L’ORDRE DU TEMPLE, UN MOYEN POUR QUELS OBJECTIFS ?

 

 

M. Jean-Marie ALLARD. - Le 13 octobre 1307, les Templiers de France sont arrêtés. Comment en est-on arrivé là ? Je vais essayer de présenter le Temple et son œuvre ainsi que le pourquoi de cette création originale qui date des croisades.

Pour expliquer les croisades, il faut aller un peu plus loin dans le temps avec le pèlerinage à Jérusalem. Pour les chrétiens, Jérusalem « est » la Terre sainte, c’est l’endroit où a vécu le Christ et où il a été enterré. Ce pèlerinage remonte au IVe siècle lorsque sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin, le premier empereur romain chrétien, croit trouver la Sainte Croix lors de travaux à la basilique surmontant le tombeau du Christ, c’est-à-dire la croix ayant servi au crucifiement de celui-ci.

Jérusalem était sous le contrôle de l’Empire romain d’Orient jusqu’en 637, moment où elle est conquise par les musulmans pour lesquels elle est également ville sainte. Ceux-ci n’empêchent pas les pèlerinages, se contentant de taxer les pèlerins. En 1009, le Saint-Sépulcre, la basilique construite sur le tombeau du Christ, est détruite par le sultan al-Akim. Le bâtiment est reconstruit par les Byzantins de 1027 à 1048.

Il nous faut aussi parler – brièvement – d’un hôpital fondé à Jérusalem entre 1048 et 1063 par des marchands de la ville italienne d’Amalfi. Cet hôpital est à l’origine de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui héritera des biens de l’ordre du Temple lorsque celui-ci sera supprimé. L’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem existe encore : c’est maintenant l’ordre de Malte, qui a un rôle caritatif.

La croisade a été prêchée, si l’on peut dire, lors du concile de Clermont (le terme « croisade » n’existait pas à l’époque, il a été forgé beaucoup plus tard ; on parlait alors de « voyage à Jérusalem »). Le pape Urbain II répondait à une délégation de l’Empire byzantin venue demander du secours contre les musulmans : l’empereur de Constantinople réclamait des mercenaires comme cela se faisait depuis longtemps. Ce concile et ce déplacement du pape en France, entre août 1095 et août 1096, entraient dans la politique de réforme pontificale dite « réforme grégorienne ». Après Clermont, le pape a traversé le Limousin, s’est arrêté une semaine à Limoges, puis il est remonté sur Charroux et Poitiers (où il est même repassé quelque temps après en redescendant vers le sud). Il ne s’est pas rendu dans les terres du roi de France car celui-ci était excommunié.

Le 27 novembre 1095, à l’issue du concile, le pape prononce un discours en plein air, qui a été considéré comme un « appel à la croisade », afin de défendre le Saint-Sépulcre, en s’adressant à ceux en état de combattre. Le pape proposait aux chrétiens de s’élever dans le salut en allant libérer Jérusalem. Urbain II, comme l’empereur de Constantinople d’ailleurs, pensait à une troupe de militaires, une troupe organisée, qui irait prêter main forte à l’Empire byzantin. Le souverain pontife a été entendu au-delà de ses espérances.

Il y a eu d’une part la croisade dite traditionnellement « populaire » mais qu’on peut appeler spontanée puisque des gens de toutes conditions sont partis. Ils sont allés vers l’Est, vers Jérusalem, ne sachant pas où se trouvait celle-ci. Dans chaque grande ville traversée, ils demandaient s’ils n’étaient pas déjà arrivés. Ils ont procédé à des massacres de juifs en Allemagne et, un peu partout où ils passaient, ils se nourrissaient sur l’habitant, ce qui n’était pas du goût des populations locales. Lorsqu’ils ont atteint Constantinople, précédés de leur mauvaise réputation, l’empereur leur a vite fait traverser le Bosphore et les a laissés en Asie Mineure où ils ont été massacrés par les Turcs.

