VIII - La diaspora (après 1204)

 

 

     A partir de 1204, prise du château de Chinon par Philippe Auguste, année fatale pour les seigneurs angevins et poitevins. Les de Sonay qui y sont restés vont vivoter en Touraine et en Poitou. Rappelons ici la terrible prédiction de Matthieu Paris concernant la noblesse Plantagenaise :

 

     Dans le même espace de temps, les Poitevins malheureux, mais non dignes de pitié car la trahison est innée chez eux, tombèrent dans un tel état d’abaissement aux yeux des Français qu’ils n’osaient ni ne pouvaient marier leurs filles qu’avec la permission des Français. Et comme ils étaient sous la domination de ceux qui les haïssaient, ils devinrent comme des serfs de la plus basse condition; et condamnés au joug onéreux de la servitude d'Égypte, ils recueillirent justement les fruits de leurs voies. Alors ils se repentirent d’avoir reçu traîtreusement de l’un et de l’autre roi tant de sommes d’argent, objets de leurs désirs, de s’être joués méchamment de leur seigneur naturel, et de l’avoir chassé de leur pays en le dépouillant de son héritage, lui qui croyait avoir trouvé de la fidélité chez des perfides ; ils reconnurent aussi que leur soif du gain les avait fait tomber dans le piège. De plus, ce ne fut que moyennant une lourde et grosse rançon, qu’on laissa debout leur châteaux, qui devaient être ruinés au gré de leurs ennemis et encore en y plaçant de bonnes garnisons françaises. En effet « Celui là sera éternellement esclave qui ne sais pas se contenter de peu. »

 

     Par contre la tradition castrale des saxons, normands puis angevins va perdurer chez des seigneurs plus ou moins issus ou liés aux Plantagenêts. De ce fait on va trouver des "Sonay"  plus ou moins déformés par les dialectes locaux dans quelques provinces françaises mais il s'agit la plus part du temps d'une ancienne dénomination de la fonction postes de guet fortifiés plutôt que de la survivance de la famille de notre Grand Maître. Guillaume de Sonay fait en effet partie de cette ancienne noblesse plantagenaise déchue en recherche de nouvelles positions sociales.

  

      Il est possible que les Sonay se soient exilés en Guyenne et Gascogne notamment pendant la guerre de cent ans mais il y a eu une telle évolution linguistique de la dénomination des postes de guet que l'on peut fortement douter du fait que leurs occupants soient issus des guetteurs patentés portant le nom de Sonay à une exception près en Gascogne n°E avec un prêtre nommé "de Sauné" comme son village d'origine.

 

 

 

Jean sans Terre (1199 - 1216 )

 

 

     Le règne de Jean sans Terre ne fut qu'une succession de perte des territoires continentaux de l'ex-empire plantagenêt avec les dates symboliques de 1204 pour la prise de Chinon par Philippe Auguste et 1214 pour la bataille de Bouvines

 

     Il est difficile de départager si les trois sites autours de Bouteville sont dus à Jean Sans terre ou à l'abbaye de Savigny, car les deux possibilités sont aussi probables l'une que l'autre.

 

      Angoumois n° 4, 5, 6.


  1223 Louis VIII le Lion

     Après la perte des territoires plantagenêts, les Sonay ont certainement cherché de nouvelles terres à défendre et sont partis de-ci de-là sans trop laisser de traces.

1226 Saint Louis IX

       Patronymie n° VI, VII, VIII.

 


      De 1209 à 1229 a lieu la croisade des Albigeois qui manifestement a eu une influence sur l'emploi du toponyme car on le retrouve sur tous les lieux de la croisade surtout au début sur les fiefs des Trencavel. Cela ne peut provenir que de Simon IV de Monfort qui était comte de Leicester depuis 1204.

 

      Languedoc n°a, b, e, f, g, h, i, j, l, m, n. 


 

 

Henri III (1216 - 1272 )

 

     Henri III est le fils de Jean sans Terre et d'Isabelle d’Angoulême. Il est roi d'Angleterre, seigneur d'Irlande et duc d'Aquitaine (au moins en titre, l'Aquitaine se limitant à une petite partie de la Guyenne). En 1236, il épouse Eléonore de Provence et devient donc beau-frère de Louis IX. Il signe avec Louis IX le traité de Paris de 1259. Il doit soutenir la seconde guerre des barons menée par Simon V de Monfort.

