entretien de leur monastère, ainsi que celui dont ils auraiebt besoin pour leur chauffage. Peut-être cet acte n'était-il que la confirmation de générosités faites précédemment au monastère de la Celle par Guillaume le Jeune, que les chanoines, dans leur orbituaire, proclamaient leur ami et leur défenseur (2).
(2) Champollion-Figeac, Doc. hist., II, p. 13 ; Besly, Hist. des comtes, preuves, p.452
Tome II - Page 44 : A tous les adhérents du schisme dont les noms viennent d'être rappelés, convient-il d'en ajouter un autre, à savoir la femme de Guillaume VIII ? Poussée par les siens, aurait-elle pesé sur les décisions de son mari, qui parait avoir volontiers suivi son impulsion, et aurait-elle, en particulier, fait placer son oncle Pierre sur le siège épiscopal de Poitiers ? La chose est possible. Un indice, qui ne parait pas à dédaigner pour éclaircir ce mystère semble ressortir du choix de l'endroit où la comtesse a reçu sa sépulture. Elle mourut évidemment pendant que Guillaume faisait un déplacement de chasse dans les marais du Bas-Poitou ; son corps ne fut pas rapporté à Poitiers ni même transporté à Maillezais, la nécropole des comtes, elle fut inhumée sur place, dans l'abbaye des chanoines réguliers de Nieuil-sur-l'Autise, récemment fondée par Airaud Gaissedenier. Pourquoi le choix de ce jeune établissement plutôt que celui de l'antique abbaye de Maillezais, où plusieurs des ancêtres du comte de Poitou avaient leur tombeau ? Ceci peut s'expliquer par ce motif que les moines de Maillezais s'étaient rangés du coté d' Innocent II, tandis que les chanoines de Nieuil, subissant l'influence de Geoffroy du Lauroux, membre éminent de leur ordre, qui se tenait au début du schisme dans une prudente réserve, ne purent s'empêcher d'ouvrir leur église à la comtesse qui avait dû partager l'excommunication de son mari (1). Toujours est-il qu'à partir du mois de mars 1130 aucun acte authentique ne rappelle son existence non plus que celle de son fils, le jeune Guillaume Aigret (2).
(1) Arnauld, Hist. de Nieuil-sur-l'Autise, preuves, p. 79.
(2) Si l'on en croit Teulet (Layettes du Trésor des chartes, I, p. 48), l'existence d'Aénor et de son fils se serait prolongée jusque vers l'année 1136. C'est la date qu'il attribue à un acte qui faisait autrefois partie du Trésor des chartes, mais qui est aujourd'hui perdu et dont il ne reste que la cote d'après l'inventaire de Dupuy. Ce seraient des lettres par lesquelles Guillaume, duc d'Aquitaine, aurait confirmé les privilèges de Saint Vivien de Saintes et aurait fait à cet établissement plusieurs dons qui auraient été approuvés par sa femme Aénor et par son fils Guillaume, au retour d'un voyage de ce dernier au delà des mers. Cette analyse nous parait quelque peu suspecte ; le fils du comte, même en admettant qu'il eût vécu jusqu'en 1136, n'aurait pu avoir plus de onze à douze ans à l'époque de sa mort, et c'est un âge auquel on ne voyage guère.
Nous complèterons cette dernière note par les sources indiquées par la layette du trésor des chartes ci dessus : Histoire généalogique et Art de vérifier les dates.
Sa famille
Aénor de Châtellerault (~1103 >1130)
Son père : Aimery Ier de Châtellerault (~1076 07/11/1151)
Sa mère : Dangereuse de l'Isle Bouchard (1079 1151)
Son époux : Guillaume X d'Aquitaine (1099 09/04/1137)
Ses enfants : Aliénor d'Aquitaine (~1124 01/04/1204)
Pétronille d'Aquitaine (1125 ~1152)
Guillaume Aigret (~1126 ~1130)
Ses frères : Hugues II de Châtellerault (~1110 <1173) x Alix d'Alençon (~1150 1221)
Raoul Ier de Faye (~1100 1190) x Elisabeth de Faye (~1115 1164)
Ses sœurs : Amable de Châtellerault (~1105 ~1140) x Vulgrin II Taillefer d'Angoulème (? 16/11/1140)
(?) Haois (>1110 ?) x Pierre Hélie de Chauvigny (~1120 ?)