D’autre part, l’expédition contrôlée par l’Église a été plus longue à organiser. Adhémar de Monteil, évêque du Puy, nommé légat du pape par Urbain II, est choisi pour la diriger. Dans cette croisade officielle, dont le départ est fixé au 15 août 1096, les gens du nord de la France, de la Belgique et des Pays-Bas actuels, sont sous les ordres de Godefroy de Bouillon ; les méridionaux partent sous la direction de Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse (les chevaliers limousins le suivent) ; il y avait aussi les Normands de Sicile installés en Italie du sud et en Sicile. Ces combattants ont principalement utilisé la voie terrestre pour se rendre à Constantinople. Ils ont ensuite traversé le Bosphore pour gagner l’Asie Mineure et rejoindre Jérusalem en longeant la côte. Au fur et à mesure que les croisés conquièrent des territoires, ils fondent ce que l’on a appelé les « États latins de Terre sainte » : le comté d’Édesse au nord, puis, en descendant vers le sud, la principauté d’Antioche, le comté de Tripoli et le royaume de Jérusalem. La croisade s’achève le 15 juillet 1099 par la prise sanglante de Jérusalem. La majorité des croisés considéraient avoir accompli leur mission, c’est-à-dire délivrer le tombeau du Christ en le rendant aux chrétiens, à la « vraie foi ». De fait, après avoir fait leurs dévotions, beaucoup sont rentrés en Occident.

On peut se demander pourquoi et comment le christianisme, qui à l’origine condamnait toute violence, est arrivé à cela. Il faut ici aborder les concepts de « guerre juste » et de « guerre sainte ».

Le message du Christ est la non-violence. Puis, lorsque le christianisme est devenue religion officielle de l’Empire romain puis des états lui ayant succédé, s’est produite une modification des positions de l’Église : défendre l’Empire est aussi défendre l’Église. Elle se matérialise d’abord par la notion de « guerre juste » dont le but est de maintenir un droit, sous certaines conditions : la première est d’avoir épuisé tous les autres modes de transaction. La guerre juste est l’ultime recours ; c’est aussi une guerre qui doit être conduite par l’autorité publique civile. Ce sont des laïcs qui combattent. De grands noms sont intervenus pour la justifier. Saint Augustin a dit qu’une guerre était juste si elle avait pour objet de combattre les injustices en étant engagée par la volonté du Prince. Au VIIe siècle, Isidore de Séville précise : « Juste est la guerre qui est faite après avertissement pour récupérer des biens ou repousser des ennemis. » Cet argument sera utilisé pour justifier la croisade. Pour les chrétiens occidentaux de l’époque en effet, le but est de récupérer les Lieux Saints illicitement détenus par des païens. J’emploie ce terme à dessein : à l’époque l’Islam est totalement méconnu des chrétiens d’Occident qui pensent que les musulmans sont des païens, que leur religion n’est pas une religion révélée. L’Église autorise alors la guerre juste pour se défendre et récupérer un bien injustement détenu par autrui.

Un nouvel infléchissement se produit ensuite : l’autorité laïque pourra conduire, autoriser une guerre, mais l’autorité ecclésiastique également. L’Église pourra donc recourir à la force. Les combattants sont toujours des laïcs mais ils doivent faire pénitence après avoir versé le sang. La « guerre sainte » est la transformation ultime des positions de l’Église puisqu’une récompense spirituelle est accordée aux participants et ceux qui meurent pour la bonne cause, pour la sainte cause, gagnent les palmes du martyre. Cette évolution s’est produite sur plusieurs siècles, marquée par des oppositions dans l’Église. Tout ceci explique la croisade dont le but est le maintien de l’ordre voulu par Dieu. On passe ainsi de l’interdiction de la violence à la violence contrôlée, voire conduite, par l’autorité ecclésiastique.

Après la prise de Jérusalem, l’hôpital des Amalfitains va s’agrandir et se développer, pour aboutir le 15 février 1113 à la création de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. C’est à l’origine une institution exclusivement hospitalière, qui s’occupe des malades, avec une règle inspirée de saint Augustin et placée sous l’autorité directe du Saint-Siège (elle ne dépend que du pape et non des autorités ecclésiastiques locales). De là viendront des oppositions et des querelles, tant en Orient que dans les différents Etats où l’ordre sera implanté.

Dans le même temps, un problème s’est posé : comment assurer la défense des États latins d’Orient et la protection des pèlerins affluant plus nombreux qu’auparavant en Terre sainte ? La majorité des croisés étant repartis, les hommes d’armes restant étaient en nombre insuffisant. S’est ainsi posée l’idée de création d’une milice qui remplirait ce rôle.