 

     Après les Poitevins, la cour d'Angleterre est squattée par les Savoyards (Eléonore est fille de Béatrice de Savoie) dont Pierre II et Boniface de Savoie qui utiliseront les méthodes anglaises de défense des territoires et accueilleront une partie de nos Sonay en recherche d'activité après la perte de l'ouest de la France par les Plantagenêts. Ces futurs comtes de Savoie confient à nos Sonay des postes de surveillance dans leurs possessions. Pierre II ayant conquis le comté de Vaud, les a employés à partir du XIIIème siècle dans le canton de Vaud en Suisse où leurs descendants sont encore présents .

 

     Franche-Comté n° g, 1, 5, 6; Savoie A, 1, 4, 5, 6, 7, 8, c, e, f, g ; Patronymie n° XIV.


 

     D'autres Sonay restés en Poitou vivotent aux alentours de Parthenay et vendent petit à petit leurs biens laissant leur trace dans d'interminables procès.

 

     Ou ailleurs...       Patronymie n° IX et XV (Vendée), X (Touraine), XI (Normandie), XII (Angleterre).


 

     En 1216 a lieu la première guerre de succession de Champagne lancée par une descendante d'Aliénor d'Aquitaine, Philippa de Champagne. Henri II de Bar fait partie de cette coalition, ce qui explique l'apparition de sites en comté de Bar et de Vaudémont dès cette époque.

 

 

     A partir de 1216 Raymond VII de Toulouse fils de Jeanne d'Angleterre et petit fils d'Henri II reconquiers le comté de son père. Il débarque à Marseille et commence par le Vivarais défendu par Louis VIII en 1226.

 

     Languedoc n° 1, 2, 4, 5, 6.


 

     En 1242, A la demande de sa mère Isabelle d’Angoulême, Henri III organise une large coalition contre Louis IX réunissant les barons du Poitou dont Hugues X de Lusignan et Raymond VII de Toulouse. Tout cela pendant que Guillaume de Sonnac était précepteur d'Aquitaine. Après son débarquement à Royan, Henri III fut battu à Taillebourg (voir le colloque de 2018) et repartit aussitôt en Angleterre. Après cet échec, les terres plantagenaises de Guyenne sont réduites à la portion congrue des fiefs restés fidèles. (Voir la carte)

 

      Saintonge n° 2, 6, 7 ; Guyenne n° A, B, E.


 

      En 1246, Charles d'Anjou épouse Béatrice de Provence et devient comte de cette province. Devant les refus de Raymond VII et du roi d'Aragon Jacques Ier, il n'hésite pas à rejoindre sa fiancée à la tête d'une armée et à fortifier ses positions. 

 

 

     A partir de 1249, Henri III confie la partie de la Guyenne restée fidèle à son fils Edouard Ier qui devient sénéchal de Guyenne et vient s'installer à Bordeaux pour mieux gérer la province. Le premier travail d'Edouard va donc être de surveiller au plus près les seigneurs turbulents de Guyenne et de Gascogne dont les Albret, très proches des Armagnac.

 1270 Philippe III le Hardi

      Guyenne n° g, h, 1, 5 .


 

      Le comté d'Astarac est pratiquement resté constamment fidèle au parti du roi de France pendant la guerre de cent ans sauf de 1254 à 1271, période pendant laquelle Bernard III prête allégeance à Henri III. C'est donc à ce moment qu'il équipe ses frontières de guets. Nous n'avons pas de renseignement sur la raison de cette allégeance curieuse mais elle est certainement due à la présence d'Edouard sur place.

 

      Gascogne n°d, e, f, g, h, k, l, o, p.


 

     Il semble que même des Templiers du Quercy utilisaient le toponyme à cette époque ?

 

       Quercy n° i, j, k.


 

 

Edouard Ier (1272 - 1307 )

 

      Edouard Ier est très attaché à la Guyenne mais les révoltes des barons, les guerres en Pays de Galles et en Ecosse ne lui permettent pas d'y consacrer beaucoup de temps. Il ne peut réaliser son rêve de faire une seconde croisade puisque Saint Jean d'Acre tombe en 1291 et il doit subir la guerre de Guyenne de 1294 à 1297 menée par Philippe le Bel. Le traité de paix qui s'ensuit, traité de Paris en 1303 rend la Guyenne à l'Angleterre. Ce traité va se révéler la cause première de la guerre de cent ans permettant à Edouard III de revendiquer la couronne de France suite au mariage d'Edouard II avec la fille de Philippe le Bel, Isabelle, seule survivante des enfants de Philippe le Bel (poursuivi par la malédiction de Jacques de Molay ?).

 

     Petit à petit Edouard Ier agrandit le territoire initial que lui a légué son père.

 

     Guyenne n° F, a, f.