Ses beaux parents : Guillaume IX d'Aquitaine (1071 1126) dit le Troubadour et Philippa de Toulouse (~1073 1118)
Ses beaux frères et sœurs : Agnès de Poitiers (1103-1159) x Aimery V de Thouars (1095 1127)
x Ramire II d'Aragon (24/04/1086 16/08/1157)
Raymond de Poitiers (~1115 29/06/1149)x Constance d'Antioche (~1127 1163)
Quatre filles inconnues
Ses oncles et tantes Paternels : Boson de Châtellerault
Pierre évêque de Poitiers de 1132 à 1135
Acfred
Gerberge
N
Maternel : Bouchard ~1087
Pas de cousin germain dont le nom soit connu.
Ses Grands parents : Paternels : Boson II de Châtellerault (~1055~1100) | Hugues I de Châtellerault (~1045 ~1072)
| Gerberge d'Angoulème (1022 ~1070)
Aénor de Thouars (~1055 1093) | Aimery IV de Thouars (1025 1093)
| Aremgarde de Mauléon (dep. 64 - ~1030 ~1080)
Maternels : Barthélémy de l'Isle Bouchard (~1050 >1108) | Archambaud Borel (~1020 1083)
| Agnès de l'Isle Bouchard (1023 1097)
Gerberge de Blaison (1055 1109) | Eon de Blaison (1025 1086)
| Tchélétis de Trèves (Saumur) (1033 1070)
Ses petits enfants : Chez Aliénor : Avec Louis VII (1120 1180) : Marie de France (1145 1198)
Alix de France (1150 1197)
Avec Henri II (1133 1189) : Guillaume d'Angleterre (1153 1156)
Henri le Jeune (1155 1183)
Mathilde d'Angleterre (1156 1189)
Richard Cœur de Lion (1157 1199)
Geoffroy II de Bretagne (1158 1186)
Aliénor d'Angleterre (1161 1214)
Jeanne d'Angleterre (1165 1199)
Jean sans Terre (1166 1216)
Chez Pétronille : Avec Raoul Ier de Vermandois (1085 1152) : Elisabeth de Vermandois (1143 1183)
Raoul II de Vermandois (1145 1167)
Eléonor de Vermandois (>1152 1214)
Lieux fréquentés
Châtellerault
Noyers
Poitiers
Montreuil-Bonnin
Vouillé
Talmond
Maillezais
Nieul-sur-l'Autise
Fontenay
Saintes
Saint-Jouin-de-Marne
Personnages cotoyés
Saint Bernard
Girard
Guillaume Cliton comte de Flandre
Raoul de Mauléon
Savari de Mauléon
Guillaume de Lezay
Dates connues de la vie d'Aénor
~1103 Naissance d'Aénor de Châtellerault
~1105 Naissance de sa sœur Amable de Châtellerault
~1110 Naissance de son frère Hugues III de Châtellerault
1112 Naissance de son (demi ?) frère Raoul de Montfort (puis de Faye)
~1113 Naissance de sa (demi ?) sœur Aavis
>1113 Mort de son oncle Boson de Châtellerault
1114-5 Installation de sa mère au château de Poitiers tour Maubergeon ( elle a 11 ans)
11/04/1116 Mariage d'Agnès de Poitiers avec Aimeri V de Thouars
1120 Naissance de Guillaume Ier de Thouars premier fils d'Agnès de Poitiers
1121 Mariage avec Guillaume X de Poitiers (16 ans)
~1124 Naissance d'Aliénor d'Aquitaine
1125 Naissance de Geoffroy IV 2ème fils d'Agnès de Poitiers
1125 Naissance de Pétronille de Poitiers
~1125 Mariage d'Amable de Chatellerault avec Vulgrin II d'Angoulème
1126 Naissance de Guillaume-Aigret de Poitiers
1127 Assassinat d'Aimeri V de Thouars
1128 Naissance posthume du 3ème fils d'Agnès de Poitiers
19/10/1131 Elle est excommuniée avec Guillaume X par le concile de Reims
1132 Nomination de son oncle Pierre de Châtellerault comme évêque de Poitiers
1133 (?) Voyage en Angleterre en vue du mariage de Raoul de Montfort
~1134-1135 Mort d'Aénor et inhumation à Nieul-sur-l'Autise (31 ou 32 ans)