L’ordre des chanoines du Saint-Sépulcre, ordre religieux traditionnel, qui desservait le Saint-Sépulcre soldait des chevaliers pour défendre ses propriétés. C’est dans ce contexte qu’est créé l’ordre du Temple. L’origine en revient à Hugues de Payns, chevalier de l’entourage du comte de Champagne. Il n’a pas participé à la première croisade mais accompagne celui-ci en Terre sainte en 1104 et revient en France à la fin de 1107. Il se marie, aura des enfants entre 1107 et 1113/1114, moment où il repart en Orient, toujours à la suite du comte de Champagne, mais y reste. Avant de partir, il s’était séparé de sa femme entrée au couvent et qui en sortira à sa mort.

En 1127/1129, il séjourne en Occident, à la fois pour obtenir la reconnaissance officielle par l’Église de sa Chevalerie créée en 1120, recruter des combattants et probablement recevoir des donations. Hugues de Payns va peut-être rencontrer saint Bernard (Bernard de Clairvaux), la plus grande voix de l’Occident chrétien, à qui il s’adresse pour légitimer son organisation. Ce dernier sera sans doute influencé par son oncle, André de Montbard, un des premiers membres de cette nouvelle milice dont le nom officiel est « ordre des Pauvres Chevaliers du Christ », connue sous le nom d’ordre du Temple parce que le roi de Jérusalem, Baudouin II, l’installe dans ce que l’on croyait être le Temple de Salomon.

En 1126/1128, alors que Hugues de Payns est toujours en Occident, saint Bernard, compose son Éloge de la nouvelle chevalerie qui justifie le métier de soldat. Il dit que les Templiers remplissent une mission unique (ils sont une élite qui défend la terre du Seigneur) et que la mort au service du Christ est la consécration suprême. En janvier 1129, avec l’appui de saint Bernard, un concile tenu à Troyes reconnaît l’ordre des Pauvres Chevaliers du Christ qui est le premier ordre religieux strictement militaire et dont la règle est d’inspiration bénédictine.

Le fait que des religieux portent les armes a rencontré les réticences de certains théologiens qui n’ont cependant pas résisté à la force de persuasion de saint Bernard. C’était en effet la première fois que le fait se produisait. Il n’a jamais été question de convertir les infidèles mais de défendre la Terre sainte. Hugues de Payns deviendra le premier maître du Temple. Il décède un 24 mai, en 1136 ou 1137. À la suite du concile de Troyes, Hugues repart en Orient suivi de combattants entrés ou non dans l’ordre du Temple. C’est à l’automne 1129 que l’on relève la première participation de celui-ci dans des combats contre les musulmans. La controverse à propos des religieux armés continuera, avec entre autres, Isaac de L’Étoile qui sera abbé de l’abbaye cistercienne de L’Étoile aujourd’hui dans la Vienne.

Le Temple s’organise et prouve son efficacité : en 1138 le château de Toron, entre Jaffa et Jérusalem, est le premier à lui être remis. En 1139, par la bulle Omne Datum Optimum, le pape accorde des privilèges aux Templiers. Cette bulle sera confirmée à de nombreuses reprises et l’ordre est formellement placé sous l’autorité du pape. Ce sont les mêmes avantages que ceux accordés à l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. De nombreux ordres militaires existaient non seulement en Orient mais aussi en Espagne où les chrétiens étaient également aux prises avec les musulmans. Ainsi, en 1158 y est créé l’ordre de Calatrava. C’est en 1143 que le Temple s’engage dans la péninsule ibérique. Il ne faut pas oublier l’ordre Teutonique, réservé aux chevaliers de langue allemande, fondé à Saint-Jean-d’Acre un peu plus tard (1189/90) par des marchands de Lübeck et de Brème sous le nom de Chevaliers de l’hôpital de Sainte-Marie des Allemands. Il deviendra en 1199 un ordre militaire par confirmation ecclésiastique. L’ordre du Temple est le plus connu : beaucoup d’histoires et beaucoup d’erreurs traînent sur son compte. Comme celui de l’Hôpital, qui aura des privilèges en 1154 et se militarise dans la deuxième moitié du XIIe siècle, il est international. Les deux ordres ont souvent été présentés comme rivaux. Ils ont effectivement eu quelquefois des stratégies politiques différentes en Terre sainte mais se sont toujours retrouvés dans le combat contre les musulmans. Notons que les Templiers et les Hospitaliers capturés étaient exécutés (on ne demandait pas de rançon). Ces ordres religieux, dont les membres avaient prononcé les vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté, constituaient des forces armées permanentes rapidement opérationnelles et disciplinées, alors que les chevaliers laïcs, combattant pendant un temps déterminé, l’étaient moins.