 

     En 1271 Alphonse de Poitiers et sa femme Jeanne de Toulouse meurent. Le traité de Paris de 1259 stipulait que l'Agenais de Jeanne serait rendu à Henri III son héritier à la mort d'Alphonse et de Jeanne. Les choses traînent en longueur jusqu'au traité d'Amiens en 1279. A partir de ce moment Edouard Ier réoccupe l'Agenais en commençant par des paréages avec l'église.

 

     Gascogne n° 5, 6, 8, 9 ; Guyenne n° C, D, 3, 4.


 

     En 1280, Bernard VI d'Armagnac vassal de Philippe III épouse Isabelle d'Albret. La seigneurie d'Albret devient donc suspecte et Edouard Ier surveille ce comté de plus près avec des Sonay. En 1283 les dernières possessions anglaises de l'Aquitaine commencent à se défendre en prélude à la Guerre de Guyenne.

 

       Gascogne n° A, 1, 2, 3, 4, 7.


 

     En 1283, Edouard Ier annexe la Bigorre suite à une succession très compliquée. Il en sera chassé par  Philippe le Bel en 1292.

 

      Gascogne n° -3, -4, -5, -6 


 

      Les traditions plantagenaises continuent à se diffuser jusqu'à la chaîne sommitale des Pyrénées.

 1285 Philippe IV le Bel

      Gascogne n° +2, +3.


 

     En 1289 un échange de terres a lieu entre le duché de Bourgogne (Robert II) et celui de Savoie (Amédée V) modifiant un peu la frontière qui coupait la Bresse en deux parties. Un bon accord vaut mieux qu'une mauvaise guerre ! Une occasion de nouveaux Sonay.

 

 

     Suite au mariage de Jeanne de Navarre, héritière du comté de Champagne avec le futur Philippe IV le Bel en 1284, Henri III de Bar, pour se protéger, se rapproche des Plantagenêts et épouse, en 1293, la fille ainée d'Edouard Ier, Aliénor d'Angleterre. Le nombre de Sonay ou équivalents créé est impressionnant.

 

      Lorraine (Comté de Bar) n° 7, 8, 9, b, c, d, e, fg, h, i, j, k, l, o.

 

 

Edouard II (1307 - 1327 )

 


     Edouard II ne fut pas un grand roi car empêtré dans une politique inspirée par des favoris. Il épouse Isabelle de France dès le début de son règne mais celle-ci le destituera pour le remplacer par son amant Roger Mortimer. La vicomté de Turenne fortifie ses frontières.

 

      Limousin n°8, 9, 10, 11, 12

 

      En Lorraine, le petit fils d'Edouard Ier d'Angleterre, Edouard Ier de Bar et l'évêque de Metz, Renaud de Bar continuent leur stratégie pro plantagenaise. 

 1314 Louis X le Hutin

      Bourgogne n° cLorraine n° 3, n, p, q, r, s, t.


 1316 Philippe V le Long

     En 1325 a lieu la bataille principale de la guerre delphino-savoyarde, la bataille de Varey. Elle oppose Guigues VIII du Viennois à Edouard de Savoie. On a appelé cette guerre "guerre de cent ans" car elle eut lieu de 1280 à 1329 mais Bernard Demotz la fait commencer en 1234, du temps de Pierre II (voir Henri III). Elle a donné lieu là aussi à une continuité dans l'utilisation de nos Sonay.

 1322 Charles IV le Bel

       Dauphiné n° 4, 5, 7 ; Savoie n° 2.


 

 

Edouard III (1327 - 1377 )

 

     Edouard III a fait mentir l'adage "tel père, tel fils". A 18 ans il fait exécuter le concubin de sa mère Roger Mortimer et fait de l'Angleterre la première puissance militaire du moment aussi bien en Ecosse qu'en Flandres et en Aquitaine. Petit fils de Philippe le Bel, il se déclare roi de France et débute la guerre de cent ans le 7 octobre 1337. Il gagne les batailles de Crécy (1346) et de Poitiers (1356) et signe le traité de Brétigny (1360). Sa mauvaise santé, des revers extérieurs et des troubles intérieurs sont les causes d'une fin de règne (50 ans) difficile.

 1328 Philippe VI

      Dés 1347, d'anciens cathares dépossédés, les Pestillac, puis réhabilités mais en butte avec l'évêque de Rodez vont aider les Anglais à entrer en Quercy.

 1350 Jean II le Bon

      Quercy n°A, a, dg, h, 2.


 

     La première chevauchée anglaise a été celle d'Edouard III en 1339 de Rouen à Calais. Il y en aura encore deux en 1346. En 1355, Edouard III envoie son fils Edouard de Woodstock dit le Prince Noir pour défendre les positions anglaises en Guyenne. Sa première chevauchée à lieu en 1355 de Bordeaux à Narbonne. Il en fera une autre en 1356 lors de laquelle il captura le roi Jean le Bon à Poitiers. Ces chevauchées étant des expéditions de pillage n'ont pas donné lieu à des sites de position du type de nos Sonay. 