En 1187, Jérusalem est prise par Saladin, ce qui va provoquer la troisième croisade, entre 1187 et 1193, à laquelle participent deux souverains connus, Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste (les croisades ont été arbitrairement divisées en huit périodes, de la première à la huitième, mais il y avait des départs assez nombreux). En 1229, la Ville sainte est rendue aux croisés par le traité de Jaffa. En 1230, les chevaliers Teutoniques s’installent en Prusse. Jérusalem est définitivement perdue par les chrétiens en 1244 ; 1291 marque la chute de la Terre sainte et des États latins d’Orient. Au début de l’année 1292, Jacques de Molay, dernier maître du Temple, est élu à la tête de son ordre. Le dernier château des croisés sur le continent tombe en 1298 ; les Templiers continuent cependant à combattre les musulmans. Entre novembre 1300 et le 26 septembre 1302, une garnison est maintenue sur le petit îlot de Rouad, à trois kilomètres au large des côtes syriennes. Ce sera la dernière opération militaire des Templiers sur le terrain asiatique.

Il avait été question à plusieurs reprises d’une fusion entre les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem et le Temple, notamment au concile tenu à Lyon en 1274 et de nouveau au début du XIVe siècle mais en 1306 Jacques de Molay refuse maladroitement cette union entre les deux ordres, insistant sur la concurrence qu’il y aurait entre eux. À la fin de 1306 ou au début de 1307, convoqué par le pape, de même que le maître de l’Hôpital, Jacques de Molay apprend les rumeurs courant sur son organisation en arrivant en France. Quelles sont-elles ? On parle d’hérésie, de blasphème, de sodomie, d’idolâtrie et de pratiques scandaleuses, notamment lors du rituel d’admission (comme dans tout ordre religieux chaque postulant est admis selon des procédures particulières).

Parallèlement, l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, entre 1306 et 1310, va être occupé par la conquête de l’île de Rhodes ; il s’y installera durablement pour continuer la lutte contre les musulmans. Les Teutoniques combattent les païens d’Europe centrale et du nord. L’ordre du Temple se replie quelque temps à Chypre pour rejoindre ensuite sa maison parisienne. Il n’a plus d’activité en Orient, ni contre les « ennemis de la chrétienté ». Il semble n’avoir plus aucune utilité aux yeux des populations occidentales et traîne aussi la réputation d’être très riche. Les Templiers n'ont-ils pas raté leur reconversion dans les années 1302-1306 ?

Au début du XIVe siècle, les rumeurs courant sur le Temple vont contraindre le pape Clément V à annoncer le 24 août 1307 une enquête sur celui-ci. Mais le roi de France Philippe le Bel le prend de vitesse : le 14 septembre 1307, par un ordre secret envoyé à tous ses sénéchaux, il demande de préparer l’arrestation des Templiers du royaume. Le 14 septembre est le jour de l’Exaltation de la Sainte Croix selon le martyrologe romain : il marque le retour en 630 à Jérusalem, suite à la victoire de l’empereur d’Orient sur les Perses. La date a sans doute été choisie à dessein. Le roi veut prendre les devants pour mieux maîtriser les opérations et se poser en garant de la foi chrétienne en voulant dire en quelque sorte : « Le pape ne fait rien, moi j’agis. » Tout ceci va aboutir le 13 octobre 1307 à l’arrestation des Templiers de France qui est une atteinte aux prérogatives pontificales, une violation du droit canon puisque l’ordre du Temple est un ordre religieux. Ces mesures auraient dû être prises par les autorités ecclésiastiques et non par un pouvoir laïc.

Voici un extrait de l’ordre d’arrestation : « Une chose amère, une chose déplorable, une chose assurément horrible à penser, terrible à entendre, un crime détestable, un forfait exécrable, un acte abominable, d’infamie affreuse, une chose tout à fait inhumaine, bien plus, étrangère à toute humanité, a, grâce au rapport de plusieurs personnes dignes de foi, retenti à nos oreilles, non sans nous frapper d’une grande stupeur et nous faire frémir d’une violente horreur ; et en pesant sa gravité, une douleur immense grandit en nous, d’autant plus cruellement qu’il n’y a pas de doute que l’énormité du crime déborde jusqu’à être une offense pour la majesté divine, une honte pour l’humanité, un pernicieux exemple du mal et un scandale universel. »

Je n’irai pas plus loin. Je vais laisser Monsieur FAVREAU parler du procès. Pour revenir sur les débuts du Temple, il faut dire qu’on ne dispose d’aucun texte d’époque sur sa fondation. Tous sont un peu plus tardifs, postérieurs de quelques années. Ainsi, par exemple celui de Guillaume de Tyr qui sera évêque de cette ville en 1174. Aucun auteur n’a vécu les événements. Tout a démarré par la volonté de renoncement au monde de la part de quelques chevaliers établis à Jérusalem. C’est une démarche religieuse, à l’initiative de Hugues de Payns. Cette création répondait aux souhaits de laïcs et d’ecclésiastiques du royaume de Jérusalem de protéger les pèlerins et de fonder une armée au service de celui-ci. Cette milice – si on peut l’appeler ainsi – avait des liens avec les chanoines du Saint-Sépulcre, dont il a déjà été question : elle leur servait de garde armée. Des croisés s’étaient mis au service de cette communauté chargée de desservir la basilique du Saint-Sépulcre. Ces croisés, ces laïcs, sont chargés de défendre l’établissement et ses biens comme cela se faisait en Europe et on peut supposer que Hugues de Payns est entré au service des chanoines vers 1115, au cours de son second séjour en Terre sainte. Par la suite, ces chevaliers voudront mener une vie religieuse et suivre une règle tout en continuant à protéger les chanoines par les armes et à défendre le royaume de Jérusalem.

À ce moment là, les chanoines du Saint-Sépulcre ont une fonction religieuse, liturgique (ils se constituent en ordre religieux en 1114) ; les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem assurent l’hospitalité et enfin, l’ordre du Temple a une mission militaire car la Terre sainte a besoin d’hommes pour la défendre. C’est une institution originale, controversée à ses débuts, mais qui ensuite a eu des possessions dans tout le monde chrétien. Ces possessions étaient, dans nos régions, des exploitations agricoles dont les revenus servaient aux besoins de l’ordre.

Ce 13 octobre 1307, les Templiers se sentant innocents n’ont pas opposé de résistance aux troupes royales. Il faut savoir également qu’ils n’avaient pas le droit, de par leur statut, de combattre des chrétiens. Ils se sont laissés prendre au piège. Techniquement, la rafle a été menée de main de maître. L’ordre d’arrestation a été émis par le roi un mois auparavant. Le secret n’a pas été dévoilé. Il n’y a pas eu de fuite. Très peu de Templiers ont pu s’échapper. Le grand maître lui-même ne se doutait de rien : la veille de l’arrestation il était présent aux obsèques de la belle-sœur du roi. Rien n’a filtré. Cette opération de police a été une réussite dans son genre.

 

Je vous remercie. (Applaudissements)

 

 

 

Compléments bibliographiques :

 

L’Orient et les croisades

- Alain Demurger, La croisade au Moyen Age : idée et pratiques, Paris, Nathan, 1998, coll. « 128 », n° 218

- Jean Flori, La guerre sainte : la formation de l’idée de croisade dans l’Occident chrétien, Paris, Aubier, 2001.

- Jean Flori, Guerre sainte, jihad, croisade : violence et religion dans le christianisme et l’islam, Paris, éditions du Seuil, 2002, coll. « Points. Histoire », n° 309.

- Cécile Morrisson, Les croisades, 9e édition, Paris, Presses Universitaires de France, 2003, coll. « Que sais-je ? », n° 157.

- Georges Tate, L’Orient des croisades, Paris, Gallimard, 1991, coll. « Découvertes. Histoire », n° 129.

- John Tolan, Les Sarrasins : l’islam dans l’imagination européenne au Moyen Age, Paris, Aubier, 2003.

- Jean Richard, Histoire des croisades, Paris, Fayard, 1996.

 

Les ordres militaires et l’ordre du Temple :

- Alain Demurger, Chevaliers du Christ : les ordres religieux-militaires au Moyen Âge (XIe-XVIe siècle), Paris, éditions du Seuil, 2002.

- Alain Demurger, Les Templiers : une chevalerie chrétienne au Moyen Âge, Paris, éditions du Seuil, 2005.

 

Le texte l’arrestation des Templiers est extrait de : Georges Lizerand, Le dossiers de l’affaire des Templiers, Paris, Les Belles-Lettres, 1923 (rééd. 1964), p. 17.