 

       Gascogne n°n.

 

     En 1359 les Tallerand et les Saint-Astier fortifient leurs positions face à face, les premiers pour le futur Charles V les seconds pour Edouard III. Il est rare de voir ainsi deux Sonay (Saunard et Saunerie) s'épiant l'un l'autre.

 

     Guyenne n° d, e.


 

     Dès la signature du traité de Brétigny en 1360, les Anglais occupent rapidement le maximum de territoire en profitant de la défaite de Jean Ier d'Armagnac et Arnaud-Amanieu d'Albret à la bataille de Launac (1362) contre Gaston III Fébus.

 

     Gascogne n° a, b, cQuercy n°f, l, 1, 3.


 

     Les Anglais ne sont restés à l'intérieur du Rouergue que de 1361 date de la remise aux Anglais des grandes villes à 1369 date de la première défaite des Anglais à Mondalazac (17/01/1369) et début du retrait progressif. Ce laps de temps nous permet d'avoir les dates assez précises pour ces sites.

 

      Rouergue n° 7, 8.


 1364 Charles V le Sage

     Les mercenaires utilisés pour la guerre sont démobilisés dès 1360. La gestion des routiers anglo-gascons démobilisés est une préoccupation majeure pour cette période. Ils sont ré-embauchés dans un premier temps par Du Guesclin pour aller en Castille soutenir Henri de Trastamare contre Pierre le Cruel mais reviennent battus en 1367. On les retrouve de 1374 à 1411, accompagnant le comte d'ArmagnacTurenne et Du Guesclin durant les conflits en Provence et en Italie. Ainsi qu'en Dauphiné vers 1381. Certains (surement ceux dirigés par des Anglais comme Geoffroy Tête Noire, John Creswey ou John Hawkwood) ont utilisé des Sonay pour garder leurs campements mais il est alors difficile de dater leur passage.

 

           Dauphiné n° eGascogne n° i, j, m, =1 ;  Provence n° 4e.


 

 

 

Richard II (1377 - 1399 )

 

     Richard II est le dernier Plantagenêt, fils du Prince Noir, il est destitué manu militari par son cousin comme l'a immortalisé Shakespeare dans sa pièce de théâtre "Richard II" (1595).

1380 Charles VI le Fol

 

 

Henri IV (1399 - 1413 )

 

      Henri IV est le premier roi de la dynastie des Lancastre, son père étant le troisième fils d'Edouard III. La dynastie des Lancastre est donc très proche de celle des Plantagenêt. Le français n'est plus la langue officielle en Angleterre depuis son règne. En France, la guerre devient civile entre Armagnac et Bourguignons et sort ainsi du champ de nos recherches. 

 

       Les grandes compagnies continuent de dévaster la France.

 

 

 

Henri V (1413 - 1422 )

 

      Henri V reprend la guerre de cent ans et gagne la bataille d'Azincourt en 1415. Il signe le traité de Troyes avec Charles VI et épouse sa fille Catherine de Valois qui, par son second mariage sera l'instigatrice de la dynastie des Tudor.

 1422 Charles VII le Victorieux

 

 

Henri VI (1422 - 1461 )

 

      Henri VI à 9 mois est, selon le traité de Troyes, roi de France et d'Angleterre. Timide et pieux, il rejette la guerre. Il prends ses fonctions de roi en 1437 et épouse Marguerite d'Anjou en 1445. Sa politique pacifiste échoue et en 1453 il ne reste plus que Calais à l'Angleterre sur le continent.

 

      Les tout derniers Sonay que nous avons recensés semblent être ceux des routiers de Jean IV d'Armagnac autour de sa résidence de l'Isle-Jourdain près de Toulouse et ceux du dernier bastion autour de Bordeaux juste avant la bataille de Castillon en 1453 avec qui nous termineront notre voyage dans le temps. Avec le départ définitif des anglais du continent s'éteint la désignation de nouveaux guets du nom de Sonnay ou équivalent.

 

 1461 Louis XI le Prudent

 

 

     Nous finirons nos hypothèses en rappelant la curieuse histoire des sonnay des cantons de Fribourg et de Vaud qui, peut être par atavisme, recréèrent une frontière à l'intérieur du village de la Rougève - la Rogivue pour se sentir moins dépaysés loin de la Normandie de leurs très lointains ancêtres et retrouver en Suisse la défense de frontières fusses-t'elles communales. !!! (Voir étude patronymique).